« Nous allons établir prochainement un registre sur les étrangers travaillant à Maurice »
C’est sans annonce préalable ni décision du Conseil des ministres que le gouvernement et le ministère de l’Emploi ont modifié la Non Citizens (Employment Restriction) Act qui date 1970. La nouvelle régulation, approuvée le 8 mars et gazetted le 21 mars derniers, exige désormais que les employeurs demandent un permis pour les époux étrangers de nationaux mauriciens pour qu’ils puissent travailler à Maurice. Dans le monde du travail, les étrangers mariés à des Mauriciens sont désormais traités comme n’importe quel travailleur étranger. Dans sa précipitation de mettre en place cette nouvelle régulation — ce qui pousse à penser que les courses hippiques étaient aussi dans la visée de certains potentats de l’Etat — le ministère de l’Emploi a omis un pan important et logique de cette loi, un moratoire, le temps de faire les démarches nécessaires.
La GRA, toujours prompte lorsqu’il a un agenda caché, avait immédiatement demandé au MTC d’interdire trois jockeys de monter. Cette modification de la loi avait aussi créé un vent de panique dans bon nombre d’entreprises employant des étrangers mariés à des Mauriciens et à ces résidents eux-mêmes. Finalement, c’est sous pression de lobbies du monde hippique et ailleurs qu’un moratoire de trois mois a finalement été obtenu quoique le ministre de tutelle affirme qu’il faisait déjà le nécessaire.
Week-End est allé à la rencontre du ministre de l’Emploi, Soodesh Callychurn, qui a pu trouver un créneau dans son calendrier chargé pour qu’il nous explique les raisons derrière ce changement. Il en ressort que le gouvernement ne sait pas quel nombre de personnes est concerné par ces nouvelles mesures. Le mariage blanc, les étudiants étrangers et les jockeys, sont les nerfs de la guerre de ce changement de législation Désormais tous ceux-là ont trois mois pour se mettre en règle.
Sous les amendements apportés à la Non Citizens Act, les expatriés mariés à des citoyens mauriciens, mais n’ayant pas la nationalité doivent désormais se prémunir d’un permis de travail pour pouvoir opérer à Maurice. Pourquoi et quel est le but derrière ces amendements qui viennent changer une loi datant de 1970 ?
Pour comprendre le tout, il faut remonter à l’Employment Non Citizen Restriction Exemption Regulation de 1970 selon laquelle une exemption est donnée à une certaine catégorie de personnes pouvant être employées sous cette régulation. Cela concerne notamment les étudiants étrangers, les Head of Mission, les Consulate Officers Les personnes mariées à des citoyens mauriciens bénéficiaient aussi de cette exemption. Mais nous avons récemment apporté des amendements à cette réglementation suivant un constat que de nombreux étudiants étrangers qui venaient à Maurice pour des études se servaient de cette loi pour finalement prendre de l’emploi ici à temps plein. Nous avons également des agents recruteurs qui allaient chercher des jeunes, notamment en Inde, en leur faisant croire qu’en s’enregistrant dans un simple cours à Maurice, ils auraient le droit de travailler à temps complet. Le but est de contrecarrer ces abus. Désormais, les étudiants étrangers ne peuvent travailler que 20 heures à temps partiel par semaine. Il y a également de nombreuses plaintes émanant du PMO et du PIO, concernant les mariages blancs de Bangladais notamment, qui contractent des mariages religieux pas reconnus sous la Civil Status Act, et qui par la suite obtiennent un resident permit et qui travaillent dès lors à Maurice, alors qu’entre-temps, ils se sont séparés de leur partenaire mauricien. Certains font des affaires et deviennent à leur tour des agents recruteurs. Nous n’avions aucun contrôle sur ce genre d’abus. C’est pour mettre de l’ordre dans cette situation que nous voulons savoir combien de travailleurs étrangers il y a à Maurice. D’ailleurs, il y aura bientôt ce qu’on appelle des Foreign Workers Cards qui nous permettront de connaître le statut de chaque travailleur étranger et dans quel secteur il est opérationnel. Il faut savoir qu’il existe différents types de permis, à l’instar du Occupational Permit ou du Investors Permit, octroyés par le BOI et qui nous permettent de savoir où travaillent certains étrangers. Mais en ce qui concerne les étrangers mariés à des Mauriciens, nous n’avons aucune donnée sur le secteur d’activités où ils travaillent. C’est aussi pourquoi nous allons établir prochainement un registre sur les étrangers travaillant à Maurice pour connaître leur statut et leur emploi. Nous travaillons sur ce projet depuis début 2018.
