Elle a été baptisée la “Padwoman” de l’île Maurice, inspirée du film de Bollywood Padman, qui relate l’histoire d’un homme qui confectionne des serviettes hygiéniques à des prix abordables. Anousha Purbhoo-Junggee, âgée de 30 ans et originaire de Tranquebar, est une ancienne journaliste convertie en femme entrepreneuse.
Son époux Nazeem et elle ont fondé l’agence 1950, spécialisée dans la “screen printing” et la conception de “billboards”, et la compagnie Sakili, spécialisée dans la transformation de “billboards” en sacs à dos et sac à main. Sa curiosité l’a amenée à créer des serviettes hygiéniques biodégradables à base de pulpe de bambou, adaptées au climat local. Elle les a baptisées “Recