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La révolte des « gilets jaunes » pour leur pouvoir d’achat, une colère bien française

Attisée par la hausse du prix du carburant, la colère des « gilets jaunes » s’est rapidement propagée en ras-le-bol fiscal et en défense d’un pouvoir d’achat malmené, un mouvement hétéroclite et apolitique qui s’inscrit dans la longue tradition française de contestation de l’impôt.

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« Ils nous prennent tout », s’indigne Dominique, porteur de « gilet jaune » quinquagénaire qui vit avec 500 euros par mois, sur un barrage à Martigues dans le sud-est de la France.

500 kilomètres plus au nord, à Dole dans le Jura, Carole proteste elle aussi contre « toutes les taxes ». « ça devient excessif et invivable », peste cette salariée de 45 ans.

Essence trop chère, impôts trop élevés, pensions de retraites trop basses : les revendications de ce mouvement qui rassemble des Français de tous bords politiques et de divers milieux sociaux convergent vers un même constat, la perte de pouvoir d’achat.

Un sentiment confirmé par une étude de l’observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), selon laquelle le revenu annuel disponible des ménages français a reculé de 440 euros entre 2008 et 2016.

« Le problème c’est qu’avant la crise on avait une augmentation qui était tendancielle et là il y a une rupture depuis 2008. Le niveau de vie moyen par ménage n’a pas retrouvé son niveau d’avant crise », explique à l’AFP Mathieu Plane, économiste à l’OFCE.

La situation devrait progressivement s’améliorer, estime Emmanuel Jessua, directeur des études de l’institut Rexecode. « Sur l’année 2018 on considère qu’il y aura une amélioration globale du pouvoir d’achat de l’ensemble des ménages, de l’ordre de 1,3% ».

Mais cette embellie ne profitera pas aux plus modestes, qui devraient même voir leur revenu disponible diminuer légèrement, en 2018 et 2019, selon une étude de l’Institut des politiques publiques.

« Il y a des hausses de fiscalité comme sur l’essence, le tabac qui sont intervenues dès le 1er janvier 2018. Et en parallèle, les baisses des cotisations salariales ou la première tranche de la suppression de la taxe d’habitation interviennent seulement en fin d’année », explique M. Jessua.

« Malaise sociétal »

Ce sentiment de colère est aussi attisé par l’affaiblissement de certains services publics, particulièrement en zone rurale.

« Le consentement à l’impôt est fondé sur la redistribution. Il baisse quand les services publics s’éloignent, que les filets de sécurité deviennent moins nombreux et que les écarts de richesse augmentent », pointe le politologue Jean-Yves Camus.

Emmanuel Macron assure « entendre la colère » mais réaffirme que sa politique « transformation en profondeur » du pays prendra « le temps du quinquennat » pour porter ses fruits.

Sans leader politique ou syndical, le mouvement des « gilets jaunes », qui a réussi à rassembler plus de 270.000 personnes samedi dernier, ouvre donc un nouveau chapitre de la longue histoire française de fronde contre les impôts.

Il rappelle même sous certains aspects la Grande Jacquerie, vaste révolte paysanne pour dénoncer les hausses d’impôts en 1358.

« Il y a une volonté de contourner les formes d’expressions classiques de la vie politique pour s’exprimer. Cette nouvelle horizontalité s’inscrit dans cette tradition de révolte spontanée qui remonte au Moyen-Age », estime Jean Garrigues, historien et enseignant à Sciences Po.

« Les jacqueries étaient le révélateur d’un système socio-économique qui n’était plus supportable. Et là les gilets jaunes sont l’expression d’un malaise sociétal, ce qui rend le phénomène très difficile à résoudre », poursuit-il.

Moins nombreux cette semaine, les « gilets jaunes » peuvent néanmoins compter sur une frange déterminée à poursuivre les multiples blocages, de routes ou de dépôts pétroliers.

Peuvent-ils rêver d’un avenir politique comme le mouvement antisystème 5 Etoiles (M5S) en Italie, lancé après une journée de colère et aujourd’hui au pouvoir ?

« Aujourd’hui on n’a pas un personnage comme Beppe Grillo (le fondateur du M5S, ndlr) capable de rassembler. Il n’y a pas de personnalité suffisamment reconnue pour fédérer ce mouvement et le représenter auprès des pouvoir publics », souligne Guy Groux, du Centre de recherches Cevipof. « Le mouvement est totalement diversifié au niveau des attentes, des aspirations et même des identités politiques », ajoute t-il.

Samedi, un nouveau rassemblement des « gilets jaunes » est prévu pour bloquer Paris. La mobilisation devrait donner une première réponse sur le futur des « gilets jaunes » et leur capacité à faire reculer l’exécutif.

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