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Grâce présidentielle : zones d’ombre…

Trois pardons accordés par le président de la République sur recommandation de la Commission de Pourvoi en Grâce, suscitent, encore et toujours, leur lot d’interrogations et de commentaires.

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Il s’agit, dans l’ordre chronologique, de Christopher Perrine, libéré en mai 2018. À peine cinq mois après avoir retrouvé la liberté, il succombe à ses vieux démons et s’en prend à la fille de l’adjointe au Commissaire des Prisons, Gunneeta Aubeeluck. Le drame se déroule en octobre 2018, quand la jeune victime avait été séquestrée et bâillonnée. Perrine avait bénéficié de la grâce présidentielle alors qu’Ameenah Gurib-Fakim était chef de l’État. Il avait été condamné à 18 ans de prison pour viol. L’affaire remonte à 2009. Sa demande auprès de la Commission de Pourvoi en Grâce, faite en mai 2017, bénéficiait d’un dossier solidement ficelé et soutenu par quelques personnalités, et non des moindres.

Vient ensuite Ravindranath Bappoo. L’homme est condamné à 40 ans de prison pour le meurtre atroce de sa femme, Sandhya, en 2004. Il s’agissait d’une énième agression et, cette fois, il s’était muni d’un sabre pour la frapper. Résultat : son épouse passe plusieurs jours dans le coma et n’en reviendra jamais. Les images du visage tuméfié et boursouflé de la défunte, âgée d’une trentaine d’années et connue pour être une femme battue dans son entourage, et qui espérait quand même, par amour, on le devine, que son mari changerait un beau jour, hanteront longtemps encore nos mémoires. Ravindranath Bappoo sera un homme libre d’ici 2022 ou 2024. Ainsi en a décidé la Commission de Pourvoi en Grâce en décembre dernier et la requête a été avalisée par le président de la République par intérim.
Le dernier à avoir bénéficié de la grâce présidentielle, cette semaine, est un ingénieur de 27 ans. Fils d’un médecin de Quatre-Bornes, il avait été trouvé coupable d’importation de drogue synthétique en mars 2018. Sa requête pour retrouver la liberté a été agréée par la Commission, ainsi que par Barlen Vyapoory. Le dossier de demande pour être gracié a été présenté devant la Commission début janvier dernier.

La décision de gracier, ou pas, un détenu, relève, à notre sens, d’une très lourde responsabilité, et d’une décision porteuse d’une foule d’implications. Ainsi, certains diront que Ravindranath Bappoo a fait preuve de bonne conduite depuis qu’il s’est retrouvé en prison et qu’il mérite une seconde chance. Évidemment que chaque personne mérite une deuxième chance. Les parents de Sandhya Bappoo partagent-ils, pour leur part, cet avis ? Ont-ils pardonné au bourreau de leur fille ? L’on peut certes faire preuve d’une immense grandeur et noblesse d’âme dans diverses situations, mais quand on est parent et qu’on enterre son propre enfant, qui n’est pas décédé de causes naturelles, cela représente un traumatisme à vie. Et qu’en pensent les défenseurs des femmes battues ?
Dans le cas de l’ingénieur gracié, également, on entend des commentaires du genre « il ne s’agissait que d’une petite quantité de drogue synthétique », soit 12 g, d’une valeur estimée à environ Rs 19 000, selon les autorités. Cet argument tient-il vraiment la route ? D’autant qu’on sait que, lors de ses comparutions en cour, cet homme a admis qu’il n’en était pas à sa première fois en matière d’importation de drogue synthétique. Qui sait s’il n’en a pas importé des quantités plus conséquentes précédemment ? Et qui sait s’il n’aurait pas continué de le faire, s’il n’était pas tombé dans les mailles des filets de l’ADSU ? Au final, « petite » ou grande quantité, le délit demeure bel et bien là : il s’agit d’importation de drogue.

Pravind Jugnauth se targue, à chaque occasion possible, de rappeler que « son » gouvernement est attelé à démanteler la mafia de la drogue et que rien ne l’arrêtera. Est-ce que gracier un importateur de drogue synthétique est un bon signal ? Loin de nous l’idée, et encore moins, l’envie de juger qui que ce soit. Qu’il s’agisse de Christophe Perrine, Ravindranath Bappoo ou de l’ingénieur gracié, ou de tout autre détenu, ils ont chacun leur conscience pour les rappeler ce qu’ils ont fait.
Les zones d’ombre, qui persistent au sujet du pardon accordé à certains détenus, sont matière à réflexions. Ne serait-il pas temps de revoir certains aspects du processus actuellement en vigueur ? Dans un réel souci de démocratie et de transparence et surtout de justice envers les victimes…

Husna RAMJANALLY

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