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Nous ne parlons pas tous le même language ?

Le gouvernement, par le biais du ministère de la Jeunesse et des Sports, a lancé dimanche dernier sa National Sports and Physical Activity Policy en présence du Premier ministre Pravind Jugnauth. Un projet s’échelonnant sur 10 ans et reposant sur trois axes majeurs visant, entre autres, à sensibiliser le Mauricien sur l’importance de pratiquer une activité physique. On ne peut que se réjouir si le gouvernement a senti le besoin de s’attaquer à la santé publique.

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Car peu importent les motivations derrière, tant qu’il s’agit de sauver des vies humaines et d’encourager l’excellence chez les jeunes, toute bonne intention mérite d’être soutenue. Tout le monde devrait donc s’allier derrière la démarche gouvernementale, indistinctement de son âge, sa couleur politique, race, religion, genre… Car, ce n’est qu’à travers un élan national, voire l’union sacrée qu’on retrouve très souvent derrière nos différentes sélections nationales, que ce projet sera une réussite.

Mais restons tout de même très prudents. D’autant que nous savons tous que la politique et le sport n’ont jamais fait bon ménage. Le Sports Act en fait d’ailleurs référence. Ce qui nous intéresse d’abord, c’est l’élaboration de ce plan d’action – si nous pouvons l’appeler ainsi – réalisé par la firme étrangère PORTAS Consulting Limited et qui aura coûté, selon les informations disponibles, un peu moins de Rs 7M au gouvernement mauricien ! Un document de 28 pages – couverture y compris – et dans lequel ne figurent que 16 pages d’explications ! Un document qui ne donne que les grandes lignes du plan et pas aussi détaillé qu’on pouvait le penser, afi n de permettre une lecture plus approfondie des mesures annoncées. Est-ce pour ces quelques pages seulement que le gouvernement a déboursé autant d’argent ? On aurait également aimé savoir s’il y a eu pour cela un appel à candidatures, incluant l’expertise mauricienne ?

D’autant que l’opacité autour de ce projet national n’a fait qu’amplifi er ce sentiment qu’il y aurait comme un parfum de « lakwizinn » dans l’air. Peu importe, ce qu’il faut maintenant savoir, c’est comment le gouvernement compte amener le Mauricien et les jeunes, surtout, à pratiquer une activité physique. Sans compter que ce projet coûtera dans son ensemble beaucoup d’argent, comme l’a avoué le Premier ministre lui-même. Une fois encore, l’aide du secteur privé sera primordiale et il l’a fait comprendre dans son discours. Dans la pratique toutefois, beaucoup de questions interpellent, notamment pour ce qui est des ressources humaines disponibles et des cadres dévoués à motiver nos jeunes à aimer la pratique sportive.

Car un peu comme dans nos hôpitaux où le service laisse énormément à désirer, le sport ne fait pas exception à la règle. Et nous savons de quoi nous parlons. Ainsi, nous aurions bien aimé savoir comment le gouvernement compte inculquer à un enfant ou un jeune la culture sportive quand son professeur d’éducation physique n’est même pas capable de se mettre en tenue de sport appropriée ? Ou encore, comment encourager un jeune quand, à titre d’exemple, le moniteur payé par le MJS est beaucoup plus intéressé à bâcler son travail ou communique mal avec les enfants ? Ce sont là autant de lacunes qui méritent réfl exion et ce ne sont pas des inventions. Et les infrastructures sportives dans toute l’histoire ? Combien sont-ils les centres de jeunesse et autres centres villageois à répondre aux exigences du moment ? Sans compter les toxicomanes qui squattent très souvent les espaces autour de ces infrastructures ou encore ceux qui consomment de l’alcool sur place. Est-ce dans ces conditions que les parents autoriseront leurs enfants à fréquenter ces endroits ? Et nous les adultes dans tout ça ? L’Organisation mondiale de la Santé recommande certes une moyenne de 150 minutes de pratique physique par semaine, soit 30 minutes sur cinq jours. Est-ce vraiment réalisable dans une île Maurice moderne où le gouvernement lui-même et autre patronat restent focalisés sur la productivité ? Il est aussi vrai de dire que 23% de la population arrivent à respecter ces recommandations. Mais s’est-on au moins demandé pourquoi les 77% autres ne pratiquent pas une activité physique ? Notamment cette grosse majorité de Mauriciens qui se tuent au travail afi n de pouvoir joindre les deux bouts. Comment aussi demander aux parents, pourtant soucieux de rester en forme pour le bien-être de leurs familles, d’aller faire du sport quand ils ont quitté leur domicile très tôt le matin pour n’être de retour que tard le soir ?

Et le gouvernement dans tout ça ? Comment compte-t-il s’y prendre pour convaincre les patrons du secteur privé d’aménager le temps nécessaire pour permettre à leurs employés de pratiquer des activités physiques ? On pourra épiloguer encore longuement sur ce sujet tant les arguments ne manquent pas. Il n’empêche que dans l’île Maurice moderne où nous vivons, conçue de surcroît par ces mêmes politiciens, mettre en pratique une culture sportive devient utopique. Tout comme ce rêve d’aller chercher à l’avenir une autre médaille olympique senior après celle de Bruno Julie en 2008.

Car, comment peut-on parler d’excellence quand ce même MJS a pris la décision de couper les allocations journalières de 20 US dollars (environ Rs 720) accordées aux athlètes lors de leurs déplacements à l’étranger, alors que le ministre Toussaint et ses autres collègues eux, continuent, à voyager gracieusement aux frais du contribuable ? Autant d’aspects qui, à notre humble avis, méritaient d’être analysés, afi n de proposer des solutions durables. Si le rapport présente certes des objectifs, on ne sait rien en revanche sur sa mise en pratique. Car pour que la National Sports and Physical Activity Policy soit une réussite, il est impératif de prendre en considération les réalités du terrain.

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