« Tom Kamaleon » de Jason Lingaya : Un récit d’aventures résolument mauricien !

Un livre d’aventures rempli d’émotions, de mauricianismes, de magie pure. « Tom Kamaleon », de Jason Lingaya et illustré par Terence Kelly, est un vrai petit bijou de la littérature mauricienne. Entre Tom, le petit de Poste-Lafayette, Huck, son brave ami, et Jo, le longaniste, le lecteur se retrouve plongé dans un imaginaire commun composé de « move-zer », de trésors cachés abandonnés par des pirates, de pêches aux anguilles géantes, bref d’histoires que nous racontent nos « gran dimounn » pour nourrir des petits cerveaux en ébullition.

« Ey man, fran-fran tou, pa sinp », lit-on dès les premières pages. Le ton est donné. Léger, dans l’air du temps et résolument mauricien, dans un langage simple, un registre courant et familier, l’auteur Jason Lingaya parvient à conter l’histoire de ce petit Tom, qui n’a connu ni de père ni de mère et qui vit avec sa tante Polly, son ami Huck et ses amis pêcheurs dans le petit village de Poste-Lafayette. Non, « Tom Kamaleon » n’est absolument pas la traduction du roman de Mark Twain « Tom Sawyer », mais bel et bien une adaptation, voire une « refonte » de ce roman en version purement mauricienne. Le traiter comme une traduction ne ferait que réduire le talent de conteur de l’auteur à un simple copier-coller de quelque chose qui a été déjà raconté. Non, « Tom Kamaleon », c’est une histoire à part entière.

Ainsi, de page en page, le lecteur parvient aisément à se glisser dans l’histoire, dans l’univers des personnages du livre qui gravitent autour de cette même mer, de cette figure maternelle qu’incarne brièvement la tante Polly, mais qui semble être représentée par l’eau dans ce roman, l’eau qui finira par faire le bonheur des deux petits jeunes. « Lot kote sime ti ena lamer. Lorizon. Linfini. Avec biensir so vag bleu, so disab fin ek enn soley sa mo fer, ki ti leve sak matin lor resif douma enn benediksion… lamer. Mama lamer ti fale dir ! »

Outre les expressions typiquement mauriciennes, les mauricianismes, les sirandannes — savamment choisies par l’auteur qui contextualise ainsi le roman, le rapprochant davantage au lecteur, grand ou petit —, « Tom Kamaleon » invite aussi à la rêverie ou plutôt à la flânerie. En effet, le lecteur est amené à flâner dans ce petit village réimaginé, avec les deux amis allés pêcher des « anguilles » avec « so trwa dipin sosis » ek so « boutey zi tamarin ». Le livre se réfère ainsi à un imaginaire commun, celui des longanistes, des « move-zer », des prières pour se protéger des mauvais esprits, mais aussi des histoires d’anguilles géantes et de… trésor caché.

Par ailleurs, « Tom Kamaleon » traite de thématiques sérieuses avec une pointe d’humour, histoire de le rendre accessible aux tout-petits. L’on y parle de la sauvegarde des écosystèmes marins, de l’éducation, de la discipline, de l’entraide, de l’amitié, mais aussi de la mort. Ainsi, nous apprenons très tôt, dès les premiers chapitres, la triste histoire de Huck : « ‘Brav’ ki savedir ‘brav’kan ou ena selman witan, ki ou papa enn laraker dernie grad ek ki lamor pe menas pou pran ou mama ale ? kan sa zour-la ti arive, Huck ti aprann sa nouvel-la lekol par so profeser. San retourn lakaz, li ti pan enn bis li ti al direk lopital di-Nord. Laba, li ti rewzenn ar sa mem dokter-la […] Kan Huck ti trouv lekor so mama, sa ti enn gran sok pou li. Li pa ti resi pore. »

Entre rires, larmes et torpeur, « Tom Kamaleon » est une vraie petite découverte, un régal pour les yeux également grâce aux illustrations de Terence Kelly. Si nous nous gardons de vous raconter la fin de l’histoire, nous déplorons néanmoins que l’histoire se termine trop vite, trop tôt. Même s’il est clair que l’auteur a souhaité nous laisser deviner la suite, l’on ne peut s’empêcher de ressentir un vide à la dernière page. C’est dire que l’on s’attache vite aux personnages de « Tom Kamaleon ». Vivement la suite…

Pour info, le livre est disponible en librairie depuis décembre dernier. Entièrement en kreol mauricien et d’une centaine de pages, il ravira les tout-petits comme les plus grands. Au prix de Rs 150, il est en vente à Rose-Hill, à la librairie Flamboyant, au Cygne et à la librairie des Mascareignes ; à Quatre-bornes au Carrefour La Louise, au Flamboyant et au Book Centre de Quatre-Bornes et à Curepipe, au Trèfle, au BM Book Centre, mais aussi aux Editions Le Printemps de Vacoas et aux Editions de l’océan Indien à Barkly et dans d’autres succursales.

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