Trois mois après son naufrage à La Carangue, le capitaine Reimer Kobs est toujours à Maurice. Trois mois durant lesquels il s’est retrouvé seul à l’hôpital, sans autres vêtements que ceux qu’il portait sur lui, sans passeport et sans bateau. Avec l’aide de quelques bons samaritains, il repart pour l’Allemagne mardi. Il se confie à Week-End sur ses périples en terre mauricienne.
« J’ai tout perdu, j’ai perdu mon bateau, c’était ma maison », dit Reimer Kobs tristement, assis dans la salle de jeu de la Trevessa House à Mer Rouge. En effet, après avoir passé trois semaines à l’hôpital, il sera pris sous les ailes du Père David. Malgré tous ses malheurs, le loup de mer de 71 ans garde le sourire. Il gardera notamment de très bons souvenirs d’une famille de Rose-Belle qui l’aidera. La famille Teerbohun qui, pendant son séjour à Rose-Belle, s’occupera de lui.
Lorsque nous avions rencontré Reimer Kobs à l’hôpital de Rose-Belle il y a trois mois, au lendemain de son naufrage, il n’avait qu’une seule idée en tête : revoir son bateau pour le réparer. Il nous expliquait en détail comment faire et où trouver les équipements nécessaires. Fébrile, déshydraté, seul, il gardait l’espoir de reprendre la mer. Sauf que son compagnon de route qu’il a depuis 1998 a été complètement détruit. Caprices des vagues ou acte de vandalisme ? Il se pose encore la question. Pour rappel, le capitaine Kobs avait fait naufrage à La Carangue, L’Escalier, le 25 août dernier. Il avait nagé jusqu’à la côte pendant plusieurs heures avant d’être transporté à l’hôpital.
« Il ne reste plus rien. Que des morceaux de métal et des éclats de bois échoués sur la côte », dit-il. Reimer Kobs ne comprend pas comment un bateau, qui devait être sous la supervision des gardes-côtes, ait pu être laissé à l’abandon. «Tout a disparu. Lorsque le Père David m’a accueilli, on est partis quelques jours après revoir le bateau. Il était toujours là, adossé aux rochers du bassin Carangue, mais tout avait disparu le mât, les haubans, l’accastillage, l’énorme filet de poisson, le moteur, le générateur, absolument tout ! » raconte-t-il.
Il récupère son passeport après trois mois
Assis en face de lui, son ami R.V.A, membre de la German Cruising Association. C’est lui qui a fait les récentes démarches pour que Reimer Kobs puisse rentrer chez lui. «Lorsqu’il a fait son naufrage, je n’étais malheureusement pas à Maurice, sinon je serais déjà intervenu », soutient R.V.A. «Il fallait faire quelque chose pour ce capitaine de bateau qui s’est retrouvé sans rien. Il est comme un ermite sans coquillage. »
Interpellé par l’histoire du septuagénaire, R.V.A demande l’aide du Grand Baie Yacht Club de Philippe Lenoir. En une semaine, 30 membres de l’association récoltent suffisamment d’argent pour lui acheter un billet d’avion Maurice-Francfort, un billet de train jusqu’à Hambourg, sa ville de résidence, et pour payer les 10 jours à la Trevessa House où il loge actuellement. Par ailleurs, Reimer Kobs obtiendra son passeport le 14 novembre, soit trois mois après son naufrage. « Pourquoi avoir pris tout ce temps pour remettre ce document important ? » se demande-t-il.
Après ces trois mois de calvaire, le capitaine Kobs se pose plusieurs questions. Ayant repris ses esprits, il nous raconte de nouveau ce jour fatidique lorsque son bateau à la dérive depuis 68 jours heurte les rochers de la Carangue. « J’ai appelé les gardes-côtes mais aucune réponse. J’ai envoyé des feux de détresse rouges. Rien du tout. J’ai dû abandonner mon bateau et mes effets personnels, n’emportant avec moi que l’essentiel et deux paires de chaussures, dont des bottes et des sandales. Finalement, lorsque je suis arrivé sur terre, il ne me restait que le côté gauche des bottes et le côté droit des sandales ! » raconte Reimer Kobs un peu amusé.
