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Une hirondelle ne fait pas le printemps

Le 21 mars 2018 à l’Assemblée nationale française, Nicolas Hulot, alors encore ministre de la Transition écologique, faisait un constat angoissé : « 30% d’oiseaux en moins en quelques années. 80% d’insectes en moins à l’échelle européenne. Le dernier grand mâle des rhinocéros blancs du nord de l’Afrique a disparu il y a une semaine ». Un constat qui, disait le ministre, ne provoquait chez lui ni peine ni colère. Mais de la honte. « Honte de savoir que derrière la sixième extinction de la biodiversité, la responsabilité c’est nous. »

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En quoi, pourrait-on dire, cela serait-il aussi catastrophique que des pandas ou des rhinocéros disparaissent, alors que chaque jour, des milliers d’humains meurent aussi dans des conditions dramatiques ?

On prête au philosophe grec Aristote, qui l’aurait lui-même reprise du fabuliste Esope, la maxime « Une seule hirondelle ne fait pas le printemps ; un seul acte moral ne fait pas la vertu ». Façon de dire qu’il ne faut pas se fier trop vite aux apparences. Ou qu’une seule personne ne suffit pas pour réaliser un but d’envergure. Depuis toujours, l’observation de la nature a servi à nourrir fables et maximes exprimant une sagesse à la fois érudite et populaire. Depuis des siècles, pendant l’hiver occidental, les hirondelles migrent vers les contrées plus chaudes d’Afrique. Leur retour, très attendu, annonce en général le printemps en Europe. Mais cette année, les mois d’avril, puis de mai, se sont passés sans que les hirondelles reviennent…

Et cela veut dire beaucoup de choses. Cela veut dire, comme l’a martelé Nicolas Hulot, que plus l’on réduit la biodiversité, plus l’on réduit nos options pour faire face à l’avenir. « Il y a des tragédies invisibles et silencieuses dont on s’accommode tous les jours. Je veux simplement avoir un sursaut d’indignation parce que l’humanité a une communauté d’origine avec le vivant et une communauté de destin avec le vivant ». 

Cela, c’était en mars dernier. Ce lundi, 27 août, Nicolas Hulot créait la surprise en annonçant, en direct à la radio, sa démission de son poste de ministre de la Transition écologique. N’en pouvant plus, manifestement, d’être une caution écologique sans aucun pouvoir, face aux lobbys de l’agriculture et de l’industrie, pour influer réellement sur des politiques de plus en plus anti-écologiques.

En Côte d’Ivoire, une hirondelle ne fait pas le printemps se décline comme « Un seul brin de paille ne balaie pas une maison »…

On peut beaucoup dire sur le statut de Nicolas Hulot, propulsé grand spécialiste écologique à la faveur d’une émission télévisée, Ushuaïa, qui l’a vu parcourir le monde en hélicoptère (sans beaucoup se soucier apparemment de son empreinte carbone, ironisent certains). Reste que la démission de cette figure populaire est très inquiétante dans ce qu’elle dit, globalement, des chances de notre monde d’échapper à la catastrophe écologique que l’on peut maintenant voir partout se profiler.

Dans son édition du 30 août 2018, Courrier International fait ainsi ressortir, au-delà du cas Hulot, « le désarroi global des écologistes au pouvoir ». La publication reprend un article du Financial Times, dans son édition du mercredi 29 août 2018, qui souligne que la démission de Nicolas Hulot ne fait que confirmer une tendance mondiale, qui voit les écologistes en train de perdre le combat face aux lobbys et au court-termisme.

La démission d’Hulot en dit long sur les difficultés rencontrées par ceux qui ont à cœur de préserver la biodiversité et l’avenir de la planète, pas seulement en France mais partout dans le reste du monde, pour se faire entendre. Etre aimé ne suffit pas — et l’ancien animateur d’Ushuaïa était une personnalité très appréciée des Français. Pour changer les choses, il faut aussi avoir le bras long. Or d’après son témoignage, l’écologiste français avait certes « un peu d’influence », mais « aucun pouvoir ».

« Qu’un écologiste de sa stature jette l’éponge par désespoir pour souligner le peu de mesures entreprises par le gouvernement face à une éventuelle catastrophe écologique n’est pas de très bon augure », estime le Financial Times. « Le discours d’adieu de Hulot était angoissant et sans appel : quelles que soient les preuves des bouleversements climatiques à venir (et elles n’ont pas manqué ces derniers temps avec les canicules, les feux de forêts, la disparition des hirondelles, les inondations et la fonte des glaces du Groenland), les Etats ne réagissent pas avec l’urgence nécessaire, ou si peu. Même les gouvernements qui ont promis de mettre l’environnement au cœur de leur politique, comme l’a fait Macron, finissent par se laisser déborder par le court terme ».

Il y a là de quoi s’interroger pour nous qui, au nom du « développement », ne cessons aussi de vouloir mettre en route des projets qui risquent d’être catastrophiques pour notre environnement. Pour n’en citer qu’un, ce projet de Petroleum Hub à Albion, contre lequel un collectif citoyen tente actuellement de se battre. L’ennui étant qu’il est laissé aux moyens limités de quelques citoyens de tenter d’assurer un rôle de protection et de préservation qui devrait être celui de l’Etat. Au fait, qui peut citer la dernière action de notre ministre de l’Environnement ?…

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