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Ajay Gunness : « le Bureau politique ne peut pas laisser tout dire sans réagir »

Après Steven Obeegadoo, Pradeep Jeeha et Françoise Labelle, nous accordons la parole à , secretaire général du MMM. Dans l’interview qui suit, il réplique aux arguments de ses trois anciens camarades contestataires et explique la position du Bureau politique de son parti dans la crise qui secoue actuellement le MMM.

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Depuis le début de l’année, le MMM passe par une crise interne. Il ne se passe pas une semaine sans dénonciations, expulsions, suspensions, menaces et remises en cause de la direction dans la presse. En tant que secrétaire général du MMM, êtes-vous satisfait de cette situation ?
Personne, au MMM, n’est satisfait de cette situation. Permettez-moi de rétablir les faits. Quand nous avons perdu l’élection partielle de Quatre-Bornes, le Bureau politique et le comité central se sont réunis pour analyser les raisons de cette défaite et Steven Obeegadoo n’était pas présent parce qu’il était à l’étranger. A son retour, fin janvier, il a accordé une interview à Week-End dont le titre était “Il faut sauver le MMM”. Cette interview était remplie d’inexactitudes. La direction du MMM a choisi de blâmer Obeegadoo pour deux choses. D’abord, le timing de cette interview publiée à la veille d’une réunion du Bureau politique où nous allions discuter des nouvelles initiatives du MMM ; ensuite, le contenu, quand il vient dire qu’en 2014, il voyait venir la catastrophe de l’alliance avec le PTr. Obeegadoo semble avoir oublié qu’il était un des défenseurs de l’alliance PTr/MMM dont il avait été un des candidats ! Nous l’avons blâmé en suivant les clauses de la constitution qu’il avait lui-même écrite !

Si on vous comprend bien, tout a commencé avec cette interview de Steven Obeegadoo à Week-End. Mais pourquoi est-ce que la direction ne lui a pas donné la réplique, que vous faites maintenant, dans les instances du MMM ?
Mais nous l’avons fait. Quand nous lui répondons dans les instances, lui va dans la presse, tel un faux démocrate, claironner que ses idées sont minoritaires au sein du parti. Au lieu d’accepter le fait que la majorité n’approuve pas ses idées, il va les développer dans la presse, alors qu’il est spécifié dans la constitution qu’il faut respecter la règle de la majorité.

Si, comme vous le dites, Steven Obeegadoo a violé les règlements de la constitution du MMM, pourquoi est-ce que la direction ne l’a pas expulsé ?
Nous lui avons donné un blâme, un carton jaune, pour la première interview, mais il a récidivé en donnant une autre interview, le 3 mai, dont le titre, cette fois, était : “Le MMM va droit dans le mur !” Le Bureau politique s’est réuni en sa présence pour discuter de son cas. Il a présenté sa défense, qui n’a convaincu personne. Comme nous procéderons aux élections internes le 24 juin, la direction, qui ne fait que gérer les affaires courantes, a décidé que la question Obeegadoo sera référée à la prochaine assemblée des délégués qui est l’instance suprême du parti.

Pourquoi est-ce que le Bureau politique et le Comité central du MMM ont été beaucoup plus durs avec son ancien leader adjoint, Pradeep Jeeha, qui, lui, a été carrément expulsé du parti sans autre forme de procès. Cette instance pratiquerait-elle une politique de deux poids, deux mesures ?
Pas du tout. Le cas Jeeha avait surgi bien avant que les préparatifs pour les élections internes ne soient enclenchées et la date fixée. Le 9 avril, Pradeep Jeeha envoie une lettre au leader pour dire qu’il prend un congé politique du Bureau politique …

Ce à quoi Paul Bérenger répond que Jeeha est un “mal élevé” qui lui a envoyé sa lettre tard dans la soirée et qu’il considère qu’il ne fait plus partie du MMM. Est-ce que chez les mauves une demande de congé équivaut à une démission ?
Mais puisque Pradeep Jeeha se met en congé, cela veut dire qu’il se retire, lui-même, des instances du parti, non ? Mais ce n’est pas tout : deux jours après, une réunion de la régionale no 4 est sabotée et le 16, le Bureau politique prend note de sa lettre. Le lendemain, Pradeep Jeeha accorde une interview à une radio où il traite les dirigeants du MMM de “clowns dans la cour du roi Pétaud”, tout en en oubliant qu’il faisait partie de cette cour, et qualifie le leader, avec qui il a déjeuné plus de 800 fois, de “grand-père gâteux”. C’est après ça que le bureau se réunit et recommande sa suspension, mais le Comité central, dont les membres ont été aussi insultés, renverse la décision et prend la décision d’expulser Pradeep Jeeha avec 58 votes. Noubliez pas que Pradeep Jeeha a donné une interview à Week-End avant Françoise Labelle.

Espérons que le Bureau politique du MMM ne pense pas que Week-End devrait lui demander la permission avant d’interviewer un membre du parti…
Pas du tout. Il n’a jamais été dans les habitudes du MMM de fonctionner de cette manière. Nous sommes pour la liberté de la presse.

Heureux de vous l’entendre dire ! Abordons maintenant le cas Françoise Labelle qui, avec d’autres, est en train de prendre ses distances du parti. Cela ne vous inquiète pas qu’autant de militants de longue date s’éloignent ou quittent le parti ?
Moi aussi je suis un militant de longue date, puisque j’ai intrégré le parti quand j’avais 15 ans ! Mais quand ces militants de longue date, qui ont écrit la nouvelle constitution du parti la violent, comment voulez-vous que nous réagissions ? Que nous acceptions qu’ils fassent du tort au parti, qu’ils nous poignardent de l’intérieur sans réagir ?

Selon vous, qui de Steven Obeegadoo, Pradeep Jeeha ou de Françoise Labelle a donné le plus grand coup de poignard au MMM ?
Un coup de poignard reste un coup de poignard. Ils sont tous en train de blesser le parti en ne respectant pas la constitution qu’ils ont eux-mêmes rédigée ! Et ce alors que, étant donné le contexte politique actuel, le MMM a devant lui un grand boulevard qui le mènera à la victoire aux prochaines élections !

Face à ce boulevard qui est devant lui, d’après vous, le MMM peut-il se permettre de perdre des militants ?
Permettez-moi de vous poser une question : ces contestataires, s’ils avaient été élus en 2014 et nommés ministres, auraient-ils été aussi critiques vis-à-vis de la direction du MMM comme ils le sont actuellement ?

Vous êtes en train de qualifier vos anciens camarades d’opportunistes !
C’est dans l’opposition qu’un parti peut vérifier la solidité de ses militants, leur résilience dans l’adversité. Pour moi, Obeegadoo a été marqué d’abord par le fait qu’il n’a pas été élu en décembre 2014, ensuite parce qu’il n’a pas obtenu le poste de secrétaire général du MMM qu’il convoitait en 2015. Depuis lors, il ne participe pas aux manifestations du MMM à côté des dirigeants.

Si Obeegadoo a un problème parce qu’il n’a eu pas de poste officiel, ce n’était pas le cas de Pradeep Jeeha, qui était leader adjoint du MMM. Le problème de ce dernier serait-il lié au fait que Bérenger lui avait promis, qu’en cas de victoire du MMM, le poste de Premier ministre serait partagé entre lui et vous ?
Jamais Paul Bérenger ne m’a rien promis, je n’ai jamais rien demandé et j’ai assumé les responsabilités qu’on m’a confiées. Je crois que ce partage du poste de Premier ministre promis est monté à la tête de Pradeep Jeeha. Si être nommé Premier ministre hypothétique pour deux ans est l’objectif de Pradeep Jeeha, il ne peut s’attendre à ce que cela soit la priorité de tous les militants ! C’est lui qui a dit que la promesse n’avait pas été tenue et qu’à la dernière fête de fin d’année, il avait été question que Madan Dulloo obtienne ce poste. C’est encore lui qui a parlé des fameux 800 déjeuners !

En passant, combien de fois avez-vous déjeuné avec le leader du MMM ?
Je n’ai pas pour habitude de compter mes déjeuners et de les rendre publics !

Vous croyez que ce spectacle, ce mauvais cinéma, va encourager les militants et les sympathisants du MMM à soutenir le parti ?
Je crois qu’après les élections du 24 juin, les choses vont se décanter et nous allons vite oublier la longue parenthèse que nous sommes en train de subir. J’en profite pour dire que les élections auraient dû avoir lieu en février, mais ont été renvoyées à la demande de ceux qui ont rédigé la nouvelle constitution ! Je suis convaincu qu’avec ces élections, la sérénité va revenir au sein du MMM avec une équipe de direction homogène regardant dans la même direction pour faire avancer le parti au lieu d’essayer de l’utiliser pour des ambitions personnelles.

Le principal argument de Françoise Labelle pour le renvoi des élections, c’est que beaucoup de branches du MMM fonctionnent mal ou sont des branches fantômes. Qu’avez-vous à répondre à cela ?
Autrefois, au MMM, il y avait trop de branches, ce qui pouvait poser des problèmes, surtout pour les élections internes. La nouvelle constitution a recommandé que des mesures soient prises pour réduire le nombre des branches. Nous sommes sortis des 540 branches enregistrées pour les élections internes de 2015 pour arriver aujourd’hui à 430. Et certains osent dire que rien n’a été fait ! Ce sont les représentants de ces 430 branches qui vont élire les membres de la prochaine direction, le 24 juin, en respectant la constitution du parti.

Vous avez dit que la contestation d’Obeegadoo et de Jeeha vient du fait qu’ils n’ont pas été nommés secrétaire général et Premier ministre bis. Quelles sont, selon vous, les motivations de Françoise Labelle qui a décidé de ne pas poser sa candidature aux prochaines élections internes ?
Elles me paraissent vagues. Elle dit que ses propositions ont été traitées avec dédain. Mais il faut bien comprendre une chose : le Comité central est composé de 80 militants et il faut convaincre une majorité d’entre eux pour faire accepter une proposition: c’est le jeu démocratique. Mais quand Françoise ne parvient pas à convaincre une majorité, elle va dire dans la presse qu’on n’écoute pas ses propositions et qu’on les rejette avec dédain. Françoise Labelle et ses amis ont oublié une chose : pour faire adopter une proposition au MMM, ce ne sont pas les lecteurs des journaux qu’il faut convaincre, mais les membres du Comité central !

La direction du MMM a-t-elle décidé de choisir la ligne dure et de ne pas tenter de régler la crise actuelle à l’amiable ?
Mais la direction, c’est-à-dire le Bureau politique et le Comité central sont des instances en mode « caretaker ». Elles gèrent les affaires courantes, mais ne prennent pas de décisions autres que celles qui concernent l’organisation des élections.

Tout en étant en mode « caretaker », le Bureau politique du MMM a quand même pris une décision : celle de recommander au futur comité central de rejeter l’appel de Pradeep Jeeha contre son expulsion. C’est ça la démocratie selon le MMM : recommander le rejet d’une demande avant même qu’elle ne soit défendue devant l’instance appropriée ?
Le BP est l’instance de réflexion du MMM et il est habilité à faire des propositions au Comité central et à l’assemblée des délégués. Il arrive que ses propositions soient rejetées. Cela a été le cas, tout récemment, quand le Bureau politique a proposé que Jeeha soit suspendu pour ses propos insultants. Le Comité central, rejetant la proposition de suspension, a voté à une écrasante majorité pour l’expulsion de Pradeep Jeeha du MMM. Les membres du Comité central et de l’assemblée des délégués ne ratifient pas automatiquement les propositions du Bureau politique .

Obeegadoo, Jeeha et Labelle disent qu’il faut revoir les structures et le fonctionnement des instances du MMM. Ce ne sont pas des choses sur lesquelles la direction du MMM devrait sérieusement réfléchir pour avancer ?
Ces personnes ont eu l’occasion de dire tout cela au sein des instances du MMM. Mais, à aucun moment, et même dans les interviews qu’elles vous ont accordées, elles n’ont fait de propositions concrètes pour retourner sur le terrain pour réapprendre à gagner. A part l’organisation d’un sondage, ces personnes ne font que faire des critiques et marteler des slogans. Il est clair que la situation de crise actuelle ne fait pas plaisir à la direction du MMM. Ce n’est pas par plaisir que nous prenons des actions disciplinaires contre des personnes qui ont été dans le parti depuis des années. Mais nous ne pouvons pas non plus laisser tout dire et tout faire et laisser violer les règlements du parti sans réagir. Nous devons faire respecter la discipline au sein du parti. Si des camarades ont choisi une autre voie, c’est regrettable, mais le parti doit avancer en se disant que nul n’est indispensable, ni dans la vie ni dans un parti politique.

Vendredi après-midi, 12 membres du MMM, dont Obeegadoo et Labelle, ont tenu une conférence de presse pour dénoncer les élections qui seraient anticonstitutionnelles et faussées d’avance. Votre réaction en tant que secrétaire général « caretaker » ?
Je dirais simplement que parmi ces douze personnes, il y en a deux qui ne fréquentent plus les instances du parti depuis plus de deux ans. Deux autres ont été expulsées par leurs régionales et deux autres encore suspendues par le CC. Et puis, il y a une autre qui, à l’élection partielle de Quatre-Bornes, a travaillé ouvertement pour le PTr. Ce sont ces gens-là qui vont venir donner des leçons d’éthique et de démocratie à la direction du MMM ?

Un mot sur la politique en dehors du parti. Vous avez dit que dans le contexte actuel, le MMM avait un “boulevard” devant lui pour remporter la victoire aux prochaines élections. Vous pensez sérieusement que, dans l’état où il se trouve, après une série de défaites et une impopularité croissante, le MMM peut remporter les prochaines élections ?
Même avec ses six députés au Parlement, c’est le MMM qui fait le vrai travail d’opposition au gouvernement. Ce sont les députés du MMM qui lèvent les lièvres et les scandales

Sauf Paul Bérenger que l’on n’entend pas et qui semble se contenter de faire de la figuration…
Il intervient quand il le faut, par exemple pour révéler l’affaire Quantum Global, l’affaire du CEB et de l’autoroute Verdun. Le MMM est en avance sur les sujets

Pas toujours. On vous donne comme exemple la tentative d’aller soutenir l’action de l’ONG AKNL à Pomponette. Autrefois, le MMM aurait été à l’avant-garde d’un tel combat, aujourd’hui il arrive au milieu de la bataille dans ce qui pourrait ressembler à une tentative de récupération…
Il n’y avait aucune tentation de récupération dans cette action. Nous sommes seulement allés donner un coup de main aux ONG qui ont lancé cette action depuis des mois. Ce coup de main a incité le ministre Jhugroo à faire une descente sur le terrain et les promoteurs à nous faire parvenir une copie de l’EIA Report. Je reviens à la question sur les élections. Le MMM ira seul aux prochaines élections. Les Mauriciens savent à quoi ressemble la gestion du pays par Navin Ramgoolam et par Pravind Jugnauth. Ils savent que seul le MMM peut sauver le pays.

Avec Paul Bérenger comme Premier ministre ?
Pourquoi pas ? Quel tort a-t-il fait au pays pendant ses deux ans comme Premier ministre ? Il a déjà démontré qu’il avait les compétences voulues. Paul a déjà dit qu’il était disposé à être candidat pour cinq ans, mais qu’il était également disposé à ce qu’il y ait un partage de ce poste au sein du MMM. La dernière assemblée des délégués a voté pour que Paul Bérenger soit présenté comme Premier ministre pour un mandat entier. Mais si la réflexion évolue au sein du parti et si nous trouvons qu’il faut que le mandat soit partagé, nous aviserons.

Il faut d’abord que le MMM remporte les élections. Comment va-t-il faire ?
Nous irons aux élections pour gagner et les électeurs décideront. Ils sont fatigués des alliances politiques qui rassemblent les adversaires juste pour les besoins d’une élection. Ils ont vu ce qu’il advient de ces alliances contre nature depuis 2014. Je suis confiant que le MMM peut faire la différence dans une lutte à trois, comme ce fut le cas en 1976. Si, après les élections, il n’y a pas de majorité claire, il faudra alors envisager une alliance pour former le gouvernement en fonction des suffrages obtenus par chaque parti. Ce serait plus démocratique ?

Donc, le MMM serait plus fort que jamais et en position de l’emporter malgré la crise qui le secoue actuellement ?
Depuis sa naissance, le MMM est traversé par des crises, mais il a toujours su rebondir. Avec les élections internes du 24 juin, nous allons mettre toute cette crise et les interviews de presse derrière nous. Nous aurons une équipe soudée qui canalisera toute son énergie et ses ressources pour se lancer dans la bataille électorale.

Terminons en reprenant ce mot que vous avez beaucoup utilisé aujourd’hui. Vous avez dit que Steven Obeegadoo avait 100 % tort en accordant des interviews à la presse. Mais c’est exactement ce que vous êtes en train de faire, Ajay Gunness ! Pourquoi pouvez-vous faire ce que vous interdisez à Obeegadoo et à ses amis ?
Je suis en train de vous accorder une interview qui reflète la ligne de la direction du MMM. On ne peut être membre dirigeant du MMM et aller dire dans la presse que le MMM est “enn vié lakaz”, que le leader est “dépassé et déphasé”, ou que “le parti est à la croisé des chemins”, tout de même !

Si on vous a bien compris, un membre du MMM ne peut aller dans la presse que pour dire que tout va pour le mieux au MMM qui est plus fort que jamais !
La constitution du parti interdit aux membres de discuter des affaires du MMM en dehors du parti.

Donc, ceux qui ne respectent pas cette règle n’ont qu’à lev zot pake allé ?
Je crois que chaque protagoniste de cette affaire est assez grand pour prendre ses responsabilités.

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