- Mais des records battus en des lieux spécifiques à cause des brises de mer
- En 2018, troisième mois de janvier le plus pluvieux depuis 1904 et le plus humide depuis 1980
Depuis le 2 janvier à ce jour, le pays a été abondamment arrosé. Grosses pluies, inondations, orages, foudre, tempête électrique. Pas un jour ou presque sans qu’il ne pleuve. Pire, la situation va perdurer, selon les prévisions de la station météorologique de Vacoas. Certes, nous sommes en pleine saison de pluies puisque, généralement, dans l’ordre, février suivi de janvier et mars sont les mois les plus pluvieux de l’année. Mais cette météo pluvieuse et orageuse, si bénéfique pour les réservoirs presque à sec en décembre, cause beaucoup de désagréments. D’abord sur le moral des citoyens, puis s’agissant des dégâts causés aux maisons et cours inondées, aux écoles et aux entreprises, contraignant élèves et employés à rester quelques jours à la maison, aux infrastructures publiques, dont des inondations des routes et des ponts qui bloquent la circulation, si elles ne causent pas des accidents et au réseau électrique qui prive les consommateurs de courant des heures durant. Quel phénomène influence le temps qu’il fait ? Pourquoi ces pluies continuelles ? Avons-nous affaire à des conditions climatiques extrêmes ? Week-End a cherché à comprendre cela avec les météorologues de la station de Vacoas, vendredi.
Maurice a globalement enregistré pour les 55 premiers jours de 2018, soit du 2 janvier au 22 février, 1032 mm de pluie. 792mm pour le seul mois de janvier et 240mm seulement entre le 1er et le 22 février. Ram Dhurmea, chef météorologue, nous explique. « Le pays a d’abord été sous l’influence des cyclones tropicaux Ava et Berguitta en début d’année. Si ces intempéries ont apporté la majeure partie des pluies enregistrées en janvier 2018, le pays a aussi, durant le premier mois de l’année, été arrosé du fait du passage de différentes masses nuageuses à travers l’île, provoquant ainsi des pluies généralisées. »
Ainsi, janvier 2018 représente, selon les données disponibles à la station de Vacoas, le 3e janvier le plus pluvieux que Maurice ait connu depuis 114 ans, soit depuis 1904, avec 792mm de précipitations. En janvier 1980, la pluviométrie était de 980mm. Cette pluviométrie exceptionnelle représente 292% de la pluie moyenne pour le mois de janvier qui est de 268mm, presque trois fois plus grande que la moyenne mensuelle.
Selon les observations de la station météo, durant le mois de janvier, c’est principalement les régions du Centre, de l’Est et du Sud-Est, notamment à Providence, Quartier Militaire, Sans Souci, qui ont été les plus arrosées. Certaines stations, dont Dubreuil, ont enregistré un surplus de 950mm de pluie pour cette période. Sur le Plateau central, entre le 1er et le 31 janvier, 1051mm a été enregistrés. Dans l’Est 972mm, dans le Sud 735mm, dans le Nord 672mm et dans l’Ouest 512mm.
En 55 jours, aucune accalmie n’a été notée. En effet, le mois de février, quoique sous un régime de pluies totalement différent de celui de janvier 2018, a aussi été pluvieux jusqu’à ce jour. « Les pluies généralisées de janvier 2018 se sont transformées en pluies localisées observées un peu partout autour de l’île », explique Ram Dhurmea. C’est ainsi que certains jours, il a plu dans le Sud puis sur le Plateau central, ensuite dans l’Ouest
Mois le plus orageux
Pour la plupart de ces épisodes de pluies, le scénario est le même : un début de matinée ensoleillé, avec une température élevée (autour de 30°C), un taux d’humidité inconfortable, avant que tout à coup, des nuages très sombres se forment. C’est alors que des averses soudaines et intenses s’abattent sur une région particulière. Et le phénomène passager ne dure souvent que peu de temps. Ces pluies localisées sont accompagnées d’orages parfois violents.
« Ces caractéristiques particulières sont liées à l’effet de ce que dans le jargon météorologique est connu sous le descriptif de brises de mer », soutient le chef météorologue. En d’autres mots, au cours de la journée, par beau temps, la terre a tendance à s’échauffer plus rapidement que la mer, dont la température varie peu. Par conduction, puis par convection, la chaleur emmagasinée par le sol réchauffe l’air des basses couches de l’atmosphère. L’air chaud se dilate et des mouvements ascendants se développent, entraînant la condensation des particules d’air et la formation de cumulus. Dans le même temps, près du sol, un afflux horizontal d’air océanique vient compenser l’ascendance d’air sur terre : c’est la brise de mer.
« Vu que ces nuages ont une durée de vie de demi à trois-quarts heure, on observe de grosses pluies de courte durée, avec une brève période d’accalmie, jusqu’à ce qu’une autre cellule nuageuse se forme », explique-t-on à la station météo de Vacoas. Par ailleurs, les précipitations n’ont lieu que si l’humidité a été en grande partie absorbée par les cumulonimbus. D’où l’air sec que l’on ressent avant le début de l’orage.