Combien de personnes sont touchées par la nouvelle réglementation ? Dans quels secteurs en particulier ?
Il est difficile d’établir le chiffre exact à ce jour. C’est un travail que nous allons effectuer avec le PIO. Il faut dire que nous n’avons pas encore reçu de demande de permis de cette catégorie d’employés, même si la nouvelle loi est en vigueur depuis le 8 mars. Nous avons aussi accordé une transitional period de trois mois. Il faut attendre. S’agissant des secteurs concernés, c’est très varié. Cela concerne les finances, l’export, le textile, l’hôtellerie, l’hippisme Même les self-employed sont concernés, car, en outre, pour travailler, ils ont besoin d’un Investors Permit.
Quels sont les critères pour y être éligibles ?
Les critères sont les mêmes que pour tout autre employé étranger. Et ce sont les employeurs qui devront s’en assurer. Il faut, par exemple, un certificat médical et un certificat de bonne conduite, entre autres. Tous ceux qui viennent travailler sur le sol mauricien doivent disposer d’un irréprochable certificat de bonne conduite. Si la personne qui fait la demande pour un permis de travail a un history d’offences, genre fraude, etc , et qu’il demande à travailler dans une entreprise mauricienne en tant que comptable ou caissier, comment lui octroyer un permis ? Mais si cette personne fait une demande pour un autre secteur, par exemple, en tant que machiniste, pourquoi pas ? C’est à l’employeur de s’assurer que son employé doit pouvoir répondre aux critères requis. Il faut aussi comprendre que normalement, quand un étranger se marie avec un Mauricien, il obtient un permis de séjour. Ce n’est pas automatique qu’il devienne citoyen mauricien. Il doit, après un certain temps, faire une demande auprès des autorités pour cela et il y a plusieurs critères pris en considération avant de donner la nationalité à ces personnes. Dans les mariages qui ne sont pas reconnus par l’Etat, ces étrangers qui se marient à des Mauriciens religieusement à Maurice ou dans leur pays restent sur le territoire et lorsqu’ils divorcent, sous le terme religieux, ils demeurent à Maurice et nous, l’Etat, nous n’en savons rien. C’est ainsi que plusieurs personnes restent au pays, et après, lorsqu’ils demandent la nationalité, ils ont des difficultés. Par contre, selon la Civil Status Act, lorsqu’un étranger marié à un Mauricien passe par les procédures légales de divorce, s’il a un Residence Permit, les autorités peuvent retirer ce statut. Mais là encore, il y a des critères pour suspendre ce permis.
Quel est le coût de ce permis de travail ?
Cela ne coûtera rien à la personne. C’est à son employeur de faire la demande. Il y a un work permit fee dont l’employeur doit s’acquitter. Les coûts varient selon les secteurs et les salaires des employés. La somme n’est pas conséquente.
Peut-on refuser un permis de travail à un étranger marié à un Mauricien ?
Cela dépend des cas. Nous avons des critères bien établis pour l’octroi d’un permis. Par exemple, dans des secteurs où il n’y a pas de manque de main-d’oeuvre, nous n’allons pas délivrer davantage de permis, notamment à des étrangers. Il y a un comité, constitué des représentants du PMO, du PIO, et des différents secteurs de l’économie qui donne son avis.
Pourront-ils connaître les raisons derrière le refus des autorités de leur octroyer un permis de travail ?
Evidemment. Pour chaque refus, nous évoquons les raisons avec la personne concernée. Ceux qui ne sont pas satisfaits pourront faire appel.
Admettons que Maurice refuse un permis à un étranger marié à un Mauricien et que pour d’autres raisons son partenaire ne peut non plus travailler dans son pays d’origine. Cela ne pénalise-t-il pas un couple, voire une famille ?