« Ils voulaient savoir où j’avais caché mon coffre-fort »
Une anecdote drôle, comme une sorte d’accalmie dans son récit bouleversant. Kobs redevient sérieux. « Il faisait noir, j’étais fatigué après avoir nagé jusqu’à la terre ferme, mais je me souviens de quelque chose d’autre », dit-il. « J’ai vu les gardes-côtes me regarder au loin avec leurs jumelles. » Ils étaient donc au courant et savaient pertinemment qu’il y avait un homme en mer en difficulté et n’ont rien fait pour l’aider. C’est ce qu’il ne cesse de se répéter depuis ces derniers mois.
Il nous explique que les gardes-côtes l’ont ensuite conduit au poste de police de L’Escalier comme un vulgaire malfrat et l’ont interrogé pendant plusieurs heures malgré sa fatigue et ses blessures. « Il a été traité comme un criminel, un dealer ! Reimer Kobs est un Certified Marine Engineer et un capitaine de bateau avec plusieurs années d’expérience. C’est inadmissible ! S’il était un criminel, il n’allait pas avoir ses papiers, soient les premières choses qu’il a sauvées avant de sauter par-dessus bord ! » s’indigne R.V.A.
Autre fait troublant : en plus des effets personnels du capitaine qui ont disparu, le coffre-fort contenant près de Rs 1 million en liquide et en différentes devises étrangères est aussi introuvable. « J’ai fait la bêtise de faire confiance à un officier et je lui ai dit où se trouvait le coffre-fort », confie Reimer Kobs, qui ajoute que cet officier en question ne lui a jamais révélé son nom. Il s’emporte. « Je n’aurais pas dû leur faire confiance », répète-t-il. « Ils étaient là tous les matins, ils m’interrogeaient. Ils voulaient juste savoir où j’avais caché mon coffre-fort », se souvient le capitaine Reimer Kobs.
Seaman Service Book introuvable
En sus de cela, Reimer Kobs a perdu son Seaman Service Book, soit le Saint Graal des marins. «Tout y est répertorié et sans cela, il y a des risques de ne recevoir aucune pension du gouvernement allemand », explique R.V.A, lui aussi navigateur de longue date installé à Maurice il y a plusieurs années. À cet effet, une déposition a été consignée jeudi au poste de police de Baie-du-Tombeau.
Reimer Kobs a la tête baissée. Il repense à sa vie sur son bateau. « Le soir quand je suis seul dans ma chambre, je repense à cela. Il faut avoir vécu une telle expérience pour comprendre. J’y repense sans cesse. C’est triste mais c’est la vie, je me suis fait à l’idée que j’ai tout perdu. » Il a aussi perdu tout contact avec ses amis, ayant perdu « un sac rempli de cartes SIM de pays différents où tous les noms de ses amis étaient répertoriés ». D’ailleurs, il est persuadé que ses amis l’attendent en Nouvelle-Zélande — c’est pour cela qu’il avait décidé d’entreprendre ce voyage il y a plusieurs mois.
« Je ne sais pas si c’est la mer qui a tout emporté ou si ce sont des personnes malveillantes qui ont profité de la situation. Nous ne voulons accuser personne. Nous voulons seulement des réponses car le bateau aurait pu être sauvé, selon les experts que nous avons consultés », relate R.V.A. Mardi, Reimer Kobs entreprendra le voyage avec son nouvel ami R.V.A qui restera à ses côtés durant le trajet Maurice-Francfort. « J’irai vivre chez mon fils et ensuite peut-être que j’irai chez ma mère qui vit encore à 96 ans. Je ne sais pas ce que je vais faire pour les fêtes. Je veux juste rentrer chez moi », confie le capitaine Kobs.
« Je reviendrai peut-être à Maurice pour obtenir les réponses à toutes ces questions. Je dois d’abord gagner un peu d’argent », espère le Seaman déchu. « Je prendrai la mer peut-être de nouveau. » Reconnaissant de l’aide du Père David, de R.V.A, du Grand Baie Yacht Club et de la famille Teerbohun, il garde le sourire. Tout en nous racontant ses aventures en mer, un brin nostalgique, il nous confie avoir écrit quelques histoires. L’occasion peut-être pour lui de raconter son naufrage dans les eaux mauriciennes.
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NAUFRAGÉ À LA CARANGUE : Le capitaine Reimer Kobs repart après trois mois de calvaire
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