Du coup, lorsqu’il y a des formations de cellules nuageuses continues— d’où dans certains cas une instabilité accrue dans l’atmosphère —, le laps de temps entre la formation rapide des différentes cellules nuageuses favorise des activités orageuses accompagnées d’éclairs. Généralement, l’étendue des cellules orageuses qui se forment durant les brises de mer s’étend entre 5 à 10 km. Mais d’autres cellules atteignent 25 à 30 km de diamètre.
À Maurice, nous avons la plupart du temps des cellules orageuses de 5 à 10 km. Si jusqu’à présent la station météorologique n’a enregistré aucun excédent de pluies par rapport à la moyenne pour le mois de février, février 2018 aura été le mois où l’on a enregistré le plus grand nombre de jours où il y a eu des orages. Mais l’établissement de Vacoas n’a cependant pas de chiffre précis à ce stade à rendre public.
Ce qui est évident à la station météorologique, c’est que le pays a été durant les mois de janvier et février sous l’influence tantôt d’un vent oscillant entre le Nord et le Nord-Est, le plus souvent, mais aussi sous l’influence de vents venant du Nord et du Nord-Ouest. Ce qu’on appelle communément les Malgache Winds. Ce qui explique, dit le chef météorologue, les jours consécutifs durant lesquels la température était de 1 à 2°C supérieure à la moyenne.
Un mois normal
Ainsi, le mois de février 2018 devrait, en dépit des précipitations continues, enregistrer, selon la météo, une pluviométrie équivalente ou légèrement supérieure de la moyenne saisonnière qui est de 335 mm. Pour l’heure, au 22 du mois, la pluviométrie globale pour l’île en février n’était qu’à 240mm, soit 71% de la pluviométrie moyenne pour ce deuxième mois de l’année. Il ne reste que sept jours pour se mettre au niveau de la moyenne.
Si quelques régions, comme le Nord et le Nord-Est, sont peu touchées, ce qui impacte négativement sur la pluviométrie globale, par contre, notamment à l’Ouest, durant la première quinzaine de février, 75% de la pluviométrie (148 mm) avait été enregistrée, contre une moyenne de 198mm. Au 22 février, cette moyenne était déjà dépassée avec 229mm.
Selon les données disponibles, les autres régions ont enregistré à ce jour 50% à 60% de la pluie moyenne pour le mois. Entre le 1er et le 22 février, le Plateau central a enregistré 319mm, le Sud 283mm, l’Est 236, l’Ouest 229mm et le Nord 130mm, faisant ainsi une moyenne de 240mm autour de l’île, représentant 71% de pluies. Dans l’ensemble, pour les 55 premiers jours de 2018, le Plateau central a enregistré au 22 février 1370mm, l’Est 1208mm, le Sud 1018, le Nord 802mm et l’Ouest 741mm.
Avec les événements de la semaine écoulée, dont l’épisode de pluies sévères qui ont touché les régions de Vacoas, Curepipe, Bassin jeudi et vendredi, il y a une nette perception que le mois de février a été très pluvieux. Les routes devenues cours d’eau, les maisons envahies d’eau et les ponts noyés renforcent cette perception. Mais ce sont les obstacles obstruant les rivières, les drains mal conditionnés et les cours bétonnées et emmurées qui favorisent la montée des eaux et les dégâts causés qu’elles entraînent. La rareté de sol nu et l’absence de végétation qui favoriseraient une pénétration d’eau dans le sol se fait cruellement sentir et magnifie les phénomènes pluvieux.
Enfin, il ressort selon les indications disponibles à la station météo nationale, vendredi, que le mois de février devrait être un mois normal en termes d’averses, si ce n’est un peu moins que d’habitude. « Nous sommes bien partis pour enregistrer une pluviométrie normale pour le mois de février », pronostique le chef de la météo locale, Ram Dhurmea, très coopératif, avant d’ajouter « qu’il existe de même des indications que le même scénario, avec cependant différents systèmes météo, se poursuivra durant le mois de mars, connu également pour être un mois pluvieux. »
Les caprices de Dame nature vont donc persister jusqu’au mois de mars. Il faudra prendre son mal en patience.
Au centre de La-Gaulette : 75 personnes, dont 38 enfants ont dû abandonner leur toit
Les pluies diluviennes les ont privés de leur toit. 17 familles de squatters habitant la région de Coteau-Raffin se sont réfugiées au centre social de La-Gaulette depuis vendredi. Soit 75 personnes, dont 38 enfants. “On est presque régularisés. Depuis le mois d’août, nous avons payé notre bail jusqu’en 2060, et depuis, aucune nouvelle des autorités. Nous n’avons pas beaucoup d’argent, mais nous payons ce bail par tranche”, témoigne Isabelle, désemparée. “Nous avons nos maisons, nous demandons juste aux autorités de construire un drain là où nous habitons pour évacuer l’eau de pluie. Touletan kan gagn lapli, nou bizin diboute get dilo rant dan nou lakaz. Nou pa kapav fer nanye”, déplore cette dernière. Grâce à l’aide de quelques bienfaiteurs, les 75 personnes ont pu remplir leur estomac depuis vendredi. Hier soir, elles ont dîné “bouyon bred mouroum.”