PIERRE DINAN
Dans le contexte mauricien, le 25 février 2019 rappelle désormais, non seulement deux événements majeurs à l’échelle de la République, mais aussi une maladresse de comportement de la MBC à résonance nationale.
En effet, le magistral appui de la Haute Cour Internationale de La Haye à la demande de décolonisation des Chagos et l’acquittement du Premier ministre, par une autre Haute Cour, celle des cinq Law Lords siégeant à Londres, ces deux événements, donc, ont dû partager l’actualité avec une sérieuse maladresse de la MBC. L’objectif du présent article est de montrer qu’une telle maladresse aurait pu être évitée si des principes de comportement avaient été observés.
Commençons par le dénouement de l’affaire, celle où le représentant de l’Evêché est invité à se rendre dans les studios de la MBC pour apparaître sur le petit écran, encadré du président et du directeur général afin que ces derniers puissent lui présenter les excuses de leur institution. La « victime » aura donc eu à se déplacer jusqu’au lieu de travail du « fautif » pour que celui-ci lui présente des excuses. C’est comme si la MBC ne disposait pas d’un cameraman pour accompagner ses deux dirigeants à l’Evêché et filmer leurs paroles d’excuse ! Il est vrai que l’un de ces cameramen venait d’être trucidé, pardon : « lapidé » et « crucifié».
Premier principe de comportement à retenir : si vous avez à présenter des excuses à quelqu’un, vous allez chez lui, sauf circonstances atténuantes. Était-ce le cas ?
Dans le cas présent, il y a une autre considération qui mérite attention. Elle est d’ordre institutionnel. En effet, la «victime» est une institution fondée en 1847 avec la nomination du premier Evêque de Port-Louis, Mgr. Bernard Collier et, si sa mission première est de fournir aux catholiques l’ensemble des services pastoraux, elle ne se limite guère à cela. Son rôle dans l’éducation primaire et secondaire, ses prises de position pour défendre les valeurs fondamentales, son travail auprès des démunis et des orphelins, voilà bien des exemples d’une attitude de service à la nation tout entière durant bientôt 175 ans.
Face à la victime, le « fautif », la Mauritius Broadcasting Corporation, fondée par un Acte du Parlement en 1964, c’était donc il y a 55 ans.
Elle est responsable de nous offrir des programmes radio et télé, et elle est soumise à des critères d’impartialité, par rapport notamment à l’information, à l’éducation, à la culture et aux divertissements. Sans vouloir minimiser le rôle et l’importance de la MBC au plan national, – au contraire, elle est tellement courtisée que chaque gouvernement viole son impartialité -, on se rend bien compte que l’institution séculaire qu’est l’Evêché méritait un respect autre que celui d’être obligé d’envoyer son représentant dans les studios de la MBC pour le show des excuses.
Deuxième principe à retenir : être toujours conscient de son importance relative, il y a toujours plus grand que soi, éviter de prendre les gens de haut !
Allusion vient d’être faite à l’impartialité imposée à la MBC, prescription hélas violée fréquemment. Qu’à cela ne tienne ! Lorsque la MBC recrute du personnel apte à produire des programmes pour passage à l’antenne, il y a lieu de penser que le responsable du recrutement attire l’attention des candidats à l’exigence d’impartialité dans leur travail. Cet avertissement est d’autant plus grand, lorsque le candidat choisi est connu publiquement pour ses affinités avec un parti politique. Au regard de ce qui s’est passé, il y a lieu de penser que tel ne fut pas le cas, sauf désobéissance de futur lapidé ! En tout cas, il est le seul à porter tout le poids de la faute.
Troisième principe à retenir : toujours exiger du personnel que, dans l’exercice de ses fonctions, il se garde de réflexes partisans, que ceux-ci soient politiques, religieux, ou même d’un autre ordre quand de vifs désaccords existent entre différents groupes de personnes.
Le cameraman fautif a subi, publiquement, les foudres de son supérieur. Certes, il méritait un reproche, mais la violence verbale à laquelle il a été soumis est dégradante. On imagine mal le directeur d’une autre institution du pays ou d’une compagnie privée venant publiquement assommer un de ses subalternes avec des qualificatifs relevant de pratiques aujourd’hui disparues des pays dits civilisés. Le choix des qualificatifs était d’autant plus inopportun qu’il se référait à des pratiques de lapidation condamnées par le Christ et de crucifixion dont il a été une victime.
Quatrième principe à retenir : choisir les mots que l’on emploie, éviter la violence par les mots, et penser à son interlocuteur, ne pas le mettre dans une situation embarrassante. On ne parle pas de corde dans la maison d’un pendu !
Une remarque pour terminer. Durant les fêtes qui marquèrent l’octroi de l’indépendance en 1968, l’Eglise catholique invita les autorités du pays à participer, à la Cathédrale Saint-Louis, à un Te Deum. Celle-ci est une cérémonie religieuse pour rendre grâce suite à un événement majeur. L’Eglise a-t-elle « fait de la politique » à ce moment-là ? C’était pour célébrer un événement national, concernant le pays tout entier. Durant la campagne électorale de 1967, l’Eglise avait gardé la neutralité par rapport aux partisans de l’indépendance et de l’association, parce que cela l’aurait entraînée sur le terrain de la politique partisane.
Une fois la joute terminée et l’indépendance acquise, elle pouvait dès lors organiser une cérémonie pour rendre grâce au niveau national, et non partisan.
La faute qui a été commise le 25 février dernier a été celle d’associer un lieu religieux à un heureux événement, concernant un homme politique, et non la nation tout entière. Leçon à retenir par les cameramen et autres employés de la MBC durant les mois chauds qui arrivent au plan électoral.