- Publicité -

La racine du mal de notre société, notre parlement…

Dev Sunnasy
Président de la Mauritius Information &
Technology Industry Association (MITIA)

- Publicité -

Une expression proverbiale d’il y a plusieurs siècles, « Toute vérité n’est pas bonne à dire », m’a incité depuis plus d’un an à ne pas partager l’analyse ci-dessous. Mais le droit de dire la vérité m’incite à déroger à la loi du silence. Jean Jaurès ne disait-il pas que « Le courage, c’est de chercher la vérité et de la dire ; ce n’est pas subir la loi du mensonge triomphant qui passe…».

Comme bon nombre de nos concitoyens, je pense que notre société est affligée de toute sorte de maux. Des politiciens menteurs, des avocats tricheurs, des médecins arnaqueurs, des policiers véreux, sans parler des violeurs, des dealers, des jeunes chômeurs, des parlementaires aboyeurs. Et quand un quidam est malade, il faut le soigner, que ce soit au moyen de produits homéopathiques, chimiques ou avec des remèdes de grand-mère.
Notre parlement, instance suprême de notre démocratie, est élu tous les cinq ans à l’issue d’une élection législative. Il est désigné pour représenter les citoyens et donner lieu à une société meilleure. Résoudre les problèmes de chômage et de l’emploi, relancer l’économie, mettre à jour diverses lois obsolètes, enclencher de vraies réformes dans différents secteurs, booster le secteur des PME, penser à l’avenir de nos jeunes, nos retraités, mettre un frein à la drogue, revoir le système des drains et prévenir le changement climatique, entre autres.

Alors que l’on s’insurge devant le bilan de nos parlementaires, on nous dit de faire plus d’efforts, d’être patients. Et dès qu’on vocifère un commentaire désobligeant sur les résultats de leurs décisions, on nous traite d’ingrats.

Les salaires de base publiés sont de Rs 200 000 pour un ministre et de Rs 74 350 pour un député. Des salaires qui ne sont pas discutables tant que ces élus honorent leur contrat et accomplissent les tâches qui leur ont été octroyées. Mais quel est réellement le rôle de ces élus ? Quelle est leur charge de travail pour laquelle ils sont payés ? Dans la réalité, les choses sont toutes autres. Quid du mieux payé.

En fait, un député reçoit un salaire total brut de Rs 157 500 pour travailler 2 à 3 jours par mois, soit environ 25 heures (hormis quelques exceptions). Ce qui ramène son taux horaire à Rs 11 000 à Rs 12 000 de l’heure, excluant divers autres revenus qui, pour certains, leur rapporte dix fois plus. Ils ont au moins cinq mois de vacances annuelles payées des deniers publics. Tant qu’à mercredi, jour de visite dans les circonscriptions, plusieurs personnes à qui j’ai posé la question soutiennent que cela relève du ‘fun’ en compagnie de leurs agents.
Il semblerait que les députés mauriciens figurent parmi les mieux payés au monde, après les Singapouriens, mais ils seraient ceux qui travaillent le moins ; en tant que citoyen, cela me dérange.

Un ministre mauricien reçoit en moyenne Rs 1 500 de l’heure (salaire brut), son travail étant à plein temps. Il convient de souligner qu’un député indien dispose, pour sa part, d’un salaire de base de quelque Rs 25 500 (roupies mauriciennes) – chiffre à la mi-2017; il y a certes bon nombre d’allowances, compte tenu de la superficie du pays et des dépenses y relatives pour chaque parlementaire.

Je reviens donc à la racine de nos maux. Si on est d’accord qu’il y a plusieurs défis à relever, notre parlement devrait donc travailler tous les jours et changer de modèle en prévoyant les conflits d’intérêts directs et indirects de nos députés. Vous conviendrez que le parlement ne peut se substituer à une plateforme ‘marketing’ dans le but de faire fructifier son business, ses affaires ou celle de ses proches.

Il faudrait réfléchir rapidement à une réforme en profondeur de notre système parlementaire et établir un vrai calendrier journalier. Pour information, des ‘parliamentary sittings’, la ‘House of Commons anglais’ siègent en moyenne 150 fois par an, la Lok Sabha indienne 120 fois. Aux Etats-Unis (House of Representatives), la moyenne est de 140 fois. Nos honorables mauriciens étaient présents quelque 40 fois en 2016, 41 fois en 2015, et… pire, 9 fois en 2014. Bien qu’ils soient payés ‘full time’, certains dorment – du moins, c’est l’impression que l’on a – d’autres jouant avec leurs smartphones ou encore vaquent à leurs affaires personnelles.

Les ‘select committees’, n’en parlons pas. Je vois un nouveau modèle, complètement différent, où ces comités travailleraient d’une autre manière, en préparant des lois et en élaborant des stratégies afin de venir avec des solutions aux divers problèmes du pays, des présences obligatoires dans leurs circonscriptions et des recommandations écrites et publiées par chaque député. Ainsi, nous citoyens, pourrions les juger selon le travail accompli et non pas d’après de belles paroles vainement débitées; et les parlementaires pourront ainsi ‘tap latab’ avec dignité.

Proposition d’un nouveau calendrier parlementaire
Les lois pourront ainsi être présentées au parlement après avoir été travaillées, partagées, retravaillées dans des comités mixtes. A l’aune des 50 ans d’anniversaire de notre indépendance, libérons-nous du système des colons britanniques et réinventons notre parlement mauricien qui, de nos jours, suscite peu de respect au sein de la population.
Nos députés – des élus – doivent travailler en conséquence pour représenter les citoyens, ce pour quoi ils ont été mandatés. En changeant d’un ‘half-day week parliamentary sitting’ à un ‘full time parliament’, la sélection se fera d’elle-même et ne conservera que les députés qui ont soif de servir leur pays. Les lois seront faites par un panel d’hommes et de femmes n’ayant aucun intérêt personnel dans leur élaboration et application. Depuis des lustres, nos lois sont proposées et validées, avec amendements ou pas, par les députés, dont des avocats, dans notre parlement. Pour faire une analogie, c’est comme si nous demandions à un médecin de créer une maladie.

Il y aura des réfractaires au changement, mais seule l’opinion de la majorité citoyenne compte.
Ces changements proposés ne nécessitent aucun changement légal – “Parliament may sit on any other day and at any other time as it may decide”.  Il suffit simplement d’avoir de la volonté.
If you change nothing, nothing will change.

- Publicité -
EN CONTINU

les plus lus

l'édition du jour