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Mahen Busgopaul : « Ne nous voilons pas la face sur les problèmes des enfants ! »

Mahen Busgopaul, secrétaire général de l’Ong Halley Movement et actuellement à Genève, a présenté vendredi le rapport sur l’exploitation sexuelle des enfants à Maurice à la pré-session de l’Universal Periodic Review du Human Rights Council. Il est le seul Mauricien à parler au nom de Halley Movement & Pan-Mauritius Coalition and ECPAT International. Ce rapport, qui a fait l’objet d’une étude de 2014 à 2018, a démontré que l’exploitation sexuelle est un réel problème à Maurice. Pour lui, il est temps que le gouvernement travaille en concert avec les Ong pour endiguer ce problème qui peut prendre d’autres dimensions étant donné la présence d’autres fléaux sociaux dans le pays.

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Vous avez qualifié de « grave » le problème de l’exploitation sexuelle à Maurice. Quelles sont les raisons qui vous poussent à une telle qualification ?

Je pense que le problème est assez grave. Ce n’est pas uniquement avec les touristes, mais aussi avec les membres de la famille. C’est un problème majeur que nous devons prendre en compte. Le secteur du tourisme participe bien sûr au développement économique de Maurice. Toutefois, nous notons que tous types de touristes viennent et nous ne faisons que les encourager. Notre plus grande frayeur est la courte durée de leur séjour dans le pays. Certains ne font qu’une semaine. Et si un enfant a été sexuellement abusé par un touriste, c’est difficile de le retracer lorsque l’enfant donnera sa déposition à la police. Nous ne pouvons rien faire pour l’arrêter.

D’ailleurs, il n’y a pas de loi en ce sens. Nous avons uniquement la Child Protection Act. Le Children’s Bill ne comprend aucune mesure pour sauvegarder l’intérêt de l’enfant. C’est ce qu’on fera ressortir à l’UPR, et le gouvernement doit se pencher dessus. Il ne faut pas oublier qu’il y a des États, comme la République démocratique du Congo et les Seychelles, qui avaient pointé du doigt Maurice en 2013. Le gouvernement a pris l’engagement de travailler sur ce sujet pendant les quatre dernières années, mais rien n’a été fait.

Le tourisme est l’un des facteurs qui, malheureusement, donne lieu au tourisme sexuel qui exploite aussi nos enfants. Avons-nous les barrières nécessaires pour les protéger ?

Nous n’avons aucune barrière pour protéger nos enfants, d’où l’importance de faire voter des lois. Il faut qu’il y ait des mécanismes pour qu’on puisse appréhender ceux qui ont commis des actes sur les enfants lorsqu’ils étaient de passage dans notre pays. Nous devons établir des relations avec l’Union africaine et voir quels sont leurs mécanismes en cas d’agression pour qu’on puisse arrêter le coupable.

Malheureusement, nous n’avons pas ces mécanismes à Maurice. C’est ce que le gouvernement doit faire. Je ne crois pas que c’est uniquement le rôle des Ong de protéger les enfants. Il faut que l’État assume aussi ses responsabilités. En tant qu’Ong, nous pouvons soutenir les actions du gouvernement. L’État mauricien a fauté à ce niveau. C’est lui qui devra répondre à l’UPR. En effet, rien n’a été fait, malgré son engagement à protéger les enfants. Nous avons plusieurs difficultés. Nous n’avons pas uniquement le problème de l’exploitation sexuelle des enfants mais aussi le trafic d’enfants, la mendicité, le travail infantile. Nous avons beaucoup de problèmes associés à la protection de l’enfant.

Je crois que l’État est aussi débordé avec tous ces problèmes. Nous pouvons avoir des agences gouvernementales qui oeuvrent pour les enfants, mais nous avons trop de lourdeur bureaucratique. Mais je crois que l’État doit trouver des partenaires et les soutenir dans leur campagne de sensibilisation. Nous devons expliquer à la population l’exploitation sexuelle des enfants. La population ne sait pas quelle est la marche à suivre après avoir entendu des cas d’agressions sexuelles. Le gouvernement doit soutenir les Ong qui connaissent la réalité du terrain. Nous allons à la rencontre des parents et des chefs religieux pour transmettre nos messages.

Croyez-vous que les parents démissionnent davantage de leurs responsabilités à encadrer leurs enfants ? Et quels sont les facteurs à risques qui poussent à l’exploitation sexuelle des enfants ?

