- Papa-piti, missié-madam, la famille toujours au cœur des nominations publiques
- La dernière illustration en date : Namrata Gaya-Teeluckdharry, l’épouse du Deputy Speaker, qui est connu pour être très réfractaire aux “gestures”
On ne sait pas si c’est parce que son époux se présente comme un spécialiste des droits humains qu’elle a été nommée jeudi dernier au National Préventive Machanism Division, mais l’arrivée de Namrata Gaya-Teeluckdharry au sein de cette unité de la Commission nationale des Droits humains a choqué l’opinion. Mais faut-il vraiment s’étonner de telles décisions qui, malgré l’arrivée des autoproclamés grands pontes de la communication et de gardiens de la moralité publique comme Ken Arian et Raj Meetarbhan, continuent de plus belle ? Non, parce que c’est devenu la marque de fabrique du MSM et du gouvernement qu’il dirige, la symbolique la plus éloquente étant d’ailleurs la passation des pouvoirs entre sir Anerood Jugnauth et son fils Pravind Jugnauth dans le dos des électeurs mauriciens. Papa-piti, missié-madam, la famille reste toujours au cœur des nominations publiques depuis décembre 2014.
Pourquoi Namrata Gaya-Teeluckdharry, pourquoi l’épouse du député du MSM un temps en délicatesse dans son propre camp après sa comparution devant la commission Lam Shang Leen et ses tentatives de s’en prendre à cette instance d’enquête ? C’est la question que se pose le grand public. Certains y voient une manière de calmer les ardeurs du Deputy Speaker et un geste envers celui qui n’aime que l’on fasse des « gestures with him ». Alors que d’autres parlent d’une connexion familiale entre les Gaya et les Ramdanee, la belle famille du Premier ministre.
L’avocat parlementaire a récemment été en première ligne de l’affaire Gaiqui et il a même fait la leçon au ministre de la Justice, Maneesh Gobin, en disant qu’il pouvait en 30 jours régler les problèmes des abus de la police et du traitement des justiciables. C’est aussi celui qui n’avait pas caché être très insatisfait des allocations de voyage qui lui étaient accordées et des « pays sous-développés et dangereux » de l’Afrique où on l’envoyait en mission en tant que parlementaire. Sanjeev Teeluckdharry est aussi toujours confronté à un cas d’indiscipline pour avoir critiqué le DPP dans l’affaire de son client Rajesh Gooljaury. C’est ce qui fait que la nomination de son épouse fait tiquer.
Branche bien casée
Or, nul besoin en fait de tiquer autant que ça. Pour ce gouvernement, nommer ses proches et les proches de ses proches est tout à fait normal. À part le fils qui a pris la place du père au poste de Premier ministre, il y a tout un maillage familial qui est favorisé depuis l’arrivée de Lalians Lepep au pouvoir. Le nombre de nominations politiques proches de la galaxie Jugnauth est d’ailleurs impressionnant. C’est le cousin de Lady Jugnauth, Nayen Kumar Ballah, grand amateur de courses hippiques, qui a été choisi pour diriger le PMO après la départ à la retraite de Satyadev Seebaluck. Sont par ailleurs considérées comme des nominations familiales : celles de Yandraduth Googoolye comme gouverneur de la Banque de Maurice et Lockdev Hoolash à la tête du service de renseignements, avant d’être évincé au profit de Mohunlall Madhow.
Il y a aussi les cousins Phokeer, Jugdish Dev, secrétaire permanent qui s’est particulièrement illustré lorsqu’il avait pour ministre de tutelle un certain Roshi Bhadain tant à la MBC qu’à l’ICTA, où il avait été décisif dans le choix de Youshreen Choomka comme directrice, alors qu’elle était déjà présidente de l’organisme, ce qui était un cas rare dans les annales des corps parapublics et qui a été répliqué ailleurs, à la MBC où, après avoir été président, Meckraj Baldowa, celui qui a cette semaine pris une amende de Rs 200 pour absence en cour, a été fait directeur. L’autre frère, Sooroojdev Phokeer, a lui été nommé ambassadeur à Washington. C’est toute une branche de la famille qui est ainsi bien casée.
