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Devenu aveugle depuis 2006 : Pina se bat pour l’intégration d’enfants défavorisés

Face à un miroir, l’ancien champion amateur des poids moyens montre des enchaînements de boxe à des enfants défavorisés de Lisbonne venus oublier leur quotidien difficile: depuis qu’il a perdu la vue, Jorge Pina se bat pour leur intégration. Le large miroir aide les enfants à imiter ses mouvements.

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Lui ne discerne plus que des ombres: depuis 2006, il est aveugle de l’oeil gauche et n’a plus que 10% de capacité oculaire à l’oeil droit. Tout a commencé avec un décollement de la rétine à l’oeil gauche, peut être lié aux coups reçus en tant que boxeur, suivi de plusieurs opérations infructueuses qui l’ont laissé borgne. Son médecin lui a alors conseillé d’opérer l’oeil droit, où la rétine n’était pourtant pas décollée. Un diagnostic discutable suivi d’opérations infructueuses là aussi. Jorge Pina en est sorti avec une perte de vue de 90% et, alors qu’il était aux portes des Mondiaux de boxe anglaise, a dû renoncer à son sport. À l’intérieur de la modeste salle lisboète, dans une barre de bâtiments vétustes et insalubres du quartier populaire de Bensaude, ce Portugais d’origine cap-verdienne doit souvent rappeler à l’ordre les gamins, presque tous issus de la communauté tzigane. “Les enfants, maintenant on écoute sinon je m’en vais!”, gronde l’athlète de 42 ans, aux muscles bien dessinés sous sa peau métissée.

Combat de la vie

Quand il a dû abandonner le rêve de soulever la ceinture de champion du monde comme son idole l’Américain Mohamed Ali, Jorge Pina s’est tourné vers le marathon paralympique. Mais il se consacre aussi et surtout à lutter quotidiennement contre la marginalisation des jeunes. Depuis 2011, il encourage par des sessions de boxe et d’athlétisme l’épanouissement d’enfants autistes ou en difficulté. Très pieux, il parle même de rédemption. “Je n’ai pas perdu la vue, je vois juste les choses différemment. Avant j’étais une personne égoïste et problématique des quartiers sensibles, désormais je veux aider les jeunes à gagner le combat de la vie”, explique-t-il . “Jorge m’a appris la discipline et à canaliser mon énergie”, témoigne Xavier Pereira, un garçon élancé de 13 ans qui s’entraine alternativement au punching-ball ou aux “pattes d’ours”, gants plats destinés à travailler les différents coups. “Avant de le rencontrer j’avais des problèmes de comportement à l’école et j’y allais très peu”, confie cet adolescent aux cheveux bouclés. Partout où il passe, Jorge le non-voyant est accueilli avec enthousiasme par les enfants, qui l’enlacent ou le prennent par la main pour le guider jusqu’aux salles d’entraînement. “Son arrivée nous a apporté beaucoup. Nos jeunes apprennent des valeurs et à vivre en communauté, cela crée un lien de confiance avec les parents”, assure Vanessa Madeira, la coordinatrice du projet social au quartier Bensaude.

La réussite des projets de Jorge Pina a encouragé la mairie de Lisbonne à financer 60% de la construction du nouveau siège de l’association qu’il a fondée et porte son nom, un bâtiment de 1.700 m2 qui sera entièrement dédié au sport et aux initiatives sociales.

Plus heureux qu’avant

Malgré son handicap, Jorge Pina n’a pas renoncé à la compétition. Convalescent, sachant que l’opération des yeux n’avait pas réussi, il demandait déjà à son médecin s’il pourrait encore courir. “Quand j’ai perdu la vue, il m’a fallu quelque chose de positif malgré mes restrictions. Pas de révolte, j’ai choisi ce qu’il y avait de meilleur en moi: la course et le partage”, explique t-il en reprenant son souffle après avoir couru plusieurs kilomètres avec son guide Helio Fumo, un spécialiste du trail, sur une piste d’athlétisme de Lisbonne. Sur des tracés de marathon handisport, il avale les distances en se faisant parrainer afi n de recueillir les fonds nécessaires pour le siège de son association.

Ses foulées l’ont mené jusqu’aux jeux Paralympiques, auxquels il a déjà participé à trois reprises. Il ambitionne de prendre le départ en 2020 à Tokyo. Tous les matins, il court aux aurores en visant les temps nécessaires pour s’envoler vers le Japon et en pensant au calendrier des prochaines épreuves de 42,195 km organisées en Europe, où il pourra se tester. Dans son appartement décoré des coupes remportées au cours de sa carrière, tout est calibré et tourné vers ses objectifs: boissons énergétiques, suppléments alimentaires, condiments, fruits, barres de céréales… Une organisation impossible sans l’aide de Raquel Pedro, qui partage sa vie depuis 10 ans.

Elle s’assure que rien ne manque à son compagnon. En dépit de ses 42 ans, Jorge reste confi ant sur ses capacités physiques et dit même renaître avec sa nouvelle carrière sportive. “Boxeur, je voyais les autres comme des ennemis, aujourd’hui je suis mon propre adversaire, et ceux qui m’entourent me donnent la force pour me surpasser. Je suis plus heureux qu’auparavant.”

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