Dans de telles situations, nous pensons que la personne qui épouse quelqu’un qui ne peut avoir un travail dans son pays doit être au courant de tout. Et les décisions sont prises en fonction par le couple. Mais, généralement, si un étranger marié à un Mauricien n’a pas de permis de travail, cette situation est temporaire dans le sens où en étant marié à un Mauricien, son statut ne reste pas éternellement rattachée à son permis. Il peut faire une application de citizenship et dès que c’est en poche, ces régulations ne sont plus applicables.
Quelle est la durée de validité du permis de travail accordé aux expatriés mariés à des Mauriciens ?
Cela dépend des secteurs. Cela peut aller jusqu’à dix ans. Et, entre-temps, la personne aura pu régulariser sa situation pour devenir Mauricienne.
Justement si, entre-temps, la personne a divorcé, quelle est la validité de son permis de travail ? Est-elle pénalisée ?
D’après l’Immigration Act, si un étranger marié à un citoyen mauricien à Maurice divorce, il perd automatiquement son statut de résident. Mais s’il remplit certaines conditions, ce permis de résidence n’est pas révoqué. Par exemple, s’il est marié, a des enfants en bas âge nés à Maurice, etc. La décision revient au PMO et PIO. Mais en fonction des cas, si la personne a aussi fait une demande de citizenship, il peut devenir Mauricien. Cette loi vient par ailleurs améliorer la situation de certaines personnes. Par exemple, si un étranger divorce, mais qu’il a son permis de travail pour cinq ans, il peut rester à Maurice sous le work permit et avec un permit de résidence.
Lorsque la loi a été modifiée, la GRA a instantanément demandé aux jockeys concernés de ne pas monter, n’est-ce pas un abus d’autorité ?
– Je ne considérerais pas cela comme un abus d’autorité. La GRA est venue mettre en pratique une policy decision. Elle a strictement mis en application ce que recommandent les provisions de cette nouvelle réglementation.
Lorsque cette regulation a été promulguée, pourquoi n’avoir pas pensé à donner un moratoire ?
L’understanding était qu’il devait y avoir une transitional period que malheureusement nous avions omise. Nous sommes venus corriger ce mal et avons donné un moratoire de trois mois à tous ceux concernés par cette réglementation, ceux qui doivent faire une application de work permit. Passé ce délai, ils vont se retrouver dans une situation irrégulière.
Pouvez-vous confirmer que ce sont les représentations du monde hippique qui ont abouti au moratoire de trois mois ?
Non. Je dois être franc, effectivement ils avaient fait des représentations, mais nous travaillions déjà sur le nouvel amendement dès que nous avions promulgué la loi et vu qu’il y avait une omission. Nous travaillions déjà sur un moratoire. Mais venir dire que c’est parce qu’il y a eu des représentations n’est pas exacte. De toute façon, si effectivement nous ne travaillions pas sur ce moratoire, du fait qu’il y a un cas en cours à ce propos, nous aurions pu laisser la cour déterminer. Nanien pas ti pou affecté nou position.
Que doivent maintenant faire ces étrangers pour obtenir leur permis de travail ?
C’est simple, ils doivent s’adresser à leurs employeurs qui devront faire une demande de permis de travail auprès du ministère. Nous avons mis sur pied un fast track desk au ministère. Tous ceux concernés par ce changement pourront s’y adresser pour que leur demande de permis soit traitée au plus vite. Nous allons émettre un communiqué officiel pour porter ces amendements à l’attention de la population et luifaire savoir qu’il y a un délai de trois mois pour se régulariser à compter du 28 mars.
Ne pensez-vous pas que cette nouvelle loi va donner à certains employeurs l’occasion de se passer des services de ces étrangers résidents ?
Cela ne change rien. L’employeur n’a pas d’énormes frais à s’acquitter pour que son employé ait un work permit. Désormais, l’étranger qui dispose d’un permis a aussi un contrat avec son employeur pour une durée déterminée et qui est renouvelable. Ainsi, si l’employé a fauté et n’a pas respecté les termes et conditions de son contrat, l’employeur peut prendre les actions qui s’imposent. Et si c’est l’employeur qui ne respecte pas le contrat, cet employé est aujourd’hui mieux protégé.