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TANNEGUY GAULLIER, « L’ÂME DU GANGE, UN PÈLERINAGE AUX SOURCES » – La splendeur de l’instant présent sans être lié à rien

PRAVINA NALLATAMBY

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« J’ai passé deux ans et demi avec le Gange… », nous dit Tanneguy Gaullier, en parlant de ses lectures et de son voyage en Inde à la découverte du fleuve sacré. Attiré par le Gange, il choisit de remonter tout le fleuve à pied pendant sept mois en traversant des villes et des villages entiers, où il fait des rencontres qui le nourrissent à plus d’un titre; au fil de son récit, il livre au lecteur avec beaucoup d’émotion non seulement des descriptions pittoresques des bords du fleuve et des légendes hindoues millénaires devenues des réalités en Inde mais aussi des réflexions qui suscitent la méditation sur la liberté, l’isolement et le silence. Cette marche va l’aider à atteindre l’essentiel en se débarrassant du superflu; il savoure la splendeur de l’instant présent sans être lié à rien. On pourrait percevoir ici le message principal de son récit.

La richesse des textes d’écrivains, de philosophes et de voyageurs du monde, qui l’ont accompagné dans ce récit, est incommensurable. Tout au long de son expédition de Ganga Sagar à Gangotri, dans les contreforts de l’Himalaya, ses lectures le portent jusqu’à la source du Gange, où le fleuve finit par lui révéler son âme. Son voyage débute en pays bengali à Ganga Sagar, où le Gange vient se jeter dans le Golfe du Bengale, alors qu’il remonte le Hooghly, en appréciant chaque instant de cette aventure qui se veut avant tout être une expérience spirituelle. Quittant la cacophonie de Calcutta, il découvre le dénuement du Bihar et la prospérité dans l’Uttar Pradesh avant d’appréhender Bénarès, la capitale religieuse de l’Inde et de remonter vers Rishikesh et les glaciers. L’Inde s’offre à lui dans toute sa densité avec ses mille et une contradictions comme un livre ouvert qu’il effeuille avec discernement repérant ce qui le nourrit et rejetant ce qui est complexe et confus au cours de son itinéraire méditatif. Des moments de quiétude, d’émerveillement et de questionnement jalonnent son chemin au fil de ses rencontres avec villageois, citadins, ascètes et swamis.

Son expérience devient encore plus vivante grâce à son habileté à y associer des citations d’ouvrages philosophiques d’auteurs variés allant d’Henri Le Saux, Rousseau et Malraux à Tagore en passant par les grands textes sacrés hindous comme les Vedas, les Upanishads et les Puranas, entre autres. Comme le voyageur, le lecteur prend alors le temps de faire une halte dans sa lecture pour s’approprier sa réflexion d’une part et, d’autre part, pour mieux faire connaissance avec les valeurs et les pratiques de l’hindouisme. La notion du temps qui passe, du temps qui est, du temps qui s’emplit et se vide prend également une tout autre dimension sous la plume de l’auteur qui prône jusqu’au bout le détachement. Initié ou non à l’Inde, celui qui prend ce livre en main suit le cheminement intérieur de l’auteur qui, dans sa soif d’immensité et de rencontres, saura profiter de l’immobilité, de la solitude et du silence pour vivre intensément l’instant présent; les aphorismes de la Bhagavat Gita et des Upanishads semblent particulièrement l’aider dans sa grande rencontre avec l’âme du Gange.

Cet ouvrage ne se lit pas d’un seul trait comme un roman. Tel un pèlerinage, une longue méditation pleine de tendresse nous fait voyager au rythme de l’auteur : on prend le temps de faire cette quête intérieure comme pour une marche tranquille. Pendant cinq ou six mois, on l’accompagne, on le suit, on fait des haltes avec lui, on se désaltère, on s’enrichit, on médite, on avance, on vit l’ici et maintenant en célébrant le « Saint Aujourd’hui »… Et on garde l’ouvrage à son chevet quelque temps pour relire avec joie des extraits de pages qu’on aura marquées afin de retrouver tantôt les frères Pandavas avec leurs péripéties, tantôt des sentences sur Maya, la grande illusion cosmique et comprendre comment on pourrait triompher de l’ahamkara, l’ego illusoire pour atteindre la moksha, la libération ultime…

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