Pour la première fois depuis qu’il a pris le relais de la lutte pour la décolonisation complète de Maurice, et par extension de l’Afrique, que lui a passé le ministre mentor après le “ruling” de Cour internationale de justice, le Premier ministre, Pravind Jugnauth, se retrouvera dans l’arène internationale mercredi, lorsqu’il défendra la résolution présentée par le Sénégal concernant les Chagos. Il se retrouvera face à deux puissances militaires et économiques, soit la Grande-Bretagne et les Etats-Unis.
Souvenons-nous de la déclaration historique prononcée par le président de la Cour internationale de justice, Abdulqawi Ahmed Yusuf, le 25 février dernier dans le cadre de l’avis consultatif donné après avoir entendu, quelques semaines auparavant, les dépositions d’une série de pays concernant la décolonisation. « Le Royaume-Uni est tenu, dans les plus brefs délais, de mettre fin à son administration de l’archipel des Chagos, ce qui permettra à l’île Maurice d’achever la décolonisation de son territoire », avait ainsi lancé le président sur un ton ferme et convaincant. L’avis consultatif avait été soutenu par 13 des 14 juges internationaux siégeant à La Haye.
Ce sera la deuxième fois en moins de deux ans que la question des Chagos sera évoquée devant l’Assemblée générale des Nations Unies. En juin 2017, une motion demandant que la question soit portée devant la cour de La Haye pour un avis non contraignant avait en effet été adoptée par 94 voix pour, 15 voix contre et 65 abstentions.
Il s’agissait alors de déterminer si le processus de décolonisation avait été « validement mené à bien » lorsque Maurice a obtenu son indépendance, en 1968, à la suite de la séparation de l’archipel des Chagos de son territoire et au regard du droit international. La motion demandait également à la Cour internationale de justice de se prononcer sur les conséquences en droit international « du maintien de l’archipel des Chagos sous l’administration du Royaume-Uni, notamment en ce qui concerne l’impossibilité pour Maurice d’y mener un programme de réinstallation pour ses ressortissants, en particulier ceux d’origine chagossienne ».
Cette fois, Maurice se présente devant l’Assemblée générale de l’Onu forte de l’avis donné par la cour de La Haye, avec l’intention de mettre au pied du mur la Grande-Bretagne, qui se présente comme la championne du respect de la démocratie, des droits de l’homme et des institutions internationales. Cette fois-ci encore, Maurice compte sur le soutien de ses partenaires africains, dont l’Union africaine. Le Sénégal, qui n’avait pu exprimer son vote en 2017, aura pour tâche de présenter la résolution cette semaine. Le principal défi de Maurice et de ses partenaires consistera à obtenir plus de votes favorables qu’en 2017. La diplomatie mauricienne est déjà à l’œuvre afin de mobiliser toutes les forces possibles autour de sa résolution, et ce de manière à forcer la Grande-Bretagne à se plier au “ruling” de la Cour internationale de justice. Un de ses atouts est l’opinion d’experts internationaux à l’effet que l’avis consultatif constitue « un avis pivot » en ce qui concerne « la portée du droit à l’autodétermination et à la décolonisation ».
Au niveau des autorités mauriciennes, on considère que les débats prévus mercredi prochain à l’Onu constitueront une étape majeure dans la lutte pour que Maurice exerce son droit de souveraineté sur les Chagos et le droit de retour des Chagossiens dans leurs îles. La position de la Grande-Bretagne, elle, est connue : elle insistera sur le fait que les Chagos sont importants pour la défense de l’Occident et que l’archipel sera rendu à Maurice lorsqu’il sera devenu inutile.
La seule force de Maurice et de ses partenaires repose sur la vérité de l’histoire et de la justice. Il a été amplement démontré aujourd’hui que la décision de la Grande-Bretagne de séparer Maurice de l’archipel des Chagos en 1965 était illégale. Toute l’île Maurice attend donc avec impatience le discours que doit prononcer le Premier ministre devant les Nations Unies mercredi. Il sera accompagné de Dhiren Daby, Sollicitor General. Au-delà des avis d’ordre politique, la décolonisation de Maurice et son droit d’exercer sa souveraineté sur les Chagos sont d’abord et avant tout une question d’ordre national.
Jean Marc Poché