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No more gestures

Qu’elle est triste notre démocratie ! L’opposition avait réagi lorsque Sanjeev Teeluckdharry avait été convoqué devant la commission d’enquête sur la drogue et qu’il avait, avec le support de ses plus fidèles soutiens, Rama Valayden et Anoop Goodary, entre autres, tenté de se dérober à coups d’affidavits et de critiques contre le président de la commission, alors que les faits déjà connus étaient assez incriminants. En parlant de ceux qui se considèrent comme des ténors, comment ne pas être ahuri qu’un avocat qui représente un trafiquant de drogue présumé se soit cru autorisé d’expliquer le rétrécissement du volume de poudre mortelle saisie au nom de son client ? C’est apparemment la nouvelle éthique de certains hommes de loi.
Pour en revenir à Sanjeev Teeluckdharry, à l’époque de ses contorsions manœuvrières pour ne pas se présenter devant la commission Lam Shang Leen, autour d’avril-mai 2017, l’opposition avait fait savoir qu’elle refuserait de siéger sous la présidence de ce Deputy Speaker. La Speaker Maya Hanoomanjee avait dû ainsi écourter un déplacement à l’étranger pour venir présider les délibérations de l’Assemblée nationale pour ne pas provoquer une paralysie de l’institution.
C’est ce même Deputy Speaker qui s’était très fortement distingué lors des débats sur la motion de blâme de Shakeel Mohamed contre la Speaker, Maya Hanoomanjee — coincée alors entre une boîte de biscuits et une accusation de « selective deafness » — en disant à l’adresse de Paul Bérenger :« Do not make gestures with me. » C’est désormais « no more gestures » pour lui. Et ce n’est pas trop tôt. Or, le même Deputy Speaker, choisi par Pravind Jugnauth, sera aussi référé à un comité disciplinaire pour avoir vivement critiqué le DPP, qui n’aurait pas, selon lui, été plus indulgent avec son client Rakesh Gooljaury. Malgré tout cela, le Premier ministre, maintenant son poulain à ce poste sensible dans la hiérarchie du Parlement, l’opposition avait fini par tolérer Sanjeev Teeluckdharry.
Qu’il ait été blâme par la commission d’enquête sur la drogue ne doit être une surprise que pour son leader Pravind Jugnauth, dont il avait, en avril de cette année même, chanté les louanges tout en décrétant que le « MSM est un des plus grands partis au monde. » Des compliments mielleux et une attitude obséquieuse, tout ce que semble apprécier, en fait, son leader Pravind Jugnauth.
Et si ce n’était que la seule faute politique, par imprudence, par excès de dérive pouvoiriste ou tout simplement par esprit de clan, de celui qui a été installé Premier ministre le 23 janvier 2017 ! Roubina Jadoo-Jaunbocus était un de ces membres de la profession légale mentionnés comme devant être sur la liste de ceux qui seront convoqués devant la commission sur la drogue depuis novembre 2016. Et pour quelle raison ? Elle avait tenu une bien curieuse briefing session avec 37 prisonniers en une seule journée alors que la plupart ne l’avaient pas sollicitée.
Or, malgré sa prestation peu convaincante, ses approximations flagrantes et ses larmes devant la commission, Pravind Jugnauth l’a nommée ministre lorsque Soodhun a dû se démettre après avoir eu des propos qui stigmatisent une communauté. Mais ce n’est pas le seul cas d’ignorance voulue et de mépris de Pravind Jugnauth de ce qui constitue la moralité publique, lui qui se présente comme un modèle.
Lorsque Roshi Bhadain, mécontent de ne pas progresser dans la hiérarchie gouvernementale et dans l’importance du portefeuille qui lui est attribué, décide de ne pas rester au gouvernement, c’est Sudhir Sesungkur qu’il choisit, alors même que ce député est confronté à un cas allégué de détournement de fonds de Rs 24 millions par un ancien partenaire d’affaires. Le plus sordide dans cette histoire, c’est que le lendemain de sa prestation de serment comme ministre des Services financiers, il a dû se présenter en cour pour répondre de cette accusation de détournement. Et depuis qu’il est ministre et qu’il l’est malgré tout resté, ce ministre de la République nous a tout servi, de la claque aux indélicatesses de ses proches, en passant par son toutou particulièrement affamé de chair humaine, surtout infantile.
Il est de ces puissants, temporaires, épisodiques pour ne pas dire anecdotiques, qui croient que même dans les cérémonies de mariage privées, ils doivent faire jouer le protocole et obtenir préséance sur le commun des mortels. Si, à la première incartade, les fauteurs de trouble étaient sanctionnés, on aurait assisté à moins de tristes pitreries des élus de la majorité. Ils envoient de si mauvais signaux au pays que tous les corps de métiers publics s’en trouvent contaminés, à commencer par les fonctionnaires et les policiers.
Dans son entourage aussi, il s’est bien accommodé de quelques personnes peu recommandables. Lorsque son candidat et son avocat personnel Raouf Gulbul est battu au N°3, après une campagne où des allégations sur l’affaire Bottesoie avaient plu, il est vite repêché et nommé président de la Gambling Regulatory Authority. Une nomination qui avait choqué les plus avertis, sauf Pravind Jugnauth apparemment, qui savent que le secteur du jeu est une destination privilégiée de tous ceux qui veulent blanchir leur argent sale.
Malgré les questions parlementaires, malgré les accusations de collusion avec un gros bonnet du secteur du jeu, proche des arcanes du pouvoir, le Premier ministre défendra son avocat jusqu’à ce qu’il soit convoqué devant la commission d’enquête et que celle-ci lui rabatte le caquet. Et qu’il a finalement été contraint de démissionner. Et lorsqu’on fait le bilan de tous ceux qui gravitent autour du leader du MSM et qui se sont retrouvés dans des situations délictueuses, il y a tout lieu de se demander si, au fond, le problème ne se trouve pas dans le leadership, imposé, qu’il incarne. Parce que, pour s’accommoder d’une telle cour de petits malfrats et de grands coquins, il faut en effet se demander si la faute n’est pas au chef lui-même.

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Josie Lebrasse

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