Les lumières déclinent dans la salle de cinéma et l’hymne national indien retentit avant que l’audience ne s’asseye pour « Uri », un film d’action nationaliste de Bollywood qui prend une nouvelle actualité avec la confrontation entre l’Inde et le Pakistan.
Sorti au début de l’année, « Uri: The Surgical Strike » connaissait un grand succès dans les salles obscures indiennes avant même que New Delhi ne procède cette semaine à une « frappe préventive » contre un camp islamiste au Pakistan, selon ses termes, geste qui a provoqué une poussée de fièvre entre les deux frères ennemis d’Asie du Sud.
Depuis mardi, les Indiens retournent en nombre voir ce long-métrage qui dramatise des raids commandos indiens en 2016 au Cachemire pakistanais en représailles à l’attaque d’une base militaire indienne d’Uri, dans le nord de la vallée du Cachemire, où 19 soldats avaient péri.
Ces « frappes chirurgicales » sont un élément-clé de la communication politique du gouvernement nationaliste hindou de Narendra Modi, qui cultive une image de fermeté face au Pakistan. Les deux puissances nucléaires se disputent depuis des décennies la région poudrière du Cachemire, où New Delhi fait face à une insurrection séparatiste qu’elle accuse son voisin de soutenir.
Mercredi, tandis qu’Inde et Pakistan affirmaient chacun avoir abattu des avions de l’autre camp au-dessus de la ligne de cessez-le-feu au Cachemire, l’étudiant en économie Shailaja Kumar est retourné avec émotion voir « Uri » pour la seconde fois.
« Je ne pouvais pas arrêter de pleurer pendant le film tout en suivant les informations sur les attaques au même moment », confie-t-il à l’AFP dans un cinéma du quartier chic de Chanakyapuri à New Delhi.
« Avec tout ce qu’il se passe dans le pays en ce moment, ce film a eu un gros impact et clairement je le verrai à nouveau. »
– ‘How’s the josh?’ –
La réplique culte des soldats du film, « How’s the josh? », qui pourrait se traduire par « Comment est votre ferveur? », s’est répandue comme une traînée de poudre dans l’espace public indien. Des ministres du gouvernement l’utilisent comme harangue en meeting, nombre d’internautes la brandissent sur les réseaux sociaux.
Le timing de sortie de ce film en hindi, le premier comme réalisateur du chanteur de 35 ans Aditya Dhar, aurait difficilement pu être plus favorable pour ses producteurs.
Au vu de l’actualité de tensions entre l’Inde et le Pakistan, « le film va clairement connaître un nouveau regain d’intérêt et continuer à dominer les cinémas et probablement rapporter davantage d’argent », estime l’analyste du cinéma Akshaye Rathi.
« Nombre de spectateurs sont en colère et ce film, avec sa représentation plus grande que nature des frappes chirurgicales, est un moyen pour beaucoup de célébrer la vaillance et le courage de l’armée », explique-t-il.
En voyant ce film, « je pouvais sentir la ferveur » (« I could feel the josh »), dit Vinod Jain, un banquier à la retraite venu avec sa famille voir le film qui a engrangé 50 millions de dollars en moins de huit semaines et, selon lui, « mérite d’être exempté de la taxe sur les produits de divertissement ».
Les détracteurs fustigent le nationalisme qui se manifeste à tout bout de champ dans ce long-métrage de 2h20 chargé de scènes d’action et de combats, qui contient des dialogues comme « Il est temps de se venger, œil pour œil » ou « C’est une nouvelle Inde: nous allons entrer dans votre maison et vous tuer ».
Mais son réalisateur est impénitent. « Les Indiens sont très en colère (…) Je pense que +Uri+ reflète cette colère », a-t-il confié au site Bollywood Hungama.
« Les Indiens ont trouvé une voix de protestation dans ce film qui n’hésite pas à nommer le Pakistan comme ennemi. »
AFP