L’Union européenne (UE), l’Europe des 28, a été un processus politique évolutif long de transformations structurelles, commençant formellement en 1951 avec le Plan Schuman donnant naissance au Traité de la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier (CECA). Robert Schuman, Ministre des Affaires étrangères français et Jean Monnet, homme politique et économiste français, en furent les initiateurs. Avec eux, deux hommes seront les chevilles ouvrières de la réconciliation franco-allemande et de la construction européenne, l’un militaire en exil à Londres pendant la guerre, le Général Charles de Gaulle, devenu Président de la République Française, l’autre un civil antinazi et maire de Cologne antérieur au régime nazi, Konrad Adenauer, devenu Chancelier de la République Fédérale d’Allemagne.
La mise en commun, du charbon et de l’acier, matériaux nécessaires à l’armement, prive les signataires de cet accord consensuel des moyens de se faire la guerre. La réflexion autour de l’Idée d’Europe inspira la volonté d’une construction européenne de la paix, de l’unité et de la prospérité communes.
Pendant la Seconde Guerre Mondiale, en 1943-1944 les Mouvements de Résistance réunis à Londres cherchent un moyen, pour après le conflit, d’éliminer les guerres entre Européens. La Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg signent un Accord pour une Union Monétaire et Douanière. En 1948 à Londres toujours, se tient le Congrès des Mouvements de Résistance. Et en 1949 le Traité de Londres formalise un Conseil de l’Europe, compétent uniquement en matière douanière et monétaire, à ne pas confondre avec l’institution qui porte aujourd’hui la même appellation.
Pour comprendre le cheminement de l’Idée d’Europe, il faut remonter loin dans l’Histoire. Ce qui tantôt facilita l’unité et tantôt entraîna les ruptures, les désunions et la guerre en Europe, ce fut toujours les souverainetés nationales, les particularismes culturels, les conflits religieux entre Écoles de Pensées de la Chrétienté, le pouvoir politique des papes, les intérêts divergents des monarchies et des empires, les mariages entre familles princières. L’Europe de l’Empire Romain à l’Europe des Six et jusqu’en 1972 avant le premier élargissement, ne concerne que l’Europe de l’Ouest.
L’espace occupé par le sud et l’ouest de l’UE est le même que l’Empire Romain, le Haut-Empire (27 av. J.-C–476 apr. J.-C.), qui fut définitivement partagé en 395 entre l’Empire d’Occident, avec pour capitale Rome, et l’Empire d’Orient, capitale Constantinople. Après une longue période de déclin, Pépin le Bref le ressuscite en Empire Carolingien, qui couvre le territoire de ce qui sera l’Europe des Six en 1948. Au 15e siècle le Pape Pie II invoque l’unité nécessaire face à la menace turque. Georges de Bohème, roi hussite de Bohème, dans son Universitas, en 1464 appelle à une assemblée commune de l’Europe. Erasme, Desiderius Erasmus Roterodamus en latin, (1496–1536) l’humaniste hollandais, écrit son Plaidoyer pour la Paix entre États Chrétiens. Charles V, dit Charles Quint (1500 – 1558), Empereur du Saint Empire Romain imposa l’unification par la force. La Maison des Habsbourg régna à différentes périodes, par le jeu des mariages et des héritages, sur l’Empire Romain Germanique.
À la recherche d’une autre voie vers l’Extrême Orient, les voyages de Christophe Colomb à partir de 1492, ouvrirent de nouvelles routes maritimes. Elle permit la découverte accidentelle des Caraïbes, des Amériques, la conquête et la colonisation de territoires nouveaux. L’expansion des empires provoqua des conséquences dramatiques pour leurs populations, au-delà de l’accaparement des richesses. Les maladies introduites par les Européens contre lesquelles ces peuples n’étaient pas immunisés et le génocide pour accéder aux richesses, causa la mort de plusieurs millions de personnes et l’extinction de certains peuples, selon Bartolomé de Las Casas, prêtre dominicain et évêque du Chiapas au Mexique. Cette expansion inaugure les guerres coloniales et l’Esclavage. Pour mettre fin aux conflits entre l’Espagne et le Portugal, et ramener la paix en Europe entre peuples chrétiens, le Pape Alexandre VI, né Roderic Llançol i de Borja (1431–1503), devenu Rodrigo de Borgia à son arrivée en Italie, émit en 1493 la Bulle Inter Cætera partageant le Nouveau Monde entre ces deux métropoles, et le massacre dans ces nouveaux territoires continue.
