Tenant les rênes de SME Mauritius, nouvelle société privée du gouvernement, le CEO Raj Puddoo entend apporter une nouvelle touche pour que le secteur des PME puisse franchir d’autres paliers. La compagnie a déjà entamé une série de collaborations avec des institutions privées en ce sens. À travers l’implémentation du 10-Year Master Plan, SME Mauritius veut satisfaire les nombreuses attentes des PME. Par ailleurs, Raj Puddoo souhaite une préférence pour les produits fabriqués localement que ceux importés.
Vous venez de prendre les rênes de SME Mauritius. Quelle est la situation actuelle du secteur des PME à Maurice ?
Le secteur des Petites et moyennes entreprises (PME) a un rôle très important à jouer dans notre économie. D’ailleurs, c’est précisé dans notre 10 Year Master Plan. Le secteur contribue à hauteur de 40% au Produit intérieur brut (PIB) et l’ensemble des PME emploient au-delà de 50% de la population active. Toutefois, les PME font face à plusieurs défis, notamment la concurrence féroce des produits importés, et de ce fait, elles sont sous pression. Elles ont aussi des difficultés lorsqu’il s’agit de l’accès aux financements, aux marchés et à la main-d’œuvre qualifiée. Il y a beaucoup de choses à faire sur ces trois chantiers. Aujourd’hui, les PME ont du travail s’agissant d’améliorer la productivité et la compétitivité. Il faudra travailler sur ces bases pour faire face à la concurrence. On est aussi inondé de produits de bonne et moins bonne qualité, voire même de mauvaise, et ce à des prix très bas. De ce fait, les PME ont du mal à aligner leurs produits sur les produits importés. Dans beaucoup de cas, les Mauriciens regardent uniquement le prix et moins la qualité. Cela représente un défi pour les PME.
De quelle manière SME Mauritius sera-t-elle différente de la SMEDA, outre le fait qu’elle soit une société privée ?
On est une compagnie privée et le seul actionnaire est le gouvernement. La prise de décision est beaucoup plus rapide. Je démarre sur un très bon pied car j’ai un organigramme qui répond aux attentes mises en évidence dans le Master Plan. J’aurai dans mon équipe des personnes qui travailleront sur le monitoring et l’évaluation. C’est un point qui a été soulevé dans plusieurs forums.
Aujourd’hui, le gouvernement a aussi souligné que la mise en place des plans n’est pas suffisante. Il faudra qu’il y ait un monitoring pour pouvoir mesurer l’impact de ces plans. Jusqu’ici, on se contentait de dire le nombre d’applications reçues et le financement accordé aux PME. Les Key Performance Indicators (KPI) s’arrêtaient uniquement à cela. On veut aller plus loin pour annoncer l’impact de notre assistance aux PME s’agissant de la création d’emplois, leur chiffre d’affaires et si elles exportent. On veut mesurer l’impact des mesures. On démarre maintenant et nous allons pouvoir élaborer sur l’impact après quelque temps sur l’ensemble des PME assistées. Nous voulons des résultats.
Par ailleurs, il y a un changement dans l’approche de SME Mauritius. J’ai personnellement décrié souvent l’abondance des institutions à Maurice, qu’elles soient publiques ou privées, et qui font le même travail. Ces institutions ont opéré individuellement ou en compétition pendant longtemps. Pour changer cela, je veux établir plus de collaboration avec le secteur privé.
Nous avons aussi noté la signature d’accords avec le secteur privé. Quelle est la raison pour SME Mauritius d’aller dans cette voie ?
Je veux établir plus de collaboration avec les institutions. D’ailleurs, ma première démarche était la signature d’un protocole d’accord avec l’Association of Mauritian Manufacturers (AMM). On signera bientôt d’autres protocoles d’accord avec la Chambre de Commerce, le National Productivity and Competitiveness Council (NPCC) et la Mauritius Post. Je suis convaincu qu’il y a, autour de nous, des institutions qui sont spécialisées dans ce qu’elles font. On veut jouer un rôle de facilitateur pour qu’il y ait une coordination entre les différentes institutions. D’où ma démarche d’établir des protocoles d’accord avec ces institutions. Je pense qu’en créant une synergie entre les institutions, on encadrera mieux les PME. De ce fait, on sera différent avec la défunte SMEDA.
Les entrepreneurs se plaignent souvent du financement. Certains soutiennent que les banques ne jouent pas le jeu et éprouvent des difficultés à investir. Quelle est la démarche de SME Mauritius à ce sujet ?
Nous organiserons un premier forum à Goodlands ce jeudi. Ce sera un forum interactif, où plusieurs représentants d’institutions seront présents, tels la MauBank, la Development Bank of Mauritius et le SME Equity Fund, entre autres. Lors de ce premier forum, l’accent sera mis sur les institutions qui peuvent financer les entreprises. Les représentants ne feront pas uniquement une présentation de leurs produits et puis partir. Le temps alloué à la présentation sera très réduit. Ces derniers prendront plus de temps à répondre aux questions pratiques des entrepreneurs dans leur quête de financement. Ainsi, nous pouvons mieux comprendre les raisons des institutions financières à prendre plusieurs mois avant de traiter un dossier. Ce sont les entrepreneurs qui le disent. On veut trouver les réponses aux questions des entrepreneurs. Ce forum répondra à ce besoin. Nous voulons créer cette plateforme pour que PME puissent elles-mêmes directement parler aux représentants qui seront présents.
Nous avons entendu que la valorisation de l’artisanat se perd peu à peu. Quel est le plan de SME Mauritius ?
