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Comme un arbre dans la ville

L’actualité nous offre parfois de curieux paradoxes. Aux multiples ramifications.
Il en est ainsi, cette semaine, des arbres. Qui, loin de n’être que des entités «décoratives», occupent dans nos vies une place capitale. Que nous ignorons trop souvent. Avec des conséquences dont nous ne sommes même pas capables de distinguer la portée.

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Il est ainsi symptomatique de voir s’afficher cette semaine le programme de Porlwi by Nature, qui occupera la capitale du 29 novembre au 3 décembre. Soulignant «la régénération urbaine et la reconnexion culturelle avec notre terre, dans une volonté de repenser la ville de demain en intégrant la nature dans notre quotidien». Cela alors même que le projet de Metro Express s’apprête à saccager la nature de nos villes d’une façon qu’il ne nous est même pas possible de quantifier…

Parmi de multiples activités rivalisant d’originalité, Porlwi by Nature propose notamment «One beat One tree». Conçue et réalisée par l’architecte et artiste belge Naziha Mestaoui, cette création propose à chaque visiteur, à travers le battement généré par son cœur, de faire naître un arbre virtuel lumineux. Par la suite, cet arbre virtuel devient un arbre réel, qui est planté dans le cadre d’un projet de reforestation sur les flancs de la Citadelle. Une activité à l’attraction et à la portée certaines.

«Les arbres ont toujours été intimement liés à l’évolution humaine. Sans le couvert boisé fourni par les quelque 300 000 espèces végétales existant sur la Terre, la vie humaine sur notre planète n’aurait pu exister» souligne le site de l’association Arbo-Québec. Qui liste les multiples fonctions essentielles des arbres.
Il y a bien sûr la fonction écologique.

L’arbre, à travers la photosynthèse, est producteur d’oxygène. Il est aussi purificateur de l’air que nous respirons. Grâce à ses racines, il lutte contre l’érosion du sol, et permet d’améliorer la qualité de l’eau. Il protège contre la chaleur, et aide à régulariser les écarts extrêmes de température, grâce au processus dit d’évapotranspiration. Il protège face aux pluies excessives et réduit la vitesse du vent en offrant une résistance au déplacement de l’air. L’arbre contribue aussi à diminuer le brut ambiant. Et ils assurent l’habitat de centaines d’espèces animales.

Au chapitre des fonctions esthétiques, l’arbre est un élément architectural à part entière qui rompt la rigidité et la monotonie des structures, et agit comme écran pour isoler et assurer le caractère privé de certains espaces.
Fonctions économiques ensuite. Les arbres génèrent une production fruitière, suscitent la création d’emplois directs et indirects, représentent un attrait touristique indéniable (que serait le Jardin de Pamplemousses sans son talipot?), permettent d’économiser l’énergie (en rafraîchissant naturellement la température, moins d’utilisation de clim), et accroissent la valeur d’une propriété.

Fonction sociale indéniable également, les arbres étant une part essentielle dans la création d’espaces récréatifs et de bien-être. Et cela va même au-delà. Au Rajasthan en Inde, dans le village de Piplantri, les villageois célèbrent la naissance d’une fille en plantant pas 1 mais 111 arbres. Le village tout entier participe à cette tâche, et à entretenir ces arbres. Outre sa portée environnementale, face à l’accroissement de la population, on rapporte que l’institution de cette pratique a apporté une nouvelle forme d’harmonie à ce village, et une baisse du taux de criminalité.

Enfin, certainly not least, il y a la fonction symbolique et psychologique des arbres.
Dans un certain nombre de cultures, les arbres sont considérés comme sacrés. Etant directement en contact avec les trois dimensions, à travers leur ancrage dans la terre (l’outre-monde), la présence de leur tronc (la Terre) et l’élévation de leurs branches (les Cieux). Alors que l’hémisphère Nord passe en ce moment de l’automne, saison des feuilles mortes, à l’hiver, saison des branches dénudées, les arbres sont le symbole de la vie, de la mort, et du renouvellem tirent les adeptes du tree hugging.

Sachant tout cela, on fait quoi? Eh bien, on les coupe les arbres!

Comme le gouvernement s’apprête à le faire le long de la promenade Roland Armand, dans le cadre de son projet de Metro Express.

Pourquoi donc cette précipitation, et cette opacité, autour des travaux qui seront effectués dans ce cadre? Chaque jour des centaines de personnes empruntent la Promenade Roland Armand, pour marcher, jogger, déambuler, juste respirer un peu à l’ombre de ses magnifiques jacarandas, tabubeai rosa et flamboyants. Pourtant. Aucune étude d’impact environnemental, ni social, n’a été conduite avant de décider de couper (de transplanter nous assure-t-on sans aucune garantie) ces arbres tutélaires et de priver les citadins de ce poumon entre Rose-Hill et Beau-Bassin. Et pareillement probablement à d’autres endroits sur le tracé.

«Entre béton et bitume / On m’arrachera des rues / Pour bâtir où j’ai vécu / Des parkings d’honneur posthume», chantait Maxime Le Forestier dans «Comme un arbre dans la ville». Ce ne sont que quelques arbres nous dira-t-on. On avait dit ça aussi sans doute, avant le bétonnage et les inondations meurtrières de Port-Louis…

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