En 1620 dans ses Mémoires le Duc de Sully appelle « … un corps politique de tous les états européens. » En 1648 les Grands États Européens négocient et signent le Traité de Westphalie mettant fin à la Guerre de Trente Ans et la Guerre de Quatre-Vingts Ans rétablissant encore une fois la paix.
Le cycle historique long de 1715 à 1789 du Siècle des Lumières en France, de l’Enlightenment anglais, de l’Aüfklarung allemand, de l’Illuminismo italien, de l’Ilustracion espagnol, etc., c’est l’ère d’une révolution de la Pensée qui façonne l’Idée d’Europe dans une nouvelle unité européenne par la Culture, par le rationalisme contre l’obscurantisme qui s’émancipe de la Religion par une nouvelle appréhension des rapports de l’Homme à Soi, à l’Autre et à l’Univers. L’Homme se reconnaît désormais des Droits et la Liberté de Penser. Cet Homme-là est Blanc et l’émancipation de la tutelle divine exclut les Autres. Louis XIV promulgue en 1685 le Code Noir, confirmé et aggravé en 1724, réglementant l’Esclavage aux Antilles, aux Mascareignes et à la Guyane en instituant le Commerce Triangulaire et la Traite Négrière. Les limites de l’humanisme des philosophes des Lumières sont gravées ici dans le marbre de l’Histoire de la Race. « Le Code Noir règle le génocide utilitariste le plus glacé de la modernité. » – in Le Code Noir ou le calvaire de Canaan, Louis Sala Molins.
Jean-Jacques Rousseau en 1756 appelle à l’unité de l’Europe dans Extraits et Jugements sur le Projet de Paix Perpétuelle, commentaires sur les Écrits de l’Abbé St. Pierre de 1713. En 1795 Emmanuel Kant, le philosophe allemand, propose une Fédération des États Libre. La Révolution Française de 1789 ambitionne d’étendre à toute l’Europe ses valeurs. Napoléon 1er Empereur des Français, cherchera l’unité par la force. Guerres et accalmies se succédèrent sans qu’une paix durable puisse s’établir, parce que les intérêts divergents des états et de leurs classes dirigeantes étaient conflictuels et ne pouvaient s’accorder. Avant La Commune, en 1870, l’Association Internationale des Travailleurs adresse un Manifeste au Peuple Allemand appelant à la Paix. Après la Guerre de 70, Victor Hugo appelle de ses vœux la Construction d’un État Européen.
La Première Guerre Mondiale 1914-1918, détruit toutes les volontés de paix durable. L’Armistice de novembre 1918 et le Traité de Versailles du 28 juin 1919, signé entre la France, ses Alliés et l’Allemagne mettent fin à la guerre. Les clauses principales sont punitives, humiliantes et mettent l’Allemagne à genoux avec notamment le versement de vingt milliards de marks-or au titre des réparations de guerre et le charcutage de son territoire la perte de 70 000 km et 7 millions de population. L’Alsace-Lorraine restituée à la France, l’administration de la Sarre par la SDN, Société des Nations, la Prusse-Occidental et la Posnanie sont rendues à la Pologne qui obtient la création d’un accès à la mer, le Couloir de Dantzig, Gdansk en polonais. Les plébiscites partagent la Silésie entre la Tchécoslovaquie et la Pologne, et le Nord du Slesvig partie du Land de Slesvig-Holstein, va au Danemark. Certaines des colonies allemandes accèdent à l’indépendance et les autres distribuées entre les vainqueurs. La Rhénanie est démilitarisée, la Ruhr et la Westphalie sont occupées par la France et la Belgique au début des années vingt pour non-exécution du Traité de Versailles.
En 1925 Aristide Briand, homme politique français Président du Conseil, un des animateurs de la SDN, signe avec plusieurs pays européens les Accords de Locarno, reconnaissant les frontières des pays signataires pour une paix durable. En 1929 il propose un Mémorandum sur l’Organisation d’un Régime d’Union Fédérale Européenne.
À suivre : Du Traité de Versailles à l’Europe des six (2e partie)