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Un exercice contraint

Pouvait-il en être autrement ? Eh bien non. À l’approche de l’échéance, devant le déluge de récriminations sectorielles et populaires, les crispations enregistrées ci et là, le feel bad factor qui se propage, Pravind Jugnauth ne pouvait que donner de petits cadeaux à gauche et à droite, et à ceux qui seront appelés à voter peut-être plus tôt que plus tard. Le tout dépendant de l’issue de l’appel interjeté devant le Privy Council par le DPP dans l’affaire MedPoint et qui sera débattu début 2019, soit dans quelque sept mois.

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Mais avant même, il est condamné aux cadeaux. Le budget 2018-19 est donc un exercice contraint non seulement à cause du contexte, mais parce que le Premier ministre et ministre des Finances se sent plus obligé que les autres à faire toujours plus, étant donné qu’il a un déficit de légitimé et que son accession au poste suprême du gouvernement reste perçue comme un deal familial concocté dans le dos de la population. À qui, rappelons-le, rien de tel n’avait été proposé lors de la campagne électorale de décembre 2014.

Comme les cadeaux avaient été déterminants dans le choix des électeurs exaspérés par le pouvoir rouge sortant, Pravind Jugnauth doit penser que les mêmes recettes produisent les mêmes succès. Lui qui était arrivé à la conclusion en 2005 que sa débâcle personnelle était largement imputable à son annonce du conditionnement du paiement de la pension universelle de retraite aux seules personnes bénéficiant de revenus de moins de Rs 20 000.

Il y a eu annonce de pléthore de mesures jeudi dans le budget. Comme dans tout exercice de ce genre, le but étant de frapper les esprits, d’insuffler immédiatement un sentiment de récompense et de soulagement. À ce niveau, il faut dire que c’est plutôt réussi, même si les Mauriciens sont maintenant habitués aux cadeaux empoisonnés et autres effets d’annonce sans lendemain. Parce que le porte-monnaie un peu plus garni de la classe moyenne va libérer des ressources pour la consommation qui retourneront dans la caisse de l’État.

Il y a aussi eu des moments cocasses dans les annonces faites lors du discours du budget du 14 juin. C’est ainsi que, non seulement le gouvernement s’est vu contraint de faire machine arrière sur les prix du carburant — après le coup de massue qu’il avait asséné à la population le 15 mai dernier et qui avait provoqué un véritable tollé — et de les revoir à la baisse, mais il ajoute même un bonus en réduisant aussi celui du gaz ménager.
Mais plus éloquent encore, le besoin de Pravind Jugnauth de rassurer sur la hausse des tarifs de l’eau qui n’aura finalement pas lieu. Cette majoration présentée comme acquise avait été très solennellement annoncée à l’Assemblée nationale par Ivan Collendavelloo en mars 2018, non seulement en sa qualité de ministre des Services publics, mais en tant que Premier ministre suppléant. Et il n’avait pas arrêté depuis d’insister sur l’imminence de cette majoration. Il avait même été rejoint en cela par le mentor.

Le Premier ministre en a décidé autrement et son adjoint désavoué, humilié aux yeux de la nation, applaudit. Ailleurs, lorsqu’un ministre voit sa politique sanctionnée, il s’en va. Mais, honneur, dignité à l’eau. Au rythme où le ministre des Finances déclinait ses offres accrocheuses, on avait même cru qu’il annoncerait la réembauche immédiate des 150 travailleurs contractuels de la Central Water Authority jetés sur le pavé.

Les cadeaux c’est bien, le social, c’est même très important, mais il manque cette ambition de faire de la République de Maurice une grande nation et un pays vraiment moderne. Encore un peu plus de policiers en dépit du coûteux et obscur projet de Safe City et probablement un peu plus de ces petits voyous qui endossent l’uniforme pour mieux faciliter leurs petites affaires, les agents coffrés ces dernières années pour délits en tous genres, de la drogue au vol en passant par des attentats à la pudeur, l’illustration éclatante que le nombre n’est pas toujours en adéquation avec l’efficacité.

Rien sur la réforme du système politique et celle des institutions, sauf cette annonce risible et à la limite du ridicule que les sanctions qui vont désormais frapper les directeurs de compagnie qui manqueraient à leurs obligations. Pourquoi ne pas avoir dit que ce régime s’appliquera aussi aux compagnies d’État comme Air Mauritius, Mauritius Telecom, la State Bank of Mauritius et la State Investment Corporation ?

Où chaque jour apporte son lot de dénonciations pour ingérence, favoritisme, recrutement des enfants de ministres et mauvaise gestion. Lorsqu’on sait que ce sont les nominés politiques, dont certains ont été condamnés ou sont poursuivis pour corruption, qui règnent en maîtres sur ces organismes, il y a de quoi rire de la proposition de Pravind Jugnauth. Il devrait commencer par balayer un peu devant sa porte avant de se poser en censeur.

Et alors qu’il y a un vrai et pressant enjeu autour du patrimoine en général et des plages en particulier, rien qui apaise. Bien au contraire : on pourra désormais acheter le passeport mauricien à coup de millions. Comme si les récents exemples de ces indélicats qui sont venus se réfugier sous nos cieux avec leur fortune mal gagnée n’ont pas été suffisants. On pourrait ainsi voir des trafiquants de drogue ou des blanchisseurs professionnels traverser les frontières avec notre passeport, ce qui nous fera une énorme publicité.

Il y a, finalement, dans la générosité déployée par le chef du gouvernement comme l’expression d’une certaine panique. Celle qui consiste à satisfaire tout de suite toutes les demandes de ceux dont le vote compte. Parce qu’il craint le rejet. Reste à savoir si cela marche parce que, pour reprendre une expression désuète, il n’y a pas que « les voies de Dieu qui sont impénétrables ».

Le sont tout autant les choix parfois difficiles à anticiper et à interpréter d’un électorat changeant parce que se sentant en permanence trompé. La chute de l’enregistrement des jeunes électeurs et leur faible participation au vote étant les deux manifestations de la même désaffection.

 

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