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Du changement dans l’air

Un air de changement souffle sur les courses mauriciennes puisqu’au sein des deux organismes qui animent cette activité, c’est l’arrivée de deux étrangers en leur sein qui marquent cette fin d’année. C’est d’abord le Britannique Paul Bebee qui a été propulsé aux commandes de l’Integrity Department de la Gambling Regulatory Authority depuis environ deux mois. Il est toujours en phase d’installation vu le manque de structures et de personnel, mais il est en train actuellement de build-up son équipe. Avec le soutien de son CEO, Mme Ringadoo, il a déjà obtenu l’accès au serveur de la Mauritius Revenue Authority sur les paris des bookmakers. Celui-ci, en l’état, n’est pas totalement au point pour un monitoring rapide et efficace, mais la GRA assure que le nécessaire sera fait pour tirer un profit maximum de ces précieuses informations, malheureusement biaisées. En effet, il ne comprend évidemment pas le volet « paris à crédit » qui demeure dans la pénombre et dont le poids, pas mesurable par sa nature, pèserait lourdement sur les opérations et donc des malversations en course.

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Il bénéficiera très bientôt de l’autorité opérationnelle de la Police des Jeux, qui devrait s’installer à la Newton House. Il est actuellement en Angleterre et a emmené avec lui trois officiers de son organisme à des fins de formation en Angleterre (doping, betting, money laundering) au sein du British Racing Board, où il avait déjà la responsabilité de l’Integrity Department. Autant dire que son CV est éloquent et qu’il a déjà cerné les principaux maux des courses mauriciennes. S’il n’y a aucun doute sur ses capacités à traquer les defaulters, il reste à savoir jusqu’où l’organisme d’État lui permettra d’aller si, par le pur des hasards, on retrouvait certains amis du pouvoir dans son collimateur.

Pour ne pas être en reste, le MTC nous a présenté cette semaine son nouveau CEO, le Sud-Africain Michael William Rishworth, qui prend officiellement ses fonctions en février prochain. Il sera dans un premier temps chaperonné par le General Manager Benoît Halbwachs, qui a un parcours remarquable à ce niveau. Il lui sera d’une grande aide dans les premiers temps. Le Sud-Africain a un palmarès éloquent et un savoir-faire en matière de gestion hippique qui ne se dément pas, mais il doit s’attendre à une résistance interne dont il a sans doute déjà eu les premières prémisses cette semaine. Le nouveau CEO ne se laissera sans doute pas déstabiliser par ces sautes d’humeur, trop longtemps tolérées de la part de professionnels de courses.

Outre de moderniser les structures du club pour le transformer en une vraie entreprise profitable et moderniser également les infrastructures du MTC, il s’attaquera aux paris clandestins dont il souhaite ramener à court terme 15% dans le circuit officiel. Il a compris que pour atteindre un tel objectif, il est impératif, et il en fait son premier cheval de bataille, de normaliser les relations entre le MTC et les partenaires incontournables que sont le gouvernement et la GRA. C’est la condition sine qua non pour réussir sa nouvelle mission. Il vise dans cette collaboration à convaincre la GRA de la nécessité du commingling à l’international — qu’il a toutes les chances d’obtenir si le MTC choisit de lancer son propre Tote comme le préconisait l’administrateur démissionnaire Pierre du Mée — qui devrait faire progresser le chiffre d’affaires global de 30%. Enfin, dans ses premiers objectifs, il compte aussi expliquer à la GRA la nécessité de plus de journées et d’au moins une course supplémentaire par journée.

