« La conformité contre le blanchiment d’argent est un choix », a affirmé Stephen Platt, CEO de KYC Global Technologies, qui animait une masterclass au Hennessy Park Hotel sur la lutte contre le blanchiment des capitaux à l’invitation de la firme légale Temple Professionals Ltd. Il estime que Maurice dispose de structures adéquates pour lutter contre le blanchiment, si celles-ci sont utilisées. « J’entends beaucoup de bruit au sujet de vos derniers scandales, mais j’entends rarement parler de quiconque tenu pour responsable », a-t-il observé.
De nombreux pays luttent contre le blanchiment d’argent à travers des cadres légaux et des contrôles financiers. Selon vous, est-ce un signe que l’ampleur du blanchiment d’argent est alarmante ?
Oui. Le blanchiment d’argent constitue un problème énorme. Des milliards de dollars sont chaque année générés par des activités criminelles. Le blanchiment d’argent est l’une des façons de le faire. Mais cela marche si les institutions financières croient réellement qu’elles pourront avoir des ennuis si elles ne prennent pas en compte sérieusement leurs responsabilités contre le blanchiment. Les institutions financières sont comme des enfants ; elles vont essayer de s’échapper avec plus. La discipline est un composant important, et dans les services financiers, la qualité d’un environnement régulateur est uniquement valable si les autorités sont prêtes à prendre des actions coercitives.
Où sont situées généralement les défaillances qui permettent à ce fléau de se propager sans pouvoir le contrôler ?
Les faibles contrôles du blanchiment d’argent dans les activités de services financiers. Malgré toute la somme d’argent investie pour lutter contre le blanchiment d’argent par le secteur financier, il est quand même facile de blanchir de l’argent si on sait ce qu’on fait. L’industrie doit examiner comment elle peut dépenser son argent plus judicieusement en adoptant, par exemple, des solutions technologiques de conformité. La nature interconnectée des services financiers à l’échelle mondiale facilite également l’accès. L’argent peut traverser les frontières en millisecondes au simple clic d’un bouton. Capacité que n’ont pas les enquêteurs et les procureurs.
Quel est le meilleur moyen, selon vous, de mettre un frein à ce phénomène ?
En introduisant la bonne législation et en la soutenant avec la volonté politique de l’utiliser contre ceux qui ne la suivent pas. Les poursuites pénales sont très difficiles, mais les mesures réglementaires sont plus faciles à prendre. L’éducation est également essentielle : vous devez doter les gens au premier plan dans les services financiers des compétences et des bons outils pour éviter de faire du business avec les mauvaises personnes. Malheureusement, l’élément de profit peut être un facteur atténuant puisant dans la bonne marche. Mais si les sanctions sont suffisamment sévères, un mauvais comportement peut être découragé.
Le blanchiment d’argent implique des milliards de dollars tant dans les économies avancées que dans les pays en voie de développement. Mais il affecte aussi en grande partie les pays sous-développés. Votre avis ?
Toute économie construite sur de l’argent criminel est intrinsèquement faible et susceptible d’échouer. Quand nous témoignons de cela, nous voyons aussi une société civile fragile et des niveaux élevés de corruption. Le problème est que les pays ne disposent que de tant de leviers pour stimuler l’activité économique et la croissance. Établir une industrie des services financiers et attirer des capitaux sont des options faciles, mais pour réussir, vous devez vous différencier de toutes les autres juridictions qui sont en concurrence afin d’attirer les mêmes flux de capitaux. Vous pouvez le faire en fonction de vos compétences, de votre infrastructure, de vos taux d’imposition, etc. Mais lorsque vous tentez de concurrencer en réduisant les normes réglementaires, vous commencez à attirer de l’argent sale et cela mène inévitablement à un désastre.
Quelle est votre perception quant au combat que mène Maurice contre le blanchiment d’argent ?
L’île Maurice est consciente de ses responsabilités, mais elle est confrontée à de réels défis illustrés par des scandales récents et bien médiatisés. Le pays a fait du bon travail en mettant en place la bonne législation, mais il doit faire preuve de volonté et de capacité à l’utiliser. Chaque fois que je viens, j’entends beaucoup de bruit au sujet de vos derniers scandales, mais j’entends rarement parler de quiconque tenu pour responsable.
Nos lois sont-elles efficaces pour combattre ce fléau ?
Elles le sont quand vous les utilisez.
Les nouvelles technologies sont maintenant la nouvelle astuce pour ceux qui s’engagent dans le blanchiment d’argent. Qu’en pensez-vous ?
Les devises Crypto sont, par exemple, vulnérables à l’exploitation criminelle, mais de nouvelles technologies comme RiskScreen présentent également des moyens nouveaux et intéressants de lutter contre la criminalité financière. Donc ce n’est pas une mauvaise nouvelle !
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QUESTIONS À… STEPHEN PLATT, CEO de KYC Global Technologies : « Toute économie bâtie sur de l’argent criminel est faible et susceptible d’échouer »
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