Tout comme chez les Hanoomanjee, une famille qui entretient des liens très étroits avec la famille Jugnauth. À peine rejetée par l’électorat de Savane/Rivière Noire, Maya Hanoomanjee est nommée Speaker, le justificatif tout trouvé étant que ce serait bien d’avoir une première femme au perchoir. Avec le bilan que l’on connaît. Avec une présence pour le moins incongrue au dîner de fin d’année du MSM à Clarisse House le 23 décembre 2015, présentée, pour essayer de sauver la face, comme une « fête familiale ».
Peu de temps après, en admettant ne pas trop savoir pour quel poste elle avait fait acte de candidature, depuis Londres où elle se trouvait, c’est la fille Naila qui devient la directrice de la State Property Development Company, qui est propriétaire de ce qui est devenu un eyesore du front de mer de Port-Louis et qui est en voie de rénovation. Mais comme lorsqu’il s’agit de famille il n’y a pas de limite, ce sera au tour de l’autre fille, Sheila Hanoomanjee, d’avoir les faveurs d’un organisme public, Mauritius Duty Free Paradise, qui écoulera ses biscuits achetés d’un producteur local à prix forfaitaire, remballés dans une boîte avec un dessein de la maison Eureka, pour être revendu à 17 euros.
S’il y a eu le quota du père, il y a aussi celui du fils. C’est ainsi que le beau-frère du beau-frère Deshmuk Kowlessur a été nommé à la direction de la Competition Commission par Pravind Jugnauth. Il est le frère de l’épouse de Sanjiv Ramdanee, lui-même frère de Kobita Jugnauth. Dans cette même lignée, on retrouve l’épouse de Deshmuk Kowlessur, Sharmila, qui, elle, a atterri à la tête de la Mauritius Qualifications Authority. Cette bonne dame n’est autre que la sœur du ministre de l’Agro-industrie, Mahen Seeruttun.
Dans la cercle intime de Pravind Jugnauth, on retrouve aussi une parente des Ramdanee, Sharmila Sonah Oree, son avouée personnelle qui, elle, a été nommée à la direction d’un service qui est sous sa juridiction, la commission des emprunteurs abusés (Sale by Levy). Elle avait aussi été dépêchée, avec Samad Goolamaully, à Air Mauritius pour surveiller le travail effectué par Mes Robert et Désiré Basset sur le cas d’indiscipline de Mike Seetaramadoo. C’est dire la proximité !
L’exemple vient d’en haut
L’exemple venant d’en haut, les ministres ne sont pas en reste. Anil Gayan est un adepte très fidèle du concept que l’on n’est jamais mieux protégé que par ses proches. Son épouse a, dès sa nomination au Conseil des ministres, vite retrouvé son poste de directrice du Mahatma Ganhdi Institute. Son fils Amrit s’est vu offrir un poste tout neuf de chef du département de l’innovation de la State Bank, son gendre Kevin Ramkelawon, qui était le directeur de la MTPA, a, lui, préféré aller voir ailleurs depuis septembre 2017. Du côté de Business Mauritius, où il devrait prendre la relève de Raj Makoond.
Une tentative de faire nommer l’autre fils Gayan dans un département de la santé publique s’est, elle, heurtée à la résistance du ministre de tutelle, Anwar Husnoo. Dépité, le ministre Gayan a estimé que c’était une grande perte pour le pays. Qu’à cela ne tienne, c’est nul autre que son cousin par alliance, Raj Bhujohory, l’époux de Manjula Bhuckory, qu’il a nommé à la présidence de la Tourism Authority.
Leela Devi Dookun-Luchoomun, la ministre de l’Éducation, s’est aussi distinguée. Son époux Shiv Luchoomun, directeur de la Private Secondary Schools Authority, n’a pas jugé utile de prendre un congé ou de demander d’être muté ailleurs lorsque sa femme est devenue sa ministre de tutelle. Le fils Rahul se trouvait être, lui, une des heureuses recrues du ministère de la Santé, lorsque ce service a, sur pouvoirs délégués de la Public Service Commission, embauché directement des médecins.
