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Après cinq ans de Modi, la démocratie indienne à l’heure du choix

L’Inde consacrera-t-elle l’enracinement des nationalistes hindous dans une société polarisée ou choisira-t-elle l’alternance ? Après cinq ans de mandat du Premier ministre Narendra Modi, 900 millions d’électeurs sont appelés aux urnes à partir de jeudi pour déterminer l’avenir de la démocratie la plus peuplée du monde.

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Des déserts du Rajasthan aux villages tribaux du nord-est, des montagnes brumeuses du Cachemire aux mégapoles tentaculaires et polluées, le géant d’Asie du Sud élit ses députés de la Lok Sabha, chambre basse du Parlement, dont la couleur politique déterminera celle du gouvernement de ce régime parlementaire.

En raison des dimensions colossales de ce pays de 1,3 milliard d’habitants, grand comme cinq fois la France et presque vingt fois plus peuplé, le scrutin se déroule sur près de six semaines. Les régions voteront à tour de rôle du 11 avril au 19 mai, pour une proclamation des résultats le 23 mai.

Arrivé au pouvoir en 2014 avec son Bharatiya Janata Party (BJP, Parti du peuple indien), le Premier ministre Narendra Modi, 68 ans, compte bien être reconduit dans ses fonctions pour un deuxième mandat. En travers de son chemin se dressent le parti du Congrès, formation qui a dominé la politique indienne depuis l’indépendance de 1947, ainsi qu’une myriade de puissants partis régionaux décidés à en découdre.

– Omniprésence –

« Une nouvelle victoire du BJP permettrait d’enraciner un peu plus leur politique et leur vision de l’Inde », basée sur une idéologie de la suprématie hindoue, explique à l’AFP Gilles Verniers, professeur de sciences politiques à l’université Ashoka.

Barbe blanche impeccable et fines lunettes, le visage de Narendra Modi est ubiquitaire en Inde. Panneaux et encarts publicitaires officiels, émission de radio mensuelle, couverture médiatique non-stop, réseaux sociaux: le Premier ministre est une présence constante dans la vie quotidienne des Indiens.

Jusqu’à peu, rien ne semblait pouvoir arrêter le tsunami safran, la couleur emblématique des nationalistes hindous. Leur parti remportait presque toutes les grandes élections régionales – des scrutins stratégiques dans ce système fédéral – et menaçait d’oblitérer l’historique parti du Congrès.

Mais plusieurs revers électoraux du BJP dans des États-clés du nord en fin d’année dernière ont redonné espoir à ses adversaires et galvanisé le Congrès, désormais emmené par Rahul Gandhi.

Arrière-petit-fils, petit-fils et fils de Premiers ministres indiens, Rahul Gandhi incarne l’avènement d’une nouvelle génération de la célèbre dynastie politique des Nehru-Gandhi. L’héritier de 48 ans, qui avait un jour comparé le pouvoir à « un poison », a la lourde charge de rajeunir et ramener aux responsabilités un parti hétéroclite et usé par sa longévité.

– L’économie, talon d’Achille –

Sous la gouverne des nationalistes hindous, l’Inde a assisté à une crispation politico-religieuse de sa société, symbolisée par l’importance accordée à la vache. Le BJP a multiplié les politiques de protection du bovin considéré comme sacré dans l’hindouisme, des milices ont perpétré une série de lynchages contre des minorités au nom de l’animal.

Des noms de villes et de rues évoquant l’héritage musulman de l’Inde ont aussi été remplacés par des noms hindous. Des réglementations draconiennes ont frappé de plein fouet les industries de la viande et du cuir, traditionnellement tenues par les musulmans.

Minorités, ONG, journalistes, « quiconque soulève une critique contre le gouvernement se retrouve attaqué d’une manière ou d’une autre. Les nationalistes hindous occupent l’essentiel de l’espace médiatique, leur idéologie a une très forte capacité financière et sature l’espace public », note le professeur Gilles Verniers.

Vendeur de thé dans son enfance, formidable harangueur de foules, Narendra Modi bénéficie d’une grande popularité due à ses origines populaires et à l’image d’homme fort qu’il cultive, notamment à travers son attitude martiale vis-à-vis du frère ennemi pakistanais.

Son bilan économique est toutefois un talon d’Achille pour celui qui avait été propulsé au pouvoir en promettant de redynamiser la croissance et de faire de l’Inde une grande puissance de rang mondial.

L’économie a violemment pâti du fiasco de la démonétisation surprise de billets à l’automne 2016, ainsi que de l’entrée en vigueur chaotique quelques mois plus tard d’une TVA harmonisée. Malgré un taux de croissance enviable vu de l’extérieur (6,7% en 2017-2018), celle-ci est jugée insuffisante au vu du potentiel et des besoins du géant démographique.

Le pays n’arrive pas à générer assez d’emplois pour le million de jeunes qui arrivent chaque mois sur son marché du travail et, dans les campagnes, la grogne des agriculteurs monte.

Dans ce contexte, les analystes politiques doutent que Narendra Modi parvienne à renouveler son exploit de 2014 d’obtenir la majorité absolue au Parlement avec son seul parti, laissant présager le retour à de complexes et délicates coalitions gouvernementales en Inde.

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