La pauvreté n’est pas nécessairement un facteur qui pousse à ce problème. C’est l’un des facteurs. C’est plutôt la démission des parents de leurs responsabilités. Les enfants ont trop de liberté aujourd’hui. Si nous comparons avec la génération actuelle, auparavant cette liberté n’existait pas comme aujourd’hui. On posait des questions aux enfants lorsqu’ils sortaient. On leur prodiguait des conseils.

Et même lorsqu’on regardait la télévision, les parents avertissaient leurs enfants sur les types de films qui étaient appropriés pour eux. Mais avec la liberté actuelle et Internet, les enfants ont changé. Leur attitude n’est plus la même. Les enfants font ce qu’ils veulent et les parents sont souvent mis devant des faits accomplis. Les parents ne sont pas assez informés pour savoir ce qu’ils doivent faire. C’est la faute de la société si les enfants souffrent d’abus. Le gouvernement doit aussi sensibiliser les parents pour qu’ils puissent éduquer leurs enfants.

Selon les chiffres de la CDU, 1 175 enfants ont été victimes de violence sexuelle ces cinq dernières années. Ces chiffres vous inquiètent-ils ?

C’est très inquiétant. Mais nous devons nous poser la question sur le travail qu’on fait pour empêcher cela. Nous avons beaucoup à faire.

Dans beaucoup de cas de violence sexuelle, un membre de la famille est pointé du doigt. D’ailleurs, selon le rapport de Halley Movement, dans neuf cas sur dix, un membre de la famille est impliqué. Qu’est-ce qui explique cela ?

Nos habitudes ne sont plus les mêmes avec l’avènement de la télévision, de l’Internet et de la technologie. Les parents croient que leurs enfants vivent à l’époque des années 60. Nous ne voyons plus une bonne attitude ni le respect des enfants envers les autres. Il faut sensibiliser les parents et les enfants. Helpline Mauritius fait son travail. Nous offrons des conseils aux parents et aux enfants, mais toute chose a une limite. Il faut qu’on durcisse les lois pour que les agresseurs pensent à deux fois avant de passer à l’acte. Nous avons démarré un programme depuis des années où nous réunissons les personnes âgées et les jeunes pour une interaction. Les personnes âgées éduquent les enfants sur les valeurs et nous avons constaté que les enfants sont contents. Elles viennent volontairement et offrent des cadeaux aux enfants. Il nous faut ce partage entre les personnes âgées et les enfants.

Peut-on dire que l’exploitation sexuelle est généralisée dans le pays ?

Oui. Lorsque nous allons sur le terrain, ce sont les proches de la famille qui viennent dénoncer des cas. Ce ne sont pas que les familles pauvres dans certaines régions. Le problème est partout. Nous avons aussi des familles riches, des noms qui sont très connus. Penser à ces noms uniquement nous inquiète. C’est très malheureux.

Pensez-vous que le gouvernement fait assez d’efforts pour endiguer ce problème ?

À chaque fois que nous avons rencontré le gouvernement, nous lui avons demandé son soutien. Moralement, on aide, mais nous n’obtenons aucun soutien financier. De 1990 à 2018, nous n’avons eu aucun soutien financier du gouvernement. Tous les ministres, qui sont venus assister à nos événements, nous ont félicités pour notre travail, mais sans plus. Ils n’ont rien fait. Grâce à nos partenaires d’affaires, nous pouvons assurer les activités de Halley Movement. Nous ne devons plus nous voiler la face devant les problèmes auxquels font face les enfants dans le pays. Il y a trop de choses qui se passent. Si les Ong ne demandent pas au gouvernement de se ressaisir, que se passera-t-il avec l’avenir de nos enfants ?

Un mot sur Halley Movement…

Le Halley Movement est affilié à l’ONG ECPAT International qui existe depuis 1996. Cette Ong avait commencé ses activités à travers une conférence sur l’exploitation des enfants. Depuis cette époque, nous travaillons ensemble et nous mettons l’accent sur l’exploitation sexuelle des enfants. Suite à nos études faites et basées sur l’effet de l’Internet sur les enfants en 2000, nous nous sommes engagés dans cette lutte. Nous avons aussi noté qu’il y a un abus sexuel sur les enfants. Également à cette époque, Interpol nous avait contactés pour nous informer d’un cas suspect dans un hôtel dans l’Ouest. Nous avions eu à contacter le gérant de l’hôtel pour le confronter aux faits. Mais rien n’a été fait après enquête. C’était peut-être pour préserver l’image du pays.

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