Le colistier de Pravind Jugnauth et ministre des TIC, Yogida Sawmynaden, s’est retrouvé sous le feu des critiques lorsqu’il a été révélé que son épouse, la notaire Wenda Sawmynaden, avait touché un jackpot à hauteur de Rs 7 millions lors de la vente de la clinique Apollo Bramwell au Groupe Ciel. Son frère, Harrykrishna Vydelingum, nommé comme membre du conseil d’administration de Mauritius Post en mars 2017, dès que Yogida Sawmynaden a été muté des Sports aux TIC, a préféré jeter l’éponge quelques mois plus tard après que la nouvelle de sa nomination dans un service relevant de la responsabilité de son beau frère a été ébruitée.
Mahen Jhugroo, un pilier de l’édifice Jugnauth, avait, lui, pas mal de proches déjà bien placés avant même qu’il ne devienne ministre. Son cousin Pravin a été recruté comme directeur du Sugar Investment Trust, tandis que l’autre parent, Krishna Jhugroo, n’attend que le départ de Mario Nobin pour s’installer dans le fauteuil de commissaire de police.
Mahen Seeruttun, le ministre de l’Agro-industrie, a tranquillement avalisé l’embauche de son beau-frère Jugdish Bandoo à la direction de la Mauritius Cane Industry Authority, organisme qui est sous le contrôle de son ministère. Autre ministre dont le patronyme est aussi partagé par une directrice d’organisme parapublic : Étienne Sinatambou. À la tête de Morne Heritage Trust, on retrouve Magali Sinatambou comme Officer in Charge.
Quant à Vishnu Lutchmeenaraidoo, qui ne semble pas d’être remis des déboires rencontrés autour de son prêt d’un million d’euros, il n’a pas insisté pour que son fils vende des programmes informatiques à la SBM. Il ne s’est pas non plus battu pour la reconduction de sa sœur Rita Veerasamy à la tête de la State Investment Corporation, le pactole qu’elle devrait toucher à son départ ce mois-ci étant suffisamment intéressant. Par contre, sa nièce, Lakshmi Appadoo, l’ancienne proche collaboratrice de Manou Bheenick à la BOM, est à la Financial Services Promotion Authority, après avoir été un temps la conseillère du ministre Roshi Bhadain.
FSPA : le repaire
Un bref coup d’œil au profil des recrues de la FSPA laisse d’ailleurs voir que c’est un véritable repaire pour les proches des ministres et autres membres de la famille des gouvernements. On y retrouve le fils du ministre Ashit Gungah, celui de Jugdish Dev Phokeer, la belle-fille de Nayen Kumar Ballah et la fille de Toolsiraj Benydin, Noreyna, qui a dû démissionner de son poste de conseillère de la mairie de Quatre-Bornes pour prendre de l’emploi à la FSPA.
Au chapitre des nominations en gros, un peu comme dans le commerce, il y a la famille Meetoo. Pas le hashtag des combattantes du harcèlement et des agressions sur les femmes, mais une belle équipe familiale qui a obtenu deux récompenses à la suite. Jaynarain Meetoo est à la présidence du MGI et Avinash, le fils, occupe celle de l’ICT Advisory Committee.
Et lorsqu’il n’y a pas de sinécures pour les proches, les permis font toujours l’affaire. Le ministre Koonjoo n’a trouvé rien d’anomal à accorder une licence d’élevage d’huîtres à son neveu Keshaye Beeda, tandis que l’époux de la PPS Sandhya Boygah s’est embourbé tant dans son projet de “barbaras” que celui d’ouverture de maisons de jeux en ville.
Après 50 ans d’indépendance, c’est ce que certains appellent la méritocratie. Et, en plus, on demande à la diaspora de retourner.…