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Toilettes décentes : Un besoin encore inaccessible pour des familles mauriciennes

  • Au Morne, le projet d’une habitante améliore les conditions sanitaires de douze familles

A Maurice, l’accès aux sanitaires en milieu précaire est une question négligée. Aborder la question d’hygiène reste un sujet encore délicat, voire tabou. D’autant plus compliqué lorsque l’hygiène concerne les femmes et les jeunes fi lles au moment de leur menstruation. Où et comment disposer de serviettes hygiéniques quand on n’a ni toilettes ni salle de bains ? Sans compter les risques, y compris les maladies, que prennent hommes, femmes et enfants qui sont contraints de se soulager dans la nature. Si, selon des comptes rendus internationaux, 2,4 milliards d’êtres humains n’ont pas accès à des installations sanitaires correctes, en revanche Maurice ne dispose pas de chiffres officiels quant aux nombres des foyers privés de toilettes.

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Pour la première fois de leur vie, des familles du Morne ont eu accès à des toilettes décentes et en béton grâce à un projet conçu par une habitante du village, Indrawtee Beeharry et financé par le National Corporate Social Responsibility Foundation. Les bénéficiaires, douze foyers vivant dans des maisons en tôle n’ont cependant pas accès à l’eau courante !

Le système de captage d’eau, improvisé
par François Bernard

“Vous voulez vraiment voir nos anciennes toilettes ?” nous redemande François Bernard, pêcheur, pour être bien certain d’avoir entendu notre requête. “Êtes-vous sûre ?” insiste-t-il, en essayant de nous dissuader de voir les conditions sanitaires de sa maison. Des toilettes improvisées, avec ou sans cuvette, des latrines insalubres, avec ou sans eau courante, nous en avons vu. Il est impossible de parler de précarité, sans en mentionner.

L’accès aux toilettes est intrinsèquement lié à la problématique du logement et à la connexion à l’eau et à l’électricité dans des poches de pauvreté. Mais il suffit de visiter les quartiers en marge du développement pour se rendre compte que beaucoup de familles et leurs enfants n’ont jamais connu des installations d’assainissement salubre. Et que certains ont grandi sans toilettes à la maison ! En traversant une première chambre bien aérée de la maison en tôle des Bernard, l’on passe par une cuisine qui mène vers une autre pièce sombre où des gallons d’eau posés sur le sol. C’est la salle de bains. Derrière une porte se trouvent les toilettes, humides, obscures et l’on passe sur d’autres détails… dont François Bernard voulait nous éviter. Absence d’eau. L’eau courante est encore inexistante dans le quartier.

Latrines improvisées

Quand Priscilla et François Bernard se sont installés à exDilo-Pourri, une terre en pente de l’Etat, au village du Morne, il y a une vingtaine d’années, la végétation commençait peu à peu à céder la place aux cases en tôle. Les familles, pour certaines monoparentales, qui ont construit leur habitation respective sur ces terres hostiles, savaient très bien qu’elles ne seraient pas connectées à l’eau, à l’électricité et qu’il n’y avaient aucune provision pour l’évacuation des eaux usées ou de fosses septiques. Si l’électricité viendra plus tard avec la régularisation des anciens squatters, pour ce qui est de l’eau, les foyers sont désormais desservis par des camions-citernes.

Pour pallier l’absence de toilettes décentes, à l’époque, François Bernard improvise des latrines au fond de sa cour. Il met en place un système qui n’est pas inconnu, mais qui dépannera sa famille pendant des années. Il nous explique : “Mo’nn fouy enn trou enn profonder anviron kat-sink met dan later. Mo’nn pik enn drom san fon, tou-t-otour pou ki delo traverse, mo’nn met li dan later-la. Mo’nn kal drom-la ar ros, apre mo kouver li la-o enn fason ki kapav servi li.” Au bout de quelques années, la terre qui a pu absorber

les liquides mais pas toutes les matières, était devenue inutilisable. Alors, François Bernard a changé de place pour construire de nouvelles latrines, avant d’aménager des toilettes dans sa maison. Les Bernard ne comptent pas uniquement sur la distribution d’eau pour leurs besoins domestiques. Le chef de famille a conçu un système de captage d’eau de pluie, et les rares fois où il pleut dans la région, l’eau qui tombe sur le toit de la maison passe par une gouttière qui alimente une baignoire, détournée de sa fonction première.

Les toilettes en béton qui n’ont rien à voir avec des
latrines insalubres

L’eau de mer pour évacuer les toilettes

Mais les Bernard ne sont pas peu fiers et heureux de leurs nouvelles toilettes, en béton ! François Bernard a même commencé la construction d’une salle de bains. “Biento nou pou batiz li”, lance le pêcheur sous le regard amusé de sa femme et de sa fi lle, car, avant de les utiliser, il lui faut cette fois-ci trouver un moyen de faire parvenir l’eau au réservoir des toilettes. Guylaine Perle, vendeuse, une des bénéficiaires du projet de l’association de Indrawtee Beeharry et qui vit un peu plus loin, a de son côté déjà pensé à un système qui alimentera directement le réservoir de ses nouvelles toilettes en eau. Il y a quelque temps encore, elle avait reproduit les latrines de François Bernard. Sous sa casquette militaire, la pimpante quadragénaire, grand-mère de cinq petits-enfants, nous explique, non sans rire, comment son fils a découvert une astuce pour fermer la porte de ses toilettes de l’intérieur.

En effet, la porte ne peut être fermée de l’intérieur, ce qui est un peu ennuyeux pour les utilisateurs. D’autant que Guylaine Perle compte bien profi ter de certains moments pour “tiek in pe Facebook”. Et de raconter en nous montrant un métal en forme de “n” : “Mo garson inn al lor You Tube, li’nn gete kouma fer sa! Kan ou andan ou blok la port-la la-o, ant de fant”.

Les toilettes décentes, en face de sa ravissante maison en tôle bien entretenue, ont apporté un brin de confort dans la vie de Guylaine Perle et les siens. Si elle les utilise déjà, en revanche, lorsque le quartier n’est pas approvisionné en eau, Guylaine Perle confie qu’elle n’a d’autre choix que “al pran delo depi lamer pou zet dan twalet”. C’est aussi avec l’eau de mer qu’elle nettoie le sol de sa maison. “Mo sarie delo lamer lor mo latet”, explique-t-elle.

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