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Le harcèlement scolaire ou l’innocence sacrifiée

DR SANDRA RAMLOLL-MUNGAROO

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Ces dernières semaines, l’Ile Maurice, dans son ensemble, a été interpellée par de graves faits de violences en milieu scolaire, qui révèlent indéniablement un malaise profond de notre société. Lorsque cette violence verbale, physique et psychologique est répétée, on parle de harcèlement. Ce comportement haineux est le reflet du côté obscur de la nature humaine, qui refuse toute forme de différence et prend plaisir à dénigrer, humilier, blesser et traumatiser ceux considérés comme plus faibles, souvent en stigmatisant certaines caractéristiques spécifiques. Le harcèlement, qu’il soit en milieu scolaire, professionnel, familial, à caractères raciste, sexuel ou autres a des conséquences dramatiques en fonction de son intensité, de sa durée et de la vulnérabilité de la victime : blessures physiques et psychologiques, sentiments de honte et d’humiliation, stress, perte de confiance et d’estime en soi, dépression, troubles psychosomatiques, choc post-traumatique, suicide…

Les faits de harcèlement se produisent souvent à l’abri du regard des autres et sont ainsi difficiles à prouver. Un harcèlement qui perdure est souvent la somme d’un comportement nocif d’une ou de plusieurs personnes et de l’environnement qui protège, banalise, accepte ou défend les actes d’agression. En effet, ce phénomène de société extrêmement répandu est souvent soumis à une forme d’omerta, et il est très mal vu d’en parler. La parole de la victime est mise en doute et moquée. S’instaure alors un système de justice perverti où la victime qui ose se plaindre devient l’accusé, son caractère passé au crible, son intégrité questionnée par ses proches ou par l’institution dans laquelle elle se trouve, avec des effets catastrophiques sur sa santé mentale et physique. De nos jours, cette attitude est heureusement décriée grâce aux mouvements #metoo, #balancetonporc, les démarches entamées par le Vatican pour mettre fin aux abus au sein de l’église catholique, etc. Les victimes ont désormais moins peur de parler…

Les violences en milieu scolaire prennent en ce moment l’allure d’un cancer qui ronge la société et anéantit et détruit nos jeunes, particulièrement avec l’utilisation constante des réseaux sociaux qui peuvent être un vecteur puissant de destruction de l’autre. Ce phénomène d’envergure mondiale prend des allures d’épidémie. Une étude du UNESCO Institute for Statistics (UIS) a révélé qu’environ un tiers des jeunes ont été victimes de harcèlement dans le monde entier en 2018(1). 

Une des personnes luttant pour briser le tabou concernant ce problème est Brigitte Macron, première dame de France. De nombreuses structures d’aide aux victimes ont été mises en place dans ce pays, un numéro vert d’appel d’urgence a été instauré et une Journée nationale de mobilisation contre le harcèlement a lieu chaque année en novembre. Le premier acteur dans l’élimination de ce fléau est la cellule familiale qui doit absolument être renforcée et redevenir une unité de transmission des valeurs humaines. L’école a évidemment aussi un rôle clé dans la prévention et la lutte contre ce mal. Selon des études menées aux États-Unis, une large proportion des victimes de harcèlement scolaire n’en parlent à personne et un grand nombre de jeunes ne se sentent pas épaulés par le système scolaire lorsqu’ils sont exposés à des violences(2). Beaucoup d’élèves, lorsqu’ils ont le courage d’en parler, ne sont pas écoutés, épaulés et pris en charge par les institutions. L’école perd ainsi son caractère protecteur, formateur et son rôle de transmission des valeurs humaines et du respect de l’environnement et des autres est mis à mal. Les élèves victimes sont souvent appelés à changer de classe, d’établissement ou sont déscolarisés, ce qui remet en question leur droit fondamental à l’éducation. Ces faits sont particulièrement horrifiants lorsque le harcèlement touche de jeunes enfants sans défense, qui sont à l’abandon dans un système hostile, et perdent ainsi l’innocence qui devrait être la leur. Pour se défendre, les victimes doivent souvent avoir recours aux mêmes armes que leurs agresseurs, entraînant un cycle de violence sans fin…

Le harcelé devient alors le harceleur et aux États-Unis, la plupart des tueries de masse en milieu scolaire semblent être liées à une vengeance suite à des faits de harcèlement subis par le tueur(3). La réponse est évidemment la mise en place de protocoles de prise en charge rapide des victimes dès les premiers faits de violences avérés et une tolérance nulle de ces actes. Le personnel scolaire doit faire l’objet de formations spécifiques et une structure d’aide mise en place. Le harceleur doit également faire l’objet d’une prise en charge sérieuse adaptée à ses problèmes relationnels, psychologiques ou psychiatriques, dans un environnement où il ne peut plus nuire aux autres. Les études montrent que si tel n’est pas le cas, ces individus risquent d’avoir un casier judiciaire très jeune et sont plus susceptibles de consommer de l’alcool et de la drogue que ceux ayant un comportement sain(4).

À Maurice, la prise en charge de ce problème se fait avec beaucoup plus de fermeté et de vigueur qu’avant. Dans beaucoup d’établissements de l’île, ce fléau entraîne une réponse ferme et rapide de la direction, mais malheureusement ce n’est pas le cas de toutes les écoles… La mise en place d’un « discipline master » est une excellente idée et devrait aider à protéger nos enfants. Un protocole d’aide aux victimes devrait être formalisé et mis en œuvre dans toutes les institutions publiques ou privées, du pré-primaire au tertiaire et faire l’objet d’inspections régulières. Les parents en général et les autres élèves sont également clés dans la lutte contre ce mal, dont on doit parler et qui doit absolument être dénoncé. Ensemble, brisons la loi du silence et agissons pour mettre un terme à ce fléau qui mine notre jeunesse et ronge notre société…

1) http://uis.unesco.org/en/news/new-sdg-4-data-bullying
2) https://www.dosomething.org/us/facts/11-facts-about-bullying
3) https://www.educationcorner.com/bullying-facts-statistics-and-prevention.html
4) https://antibullyingsoftware.com/school-bullying-statistics/

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