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À quand l’autonomie ?

En 1968, Maurice prenait son indépendance, et avec elle, son autonomie politique. Ce faisant, ceux qui allaient en diriger les affaires devenaient de facto les uniques responsables de notre destinée. Peu, à l’époque, auraient pourtant parié sur le succès de cet engagement après cette prise de distance volontaire de Port-Louis avec l’administration anglaise. Et force est de constater qu’ils se seront trompés, l’économie mauricienne ayant en effet permis au pays, en un peu plus de cinq décennies, d’être cité maintes fois en exemple à l’étranger. Malheureusement, ces bonnes notes que l’on reçoit toujours risquent, dans un avenir relativement proche, d’être reléguées aux oubliettes, du moins si nous ne prenons pas dès aujourd’hui les décisions qui s’imposent. Car si nous avons gagné notre indépendance politique, nous sommes loin d’avoir atteint l’autonomie en matière alimentaire, sociale et énergétique, pour ne parler que de ces items.
D’emblée, précisons que les lignes qui suivent, malgré leur teneur, ne prônent aucunement l’isolationnisme, du moins de la manière dont la conçoive aujourd’hui une poignée de dirigeants du monde. Non, l’indépendance dont il est ici question est, en réalité, dictée par notre planète, d’une part du fait de notre isolement géographique (puisque nous habitons une île) et, de l’autre, par les conséquences du réchauffement climatique. Car que l’on ne s’y trompe pas : quels que soient les efforts déployés aujourd’hui, rien ne pourra désormais empêcher une hausse graduelle des températures, pas plus qu’une augmentation du nombre d’ouragans, d’inondations et de périodes de sécheresses, et ce pendant les décennies à venir. Aussi convient-il de prendre les devants, principalement dans les régions, comme Maurice, comptant parmi les plus exposées à ces cataclysmes.
Une fois encore, il ne s’agit pas de se “bunkeriser”, mais plutôt de nous donner les moyens nécessaires, et ce dès aujourd’hui, de bénéficier d’une autonomie suffisante pour subvenir aux besoins de base de la population. Or, sur ce point, nous sommes encore très loin du compte. Sur le plan alimentaire, par exemple, il n’est un secret pour personne que le pays est encore largement dépendant du reste du monde. L’autosuffisance alimentaire peut bien sûr paraître irréalisable, du fait de la petitesse de notre territoire et de notre mode de consommation, mais il en serait cependant tout autrement si nous adoptions un mode de vie plus rationnel, par exemple, comme nous le rapportions récemment dans ces mêmes colonnes, en réduisant drastiquement notre consommation de viande, l’élevage étant en effet extrêmement néfaste pour la planète.
Ce manque de vision est encore plus perceptible du point de vue énergétique où, là encore, nous n’avons toujours pas réussi à nous affranchir du reste du monde, ne serait-ce que partiellement. Pourtant, nous bénéficions d’un positionnement géographique que de nombreuses populations nous envient. Nul besoin en effet de pétrole, de charbon, ni même de gaz naturel pour pourvoir à nos besoins énergétiques. Pour peu, bien sûr, que l’on se décide à investir massivement dans une société décarbonée, puisant alors au maximum nos ressources dans ce que la nature nous offre gracieusement (et gratuitement) tout au long de l’année, à savoir le soleil, le vent et les marées.
L’accès à l’eau est un autre défi de taille. En ce sens, il serait logique, eu égard à l’allongement probable des futures périodes de sécheresse, de revoir entièrement notre politique de gestion de l’eau. Aux autorités, donc, de s’assurer que le pays s’approche le plus possible des 0% de pertes dans nos canalisations et de mettre en place des stations de dessalement d’eau de mer. Et aux Mauriciens de faire meilleur usage de l’eau « offerte » en adoptant des techniques de collecte et de recyclage individuelles et, surtout, en arrêtant de gaspiller cet or bleu qui promet d’être de plus en plus précieux. Toilettes sèches, utilisation de l’eau de pluie pour le bain, l’arrosage des plantes et le nettoyage, etc. Les solutions permettant aux particuliers de n’utiliser l’eau potable que pour s’hydrater sont légion.
Cette indépendance-là, hélas, personne n’en parle. Elle est pourtant d’autant cruciale que Maurice est non seulement classée parmi les dix pays les plus exposés au dérèglement climatique, mais aussi que nous disposons de toutes les armes nécessaires pour y faire face. Malheureusement, le temps nous est compté et c’est aujourd’hui qu’il nous faut agir. Les politiques sont évidemment responsables, mais pas seulement. Du fait de notre vulnérabilité face aux aléas du climat, la population a en effet le devoir de radicaliser son mode de vie. En évitant les gaspillages, en mangeant moins (ou plus du tout) de viande, en cultivant ses propres légumes, en triant ses déchets, en stockant l’eau de pluie, en optant pour des panneaux solaires ou de mini-éoliennes… Autant de gestes qui se révéleront, le moment venu, salvateurs. Alors seulement notre autonomie sera complète.

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Michel Jourdan

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