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Les protocoles de la polices

Dimanche dernier, Kunal Gauzee, un journaliste mauricien au chômage, a été arrêté par des policiers et des membres du CID alors qu’il taguait le graffiti « arrête terrorisme » sur les murs de l’hôtel du gouvernement. Plus tard, le journaliste dira qu’écrire des graffitis sur les murs étaient une manière, pour lui, de s’exprimer sur des sujets de société et d’utiliser ce qu’il appelle sa liberté d’expression. Il est clair que taguer des graffitis sur des murs, surtout ceux appartenant à l’État, est un délit et Kunal Gauzee est le premier à le reconnaître. La cour décidera, après avoir entendu ses explications, de la peine qu’il mérite. Mais le but de ce billet n’est pas de remettre en question la culpabilité de Kunal Gauzee, mais de souligner la manière de procéder de la police dans certaines affaires. Arrêté, Gauzee a été traîné au poste de police où il a été interrogé. C’est-à-dire qu’on lui a donné des claques et quelques coups de pied pour avouer les faits qu’il avait déjà reconnus. Il paraît que c’est le “protocole” utilisé par la police pour faire avouer les crimes. Je suppose, en plus, que pour certains policiers, avoir sous la main un journaliste devait être un motif de grande satisfaction.

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Mais il semblerait que ce “protocole” n’est utilisé que dans le cas des citoyens ordinaires, pas dans celui des proches du pouvoir et autres ministres. Tenez, prenons l’exemple de Showkutally Soodhun. Alors qu’il était numéro quatre du gouvernement, il a déclaré, lors d’une réunion publique, que si son garde du corps lui avait donné son révolver, il aurait tiré sur le leader de l’opposition. Est-ce que vous avez entendu dire qu’après la diffusion de ces propos sur les réseaux sociaux et la plainte du leader de l’opposition que la police avait convoqué Showkutally Soodhun pour l’interroger en utilisant le “protocole” dont nous avons parlé pour lui faire reconnaître son délit ? De même, on pourrait relever la délicatesse avec laquelle la police avait traité le PPS Henry dont la voiture avait été impliquée dans un accident ayant provoqué mort d’homme.

Après avoir reconnu son délit, Kunal Gauzee a passé deux jours en prison, au poste de police de Moka, avant d’être déféré devant un magistrat qui a demandé qu’il subisse un examen médical. C’est à l’hôpital Brown-Séquard que le journaliste a été conduit pour cet examen. Comme si, pour la police, écrire un graffiti sur un mur équivalait à être un malade mental. Toutes proportions gardées, on se serait cru revenu au temps du socialisme dans l’ancien bloc soviétique, où les dissidents étaient envoyés au goulag ou internés dans un asile psychiatrique. Heureusement que le psychiatre de service à Brown-Séquard a refusé de faire une évaluation de la santé mentale du journaliste comme le demandait la police. Sans doute pour suivre un autre de ses protocoles qui n’est appliqué qu’au commun des mortels, pas aux ministres qui menacent de tirer des coups de révolver sur leurs adversaires. Pour la police il semblerait qu’ils soient moins dangereux que des tagueurs.

Précisons-le une fois encore : il ne s’agit pas ici de dire que Kunal Gauzee a le droit d’aller écrire des graffiti sur les murs des édifices publics pour exprimer son sentiment sur les maux du pays et exercer son droit à la liberté d’expression Il s’agit de redire qu’il n’est pas normal que dans ce pays la police fonctionne à plusieurs vitesses, selon le rang social ou politique des prévenus. On aimerait que le même traitement soit réservé à tous ceux qui enfreignent la loi, fussent-ils ministres, PPS, voleurs de litchis ou journalistes au chômage.

Il n’est pas normal que — comble de l’ironie — pour avoir écrit « arrête terroriste » Kunal Gauzee ait été traité comme un terroriste en puissance, conduit à l’asile psychiatrique et traîné en cour menottes aux poings suivi par les caméras de la télévision, alors que d’autres prévenus sont reçus avec tapis rouge aux Casernes centrales ou dans les postes de police. Ce n’est pas cette politique de deux poids deux mesures qui va pousser le Mauricien à retrouver confiance dans la police.

 

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