S’il n’y a pas de recette miracle dans les valises de Mike Rishworth, c’est sa conviction et son enthousiasme qui pourraient permettre de dénouer des nœuds, initiative insurmontable jusqu’ici, entre le MTC et certains animateurs de la GRA qui trouvent leur origine, pour ne pas dire leur essence, dans les soubresauts de l’histoire mauricienne. Un sentiment que Rishworth a pu ressentir dans son pays d’origine. Comme pour Paul Bebee, il faudra savoir si ses employeurs vont lui supprimer la laisse qui a trop longtemps bloqué les initiatives de son prédécesseur. Il serait plus que temps que les administrateurs du MTC, qui changent au gré du vent, libèrent le CEO du filet contraignant de la réunion hebdomadaire qui donne force et crédit aux éternels insatisfaits et bloque le bon fonctionnement du management du MTC. À la décharge de Mike Rishworth, disons d’emblée que le timing de son installation n’est pas le meilleur puisqu’on aborde l’année électorale et qu’en ces temps-là, le MTC est un bouc émissaire idéal et les courses souffrent de toutes les inconstances étatiques. Il notera que parmi les 1500 points de vente du Loto et des SMSPariaz & related parties, dont le PMU, la GRA a intimé les neuf petits bookmakers à travers l’île à regagner le Champ de Mars l’année prochaine parce que les lobbies religieux et sociaux locaux ont commencé à faire plier ceux qui sont au pouvoir…

Étrangement, c’est au cours de cette semaine que chacune de ces deux entités ont été vendre leur image par radio interposée. À l’audimètre, on peut dire sans se tromper de beaucoup que le Mauritius Turf Club (MTC) a une image plus respectable et aboutie parmi le public que celle de la Gambling Regulatory Authority (GRA). Le board member de la GRA Dev Beekharry, grand défenseur du public autoproclamé, l’aura appris à ses dépens. Ce ne sont pas tant ses arguments qui ont parfois des fondements intéressants qui posent problème, mais c’est surtout son arrogance et ce ton qui sonne la revanche qui lui ont valu le qualificatif déshonorant de « nominé politique » et d’avoir été associé à son ex-président Raouf Gulbul, pris dans l’engrenage du rapport Lam Shang Leen. Dev Beekharry devrait profiter de sa longue expérience déclarée pour réunir et non diviser.

Nous le répétons sans fioriture, la GRA, dont l’existence est une réalité nécessaire, doit jouer uniquement son rôle de régulateur à fond. Mais ses abus de pouvoir doivent être proscrits. La GRA doit laisser la gestion des courses au quotidien au MTC tout en veillant que l’organisateur des courses respecte ses propres règlements, qu’il pratique l’égalité des chances et qu’il fasse évoluer ses rules of racing à la hauteur des ambitions hippiques modernes. La GRA peut et doit émettre, lorsque cela est nécessaire, des directives pour le bien-être commun des courses, mais pas pour des entités amies. Pour faire amende honorable, la GRA devrait bannir ses directives ayant trait au nombre de partants, celles de restrictions visant des jockeys spécifiques et celles destinées à favoriser certains de ses amis. En revanche, sa directive sur le fait que le rating doit être le facteur déterminant du choix des partants d’une course est en soi juste, mais elle aurait dû avoir donné le temps nécessaire à tous les établissements de s’adapter à cette nouvelle donne.

L’air de changement qui plane sur le Champ de Mars est une source d’espoir pour une évolution positive des courses dans notre pays. Une positivité qui s‘est aussi illustrée par l’initiative de l’entraîneur Ramapatee Gujadhur de présenter ses excuses, sous forme de regrets, par rapport à son dérapage « coloré » qui constituait une atteinte à l’intégrité des commissaires des courses et du board des administrateurs, instance suprême au MTC. Une lettre et une déclaration publique qui n’ont rien de déshonorant lorsqu’on a fauté. Au contraire, c’est une preuve de grandeur d’âme, de respect pour soi et pour les autres, et la moindre des politesses en société.

Cela dit, ces excuses publiques pour cause de dérapage ne doivent pas priver Ramapatee Gujadhur de continuer à dénoncer publiquement, sans imputer des motivations, sur le fond ce qui ne va pas dans le monde hippique, car nous sommes trop amoureux de la liberté d’expression et avons une sainte horreur de la langue de bois pour nous priver de sa vision et de ses précieuses réflexions. L’hippisme mauricien a aussi besoin de son expérience et de son savoir-faire dans ce vent de changement qui balaie le Champ de Mars…

Bernard Delaître

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