En Birmanie, le secteur agricole doit faire face à de nombreux fléaux. L’un d’eux, un insecte très vorace appelé pyrale, détruit de plus en plus les rizières. Heureusement, la technologie vole désormais au secours des agriculteurs à travers une appli originale.
Avec son application mobile gratuite, San San Hla a trouvé sa nouvelle arme secrète pour lutter contre la pyrale du riz, qui a détruit ses rizières du centre de la Birmanie ces deux dernières années. Alors qu’elle regarde ses travailleurs saisonniers apporter la récolte dans le village d’Aye Ywar à l’ouest de Rangoun, cette femme de 35 ans se félicite de pouvoir mettre à profit les conseils prodigués par le biais de l’application en matière de pesticides pour lutter contre le fléau.
“Nous avions l’habitude de cultiver comme nos parents nous l’ont appris”, raconte-t-elle. “Mais depuis que j’ai cette appli, je comprends comment nous devons faire. Il vaut mieux utiliser des techniques appropriées plutôt que de travailler aveuglément.” En Birmanie, le secteur agricole emploie plus des deux tiers de la population active et représente environ 28% du PIB. Mais les rendements restent très faibles, notamment par rapport aux pays voisins. Les créateurs locaux de ces applications rêvent d’en faire l’outil qui permettra aux paysans de faire un pas de géant. Ils fournissent aux agriculteurs des bulletins météorologiques localisés, les prix des cultures et des conseils sur les pesticides et les engrais.
Agriculteurs connectés.
Certains forums de discussion servent également à connecter les agriculteurs entre eux ou à les mettre en relation avec des experts. Le site internet Green Way, créé par deux anciens étudiants agricoles, a été lancé en 2011. À cette époque, les accès internet restaient toutefois très limités et très chers, donc “notre idée n’avait pas décollé”, se souvient Yin Yin Phyu, 28 ans.
Mais en quelques années, tout a changé. La Birmanie est sortie de près d’un demi-siècle de dictature militaire et les entreprises télécoms se sont précipitées pour conquérir des parts d’un marché qui avait presque totalement raté l’ère des ordinateurs de bureau et des téléphones mobiles à l’ancienne. Le coût d’une carte SIM est passé de 3,000 dollars en 2005 à seulement 1,50 dollar en 2013. Et la pénétration des smartphones est passée de moins de 7% en 2012 à 80% à la fin de 2017.
Les agriculteurs, qui figurent souvent parmi les habitants les plus pauvres de Birmanie, se retrouvent aujourd’hui avec un petit ordinateur portable à la main. Ce qui change tout pour les créateurs de Green Way, qui ont relancé leur idée sous forme d’application en 2016. Ils emploient aujourd’hui 18 personnes à temps plein.
Nouvelle ère, nouveaux besoins.
“Mon rêve, c’est de pouvoir mettre en relation agriculteurs et experts, pour que les premiers puissent obtenir l’aide des seconds”, explique Yin Yin Phyu, dont l’application a été téléchargée plus de 70,000 fois depuis son lancement. Myo Myint, expert agricole, estime qu’une meilleure productivité agricole pourrait remodeler à la fois l’économie et la société birmanes. “Beaucoup de travailleurs émigrent vers d’autres pays parce qu’ils ne peuvent pas vivre de l’agriculture en Birmanie”, dit-il, ajoutant que le pays a besoin “de technologie et d’investissements” agricoles.
D’après une étude de la Banque mondiale de 2017, les agriculteurs gagnent moins de deux dollars par jour dans certaines régions du pays. Et la productivité y est également relativement faible : une journée de travail permet de récolter 23 kg de riz en Birmanie contre 62 kg au Cambodge, 429 kg au Vietnam et 547 kg en Thaïlande.
Pour ceux qui essaient juste de survivre, les nouvelles technologies sont encore inutiles, explique le Néerlandais Erwin Sikma, qui a créé l’application Golden Paddy. Ils n’ont ni le temps ni les ressources pour mettre en œuvre des conseils concernant l’introduction de nouvelles semences ou de nouveaux engrais. Mais pour les paysans qui financièrement s’en sortent un peu mieux, ces applications leur permettront de mieux produire et de “pouvoir vendre davantage”, prédit-il.