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La place d’une enfant n’est pas dans un lit conjugal

Par sa mort tragique survenue mercredi dernier, une adolescente de 13 ans, qui portait un bébé dans son ventre, a réveillé un pays qui croyait — ou qui voulait croire — que le mariage des enfants est une réalité propre à l’Inde, à la République centrafricaine, au Bangladesh, au Niger, à l’Éthiopie, ou encore à d’autres lointaines contrées les moins développées du monde. Pourtant, l’on sait tous que le mariage des mineurs est autorisé à Maurice. L’État civil prévoit qu’un « minor over 16 and under 18 can contract civil marriage with the consent of his/her parents. » Le jeune âge de l’adolescente, épouse et mère en devenir, a donné froid dans le dos. Mais même si elle était âgée de 17 ans, la place d’une jeune fille qui n’est pas encore adulte est bien loin d’un lit conjugal ! L’enfance est une étape précieuse dans la vie d’un être humain. Et cette phase passe trop vite pour la gâcher.

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Il y a deux ans, nous interpellions ici même sur les positions de la République de Maurice, en tant que membre de la Southern African Development Community (SADC), sur le mariage des enfants. Il est bon de rappeler qu’à l’époque, la République de Maurice avait pris le parti de ne pas signer le protocole (adopté en 2008) de la SADC sur le genre et le développement, lors d’une rencontre entre les ministres de l’Égalité du Genre des États africains au Botswana, cet accord qui engageait tous les pays membres à lutter contre le mariage des filles de moins de 18 ans. Aurore Perraud, alors ministre de l’Égalité du Genre, y était présente. Mais pour justifier sa décision, la délégation mauricienne s’était appuyée sur notre Constitution. Des dispositions avaient été néanmoins prises, en 2015, pour harmoniser ce protocole et notre Constitution. Le protocole devait être amendé et allait stipuler qu’aucune personne de moins de 18 ans ne pouvait se marier, sauf disposition contraire prévue par la loi et dans l’intérêt de la personne. 

L’article du protocole sur les droits maritaux et relatif au mariage de mineurs de moins de 18 ans n’ayant pas été amendé, Maurice n’était pas en position de signer le protocole, car la clause qui dérange notre pays va à l’encontre de l’âge légal qui y est appliqué pour le mariage. Aujourd’hui, en déplorant ce drame, la classe politique s’indigne. Pendant des années, les politiques n’ont eu rien à redire sur l’âge légal du mariage. 16 ans ! L’âge d’un enfant ! Les gouvernements qui se sont succédé ont toléré une aberration pour ne pas déplaire à ceux qui trouvent cela normal que jeune fille de moins de 18 ans passe au statut de femme mariée à l’État civil ou pas. Le député Shakeel Mohamed a reconnu le silence coupable de ses pairs au Parlement. Face à un délit (relations sexuelles avec une mineure de moins de 16 ans et) stipulé dans la Criminal Code Act, puisqu’il y en a eu, les autorités vont sans aucun doute agir.

Entre-temps, il faudrait que certains comprennent qu’une fille qui a ses règles pour la première fois n’est pas prête au mariage et aux relations sexuelles ! Nos enfants, filles et garçons, sont de plus en plus physiquement précoces. Et de nombreuses filles ont leurs premières règles à 10 ans. Il faudrait aussi que tous ceux qui défendent l’intérêt des enfants arrêtent de pratiquer la politique de l’autruche. Ils savent très bien que de nombreuses jeunes filles en âge d’être scolarisées ne sont plus à l’école mais chez elles, dans un environnement précaire, où il est normal d’être enceinte à 14-15 ans, de vivre des relations amoureuses incertaines, d’être une femme bien avant l’heure. Pour en être témoins, nous n’avons eu de cesse de l’écrire: les filles issues de foyers socialement et économiquement vulnérables, dans des poches de pauvreté, sont les plus concernées par la maternité précoce. 

Mais pendant que des adolescentes à peine pubères sont en train de devenir femmes, mères, concubines avant d’être adultes, nos décideurs peinent à définir une vraie politique d’intervention sociale et de planification familiale dans ces régions touchées par la pauvreté. Faudrait-il un autre drame pour attirer l’attention sur les conditions de vie de ces filles de 13-14 ans des quartiers défavorisés ?

Sabrina Quirin

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