L’idée avait été évoquée cette semaine à l’occasion de la présentation des perspectives économiques pour 2018 à la Chambre de commerce et d’industrie : pourquoi ne pas tout mettre en œuvre pour permettre au pays d’avoir une croissance économique d’au moins 5% pour les 50 ans d’indépendance l’année prochaine ?
Le défi est pertinent dans la mesure où l’économie a été un des points forts de l’actualité de ces derniers jours, qui a été marquée par la réunion du MPC de la Banque de Maurice, la publication des perspectives économiques de la MCCI et la visite officielle de Pravind Jugnauth en Côte d’Ivoire en marge du sommet Union africaine-Union européenne, qui s’inscrit dans le cadre de la stratégie africaine de Maurice.
Pour le moment, les prévisions de croissance par les principales institutions locales divergent légèrement. Le bureau central des statistiques prévoit ainsi une croissance de 3,9% pour 2017 sans faire de projection pour 2018. La Banque de Maurice, elle, considère que la croissance sera de 3,8% en 2017 et de 4,2% en 2018. Enfin, tandis que la MCCI prévoit une croissance de 4% pour cette année et considère qu’elle peut atteindre 4,4% l’année prochaine, MCB Focus se contente pour sa part d’un taux de croissance de 3,7% cette année pour passer à 4% l’année prochaine.
La distance à combler pour atteindre les 5% de croissance varie, selon les prévisions, entre 0,8% et 1%. Mais ce n’est pas gagné d’avance. Le travail à abattre pour atteindre ce seuil de 5%, qui reste pourtant modeste, est considérable. L’ancien ministre des Finances, Vishnu Lutchmeenaraidoo, s’adressant à un séminaire animé par Ivar Tallo, directeur de l’institut de l’e-governance de l’Estonie, se lamentait que Maurice était devenue une nation complaisante qui se contentait de « dormir sur ses lauriers » et était « anesthésiée » par les analyses qui la classaient comme première en Afrique en matière économique. Il s’insurgeait contre le fait que les Mauriciens avaient perdu la pugnacité et la volonté de se battre et de travailler dur pour innover, pour trouver des voies nouvelles pour faire avancer l’économie du pays. Au train où vont les choses, il a exprimé la crainte que Maurice reste piégée au niveau de « middle income country » avec une croissance de 3,6%. Pour lui, la classe politique, aussi bien au gouvernement que dans l’opposition, ne correspondrait plus à la vision et aux aspirations que le pays doit avoir.
Ramesh Basant Roi, le gouverneur de la Banque de Maurice, abondait dans le même sens en estimant que les Mauriciens étaient devenus des consommateurs indolents ne voulant plus s’aventurer à relever le défi de la production. Il avait invité les journalistes à faire un tour des supermarchés pour faire le constat que le taux de produits “Made in Mauritius” était insignifiant. Azim Currimjee, président de la Chambre de commerce, se demandait jeudi dernier où était passée la fibre de l’entreprenariat mauricien. À titre d’exemple, il observait que les enfants des planteurs ayant sué pour bâtir un patrimoine n’hésitaient pas à dilapider des terrains familiaux pour se payer de grosses cylindrées au lieu d’utiliser ces terres pour se lancer dans l’agriculture innovante, comme dans la production de légumes bio. Il plaide pour le retour vers ce sens de l’entreprenariat d’antan. T
out le monde s’accorde à dire que gouvernement, secteur privé et syndicats devraient se concerter afin de canalyser leurs énergies vers la relance de la production en instillant un sens de l’innovation, de la création et de la qualité dans le pays. Une amélioration de la croissance passe par le développement de nouveaux piliers productifs et par la facilitation des affaires mais aussi, surtout, par une hausse de l’ordre de 5% du taux d’investissements, tant privés que publics, qui, comme le souligne la dernière édition de MCB Focus, continue de stagner.
À l’instar du secteur de la construction, l’industrie touristique est devenue aujourd’hui un moteur incontournable du développement économique. Une croissance de 7% à 10% dans ce secteur aura un impact positif sur le PIB du pays. Il faudra finalement continuer l’ouverture vers le continent africain, que ce soit sur le plan de l’investissement que sur le plan commercial. Il ne faut pas oublier qu’autour de 50% de profits des principales banques du pays proviennent du continent africain. L’effort pour atteindre les 5% de croissance est dès lors difficile, mais pas insurmontable.