Toujours dans ma démarche d’établir des collaborations, SME Mauritius a un rôle à jouer pour promouvoir les produits des artisans. D’ailleurs, nous avons des artisans qui font de beaux produits mais n’ont pas les moyens d’aller vers des clients potentiels. Nous avons un accord avec la Mauritius Duty-Free Paradise pour que les produits artisanaux puissent être vendus aux touristes. Cela marche bien et les artisans ont souvent du mal à répondre à la forte demande. Il y a un potentiel à développer et nous valorisons ces produits. Dans notre rôle de facilitateur, nous allons ouvrir d’autres marchés pour les artisans. Nous avons notre propre boutique à l’aéroport. Nous signerons très prochainement un accord avec la Chambre de Commerce, qui a une plate-forme virtuelle. Cette institution élabore sa plate-forme de commerce électronique, qui permettra à ceux qui exposent leurs produits de les vendre en ligne. Dans notre collaboration, nous avons discuté avec la Chambre de Commerce qui a accepté de dédier un espace uniquement pour les produits artisanaux, qui seront commercialisés sous la marque “Creative Mauritius”.
Le marché est inondé de produits importés alors que ces produits peuvent être fabriqués à Maurice, comme les chaussures. Comment renverser cette tendance ?
Notre collaboration avec l’AMM va dans ce sens. Pour pouvoir renverser cette tendance, il faut d’abord que les Mauriciens jouent le jeu. Il faut conscientiser le consommateur mauricien au label “Made in Moris” et le pousser à préférer les produits locaux. Mais de l’autre côté, il faut que les entrepreneurs arrivent aussi à jouer le jeu sur la qualité et le prix. On travaille avec AMM pour promouvoir le “Made in Moris” et pour encourager les entrepreneurs à se faire enregistrer auprès de l’AMM et à utiliser ce label. D’ailleurs, c’est la raison pour laquelle on a présenté un plan de soutien financier à toutes les PME qui sont enregistrées chez nous et à l’AMM. Si leurs produits réussissent l’examen qui leur donnent accès à l’utilisation de la marque “Made in Moris”, ils obtiennent un soutien de Rs 5 000.
On fait aussi des campagnes de sensibilisation auprès des PME pour leur expliquer les avantages de s’enregistrer auprès de l’AMM. On encourage aussi les produits locaux dans les grandes surfaces. A travers le programme de code-barres que nous avons élaboré, plus de produits locaux pourront être commercialisés. Ce sont des petites actions qui seront une force pour encourager la consommation des produits locaux. Ainsi, nous pouvons faire face à l’avalanche de produits importés sur le marché mauricien.
On demande souvent aux entrepreneurs d’être compétitif face à la concurrence locale, régionale et internationale. Que fait l’institution pour que les entrepreneurs puissent réellement être compétitifs ?
Pour être compétitif, il faut une amélioration continue de la productivité. Lorsqu’on améliore la qualité de ses produits, on élimine les gaspillages, les longs processus de fabrication et un coût de production moindre. Ainsi, on pourra être compétitif sur le marché. Je ne réinvente pas la roue car nous avons la NPCC spécialisée dans la productivité. Nous établirons bientôt une collaboration avec la NPCC pour élaborer un plan d’aide afin de mettre en place une campagne pour encourager les PME à améliorer leur productivité et la qualité de leurs produits et services pour faire face à la concurrence.
Vous avez lancé cinq plans en février. Que pouvez-vous dire de l’attractivité de ces plans ?
Nous avons déjà débuté la mise en opération de trois plans depuis début mars. À ce jour, une centaine de PME ont démontré leur intérêt à prendre avantage de ces plans. On a aussi approuvé la demande des entrepreneurs ayant voulu prendre avantage de ces plans, tels le code-barres. Je suis convaincu que ces plans auront des retombées positives de la part des PME.
Les entrepreneurs se plaignent souvent d’être « harcelés » par la Mauritius Revenue Authority. Quel est votre point de vue ?
Je sais que beaucoup d’entrepreneurs ont une appréhension de la taxe. C’est la raison pour laquelle ils choisissent de continuer d’opérer dans le secteur informel. Je demande à ces entrepreneurs de changer leur point de vue car on ne peut pas continuer de travailler dans ce secteur et, en même temps, aspirer à se développer et bénéficier des plans de soutien mis en place pour les PME. Pour pouvoir en bénéficier, il faut qu’ils soient dans le secteur formel et qu’ils se fassent enregistrer. Il faut qu’ils aient un permis et un certificat d’enregistrement pour qu’ils puissent régulariser leurs opérations et ne pas être inquiétés par les autorités. Vous serez inquiétés lorsque vous choisissez le secteur informel.
Des entrepreneurs se sont plaints du salaire minimal. Pensez-vous que cette mesure entraînera la fermeture d’entreprises ?
C’est bien possible. Je ne suis pas contre le salaire minimal mais il faut trouver d’autres moyens pour l’équilibrer. Il faut que l’entrepreneur trouve d’autres moyens pour rentabiliser ses activités.
Qu’en est-il du marketing pour les PME ?
Les PME sont composées d’entreprises dont le chiffre d’affaires est varié. Leur profil est différent tout comme leurs besoins et leurs défis. Les foires qu’organisait la SMEDA répondaient aux besoins d’un certain groupe de PME. Nous avons aussi des entreprises dont le chiffre d’affaires dépasse Rs 40 millions et qui sont prêtes à exporter et se diversifier. Il faut qu’on maintienne les foires pour les petites entreprises. Nous continuerons aussi les cours de formation.