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Un 8 mars différent

A Maurice, posséder un “pepper spray” (vaporisateur de gaz poivré) est illégal. Aux États-Unis, on en trouve en vente libre dans bon nombre de boutiques sur les campus. Ce sont des tubes comme des rouges à lèvres, habillés de rose, voire de paillettes. Et les jeunes filles sont encouragées à en avoir un dans leur sac. C’est dire à quel point une société et au-delà le monde en étaient venus à intégrer que les femmes sont en permanence des proies potentielles. Des proies sexuelles plus particulièrement.

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Mais les choses changent. Et ce 8 mars 2018 pourrait être une occasion d’en prendre acte et de célébrer autrement la Journée internationale des droits des Femmes.

Ce qui a changé au cours de cette dernière année, c’est ce qui a démarré avec le mouvement #Me Too. Un mouvement qui vient de plus loin que ce qu’on croit. Le 6 octobre 2017, dans un article paru dans le New York Times, l’actrice Ashley Judd accuse le méga-producteur Harvey Weinstein, grand ponte d’Hol- lywood, de sexual misconduct à son égard. D’autres actrices la rejoignent dans cette dénonciation. Ce sera le détonateur. Le 15 octobre, c’est l’actrice Alyssa Milano qui écrit sur le réseau social Tweeter : “If you’ve been sexually harassed or assaulted, write ‘me too’ as a reply to this tweet.” Et cela est rapidement devenu un mouvement. Mais MeToo ne date pas de là. MeToo, c’est à la base un mouvement fondé en 2006 par Tarana Burke. Elle-même “sur- vivante d’agression sexuelle” (elle choisit le mot survivante, plutôt que victime), Tarana Burke a grandi dans le Bronx et a passé ces 25 dernières années à œuvrer comme activiste à travers les États- Unis. Tarana Burke, 44 ans aujourd’hui, raconte que tout part d’un centre de jeunesse où elle a travaillé en Alabama. Un jour, une jeune fille nommée Heaven vient la voir. Elle commence à raconter à Burke la violence sexuelle qui lui a été infligée. “Je n’étais pas prête. Je l’ai renvoyée vers quelqu’un d’autre”, raconte Burke. Heaven n’a jamais reparu. Hantée par un sentiment de culpabilité, Burke se demande: “Pourquoi est-ce que je n’ai pas pu juste dire, ‘me too’?”

De là va naître une réflexion sur ce qu’elle a vécu, ce qui l’a aidée à survivre. “Et je me suis rendu compte que ce qui m’avait vraiment aidée, ça avait été l’empathie que m’avaient manifestée les autres survivantes”. C’est donc à partir de là que Tarana Burke va créer MeToo. Pour aider les survivantes de violences sexuelles, en particulier les jeunes femmes de couleur appartenant aux communautés défavorisées, à trouver des chemins de guérison. Utilisant l’idée de “empowerment through empathy”, MeToo oeuvre pour que les survivantes sachent qu’elles ne sont pas seules dans leur parcours.

Repris donc comme slogan depuis octobre 2017, le hashtag MeToo a cette fois, grâce à l’outil internet, entraîné un séisme de dénonciations. Soudain, des femmes de tous horizons devenaient des “silence breakers”, révélant l’ampleur du harcèlement et des agressions sexuelles dont les femmes sont victimes, ici plus particulièrement dans le cadre de leur vie professionnelle. Les hommes les plus puissants dans le monde du spectacle, de la politique, de la finance, du sport, sont touchés. Et ce qui est notable, c’est que ces dénonciations ont des suites, des conséquences.

Jugé intouchable jusque-là, Harvey Weinstein est aujourd’hui déchu. Et sa puissante compagnie cinématographique vient, cette semaine, d’annoncer sa mise en faillite. Le 12 octobre, Roy Price, chef de Amazon Studios, a démissionné après que la productrice Isa Hackett l’a accusé, dans une interview à The Hollywood Reporter, d’attitude indécente à son égard en 2015. Le 18 octobre, la gymnaste olympique McKayla Maroney tweete qu’elle a été agressée sexuellement par le médecin de l’équipe, Lawrence Nassar. 125 autres accusatrices viendront de l’avant. Il vient d’être condamné à vie en prison. Le 7 décembre, le sénateur américain Al Franken démissionne du Congrès au milieu d’accusations de “sexual misconduct”. Le 10 novembre, suite à un article paru dans le New York Times, l’acteur Louis C.K. reconnaît la véracité des témoignages des dizaines de femmes qui l’accusent de comportement sexuel inapproprié. “These stories are true. At the time I told myself that what I did was OK.

The power I had over these women is that they admired me. And I wielded that power irresponsibly. Now I’m aware of the extent of the impact of my actions”, dit-il. Prises de parole qui provoquent une prise de conscience, et entraînent des mesures et actions concrètes. 1er janvier 2018, quelque 300 femmes d’Hollywood s’unissent pour former une coalition anti-harcèlement appelée Times Up. Qui instaure un fonds de défense légale, à être administré par le National Women’s Law Centre, afin de fournir un soutien légal aux femmes et aux hommes qui auront été victimes de harcèlement sexuel ou d’agression sur leur lieu de travail ou dans le cadre de leur carrière. $13 millions ont déjà été versés à ce fonds, qui est aussi en mesure de recevoir des dons déductibles de l’impôt.Un mouvement est en marche. Et c’est peut-être cela que l’on pourrait célébrer. Parce qu’il n’y a pas forcément de figure parfaite, masculine ou féminine. Et parce qu’une femme présidente de la Répu- blique peut se révéler aussi décevante qu’un homme président…

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