JACQUES DINAN
Depuis quelques jours, les médias font état de diverses manifestations organisées dans le pays afin de soutenir un certain mouvement, dont l’objectif serait de « redonner sa vraie valeur » à un jour du milieu de la semaine ! Un spot radio s’évertue même à répéter de nombreuses fois ce fameux jour de la semaine pour qu’il soit bien ancré dans la mémoire de chaque Mauricien. À travers les journaux, nous sommes invités à nous amuser ce fameux jour ! Amuser comment ? Afin d’aiguiser l’intérêt et la curiosité des uns et des autres et prouver l’authenticité des informations publiées, des photos et des vidéos, se rapportant à des événements, rassemblements et autres manifestations qui se seraient passés, sont proposées aux publics cibles ! En surtitre de ces articles, toutefois, figure le mot « Publi-reportage » !
Pourquoi ce surtitre de « Publi-reportage » ? Selon sa définition, ce terme est : « Une publicité rédactionnelle qui se présente comme un contenu éditorial. Un tel contenu permet, par conséquent, une forte intégration et le lecteur peut parfois l’appréhender, par erreur, comme un contenu classique. »
Cela étant dit, de nos jours, rares devraient être les lecteurs dupes du « déguisement ». En effet, l’annonceur est tenu par la loi, dans des cas précis, comme celui qui nous intéresse, d’indiquer, en surtitre, qu’il s’agit en réalité d’un « Publi-reportage », c’est-à-dire d’une publicité, plus ou moins déguisée. Ainsi, les lecteurs devraient savoir, en principe, à quoi ils ont affaire, à condition qu’ils soient effectivement au courant de cette subtilité publicitaire ou de cette publicité subtile, qui permet qu’une publicité soit déguisée et présentée comme un reportage détaillé sur un produit, un service, une organisation, une innovation, etc.
Il convient de préciser que le « Publi-reportage » a, pour principe, de privilégier l’information et la raison. Pour le faire, il veille à donner des preuves. Par conséquent, il ne mise pas sur l’humour, ni sur les jeux de mots, ni sur les autres moyens de la publicité pure, dont l’usage du superlatif pour vanter un produit, un service, mais sur les faits, les chiffres, les citations, les démonstrations et l’authenticité. L’objectif est donc de convaincre, sans en avoir l’air, mais de manière essentiellement subtile !
S’agit-il vraiment ici d’un mouvement en faveur d’un jour de la semaine afin de lui « redonner sa vraie valeur » ou est-ce une façon déguisée d’attirer l’attention des publics cibles sur un produit, un service ou autre chose pour laquelle il n’est pas permis de faire de la publicité et qui aura lieu au milieu de la semaine ?
Gageons que nous serons bientôt invités, en milieu de semaine, à faire ce que de nombreux Mauriciens font déjà le week-end dans l’espoir qu’ils puissent « mettre du beurre dans les épinards » !
Hélas ! Nombreux seront ceux qui s’endetteront davantage, deux fois par semaine et non plus une seule fois, afin qu’une poignée de personnes puissent subitement jouir d’un avantage financier pour avoir su, par hasard, jongler avec des chiffres, et que l’État reçoive une manne tombée… des portefeuilles des 67% d’adultes mauriciens qui, semaine après semaine, espèrent, comme par magie, accroître leurs ressources financières !
En effet, comme l’explique le sociologue Jean-Pierre Martignoni, dans sa « Théorie de la pauvreté » : « Plus on est pauvre, plus on joue ! » Spécialiste des jeux d’argent, ce spécialiste précise : « Plusieurs études ont déjà montré une corrélation entre la baisse des revenus et la hausse du jeu. » Lorsque la conjoncture économique est incertaine, nombreux sont ceux qui se tournent vers les jeux d’argent. Ils ont le sentiment d’investir ! Leur action correspond à un rêve, un désir de changer de vie, en espérant décrocher une grosse somme d’argent, poursuit le sociologue. Selon lui, la perspective d’un gain énorme apparaît comme un moyen « de se refaire socialement » et d’effacer, grâce à la chance, les difficultés du quotidien !
Il est utile de savoir, selon le rapport annuel 2017 publié par l’entreprise en question, que pour chaque « investissement » de Rs 100 l’année dernière, en vue d’un gain important, une somme de Rs 49 est revenue aux quelques heureux gagnants, Rs 25 se sont retrouvées dans les caisses de l’État, Rs 4 ont servi à payer les employés de l’entreprise, Rs 10 ont permis de couvrir les coûts directs et indirects, Rs 6 ont été dépensées pour la rétribution des revendeurs et Rs 6 ont servi à alimenter le profit; profit qui s’est élevé à un total de Rs 110,8 millions, après prélèvement de la taxe gouvernementale pour toute l’année dernière !
Mieux informés de ce à quoi sert notre mise, peut-être serons-nous plus prudents et éviterons-nous de nous endetter indûment, deux fois par semaine, au profit des éventuels gagnants et au profit des caisses de l’État !