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Femmes battues : Ces mères qu’ils cognent

Aucune fête n’est en mesure de combler leur souffrance de femmes battues. Le calvaire de Nadine, Kamini et Farah est certes différent mais il reflète le quotidien de nombreuses mères qui se font taper jusqu’à en perdre la vie. À l’approche de la fête des mères, elles ont accepté de parler de ces plaies qui ne cicatrisent jamais.

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Kamini, 33 ans, a failli ne pas être là pour la fête des mères. Il y a quelques jours, le coup de cutter qu’avait tenté de lui porter son mari aurait pu lui être fatal. Le nom de cette mère de deux enfants se serait ajouté à ceux des femmes tuées par leurs maris et conjoints. Ce jour-là, la femme au foyer d’un village du nord avait pu fuir, non sans avoir été sauvagement battue par cet homme, contre qui un Protection Order avait déjà été émis pour la protéger de sa violence.

Les coups, les insultes, l’humiliation, Nadine les a aussi subis. Cette employée de banque de 32 ans en garde des cicatrices sur le corps et des plaies béantes dans l’âme. Ces enfants ne seront pas avec elle pour la fête des mères. Manipulés par ce directeur d’entreprise vivant dans un quartier chic de la ville, les deux enfants ont préféré rester à ses côtés.

De son côté, Farah, 30 ans, s’efforcera de faire bonne figure devant sa benjamine, qui tient à célébrer ce jour dédié aux mamans. Néanmoins, son sourire n’effacera pas ces années de souffrance sous l’emprise d’un compagnon violent pour lequel elle avait renié sa famille, qui avait essayé de la prévenir du danger.

Kontan bate.

“Mo bat twa parski mo kontan twa. Je le fais pour te corriger.” C’est ce qu’a régulièrement entendu Nadine quand elle a tenté de discuter de cette situation avec son époux. L’homme la battait sans ménagement. “Pour moi, c’était devenu si coutumier que je m’étais habituée à ce sort. Je m’étais résignée, oubliant même que j’étais victime d’une situation anormale.” D’ailleurs, quand les premières gifles ont été données avant même son mariage, Kamini n’a ni réagi ni a voulu y mettre un terme. “Peut-être par honte. Honte d’être trop naïve, de m’être laissée séduire par lui. Honte de ne pas l’avoir introduit à mes parents. Honte d’avoir menti pour cacher ses piques de colères. Et surtout honte de n’être pas respectée en tant que femme.” Elle préfère jouer le rôle d’une jeune femme amoureuse que celle d’une victime pour ne pas engendrer la pitié de son entourage qui, pendant plusieurs années, n’a rien su de ce qu’elle vivait sous le toit conjugal.

Double visage.

“Une tasse de thé trop chaude ou trop froide, une chemise tachetée, un rideau ouvert et permettant au voisin de me voir; pour avoir osé jouer, rire avec ses enfants. Tou seki mo ti fer pa ti bon. Res trankil osi fer so koler monte.” Pour des motifs toujours anodins, Farah recevait des objets en plein visage, mais surtout d’incalculables coups de pied au ventre et dans le dos. “Il faisait particulièrement attention à ne laisser aucune marque visible. Divan dimounn, pena pli bon zom ki li. Dan lakaz ki ou trouv so vre vizaz.”
Sans pouvoir s’expliquer les raisons d’être restée sous son emprise pendant près de quinze ans, cette femme originaire des faubourgs de la capitale est consciente que beaucoup de gens ne comprennent pas les raisons pour lesquelles elle ne s’est pas enfuie du domicile conjugal. “Juste après les coups et les insultes, il y a les excuses et les promesses. Et j’y croyais”, raconte Kamini. Mais “mo kone ki sa ve dir santi lamor de pre”. C’était une violence invisible, mentale et physique, qui l’a rendue malade. Elle n’était plus heureuse et pensait à partir, “mais je n’en trouvais pas le courage”. Jusqu’au mois dernier où la vue de cette lame d’un cutter pointée sur elle l’a fait réagir.

Attention et protection éphémère.

Le calvaire vécu par Nadine, Kamini, et Farah est bien connu. Même si ce fléau demeure invisible, il peut toucher n’importe quelle personne de notre entourage. “Chaque femme battue a sa propre histoire, mais tous ces hommes violents sont en fait l’histoire d’un seul et même homme”, confie Nadine. Outre les séquelles physiques, psychologiques, verbales ou sexuelles, ces victimes subissent d’autres injustices. Farah confie : “Dans la réalité, les gens oublient souvent que nous sommes victimes. Il faut être sur un canapé pour avoir un peu d’attention, mais c’est éphémère, et chacun reprend le cours de sa vie normalement après.” Ni le Protection Order qu’elles jugent “un bout de papier inutile”, ni les lois de domestic violence, “pas suffisamment dures”, ne sont capables de réduire le nombre de cas de femmes battues à Maurice.

Pour la fête des mères, elles auront donc une pensée pour toutes ces femmes et mères “ki pa’nn reisi sap depi sa lanfer-la”.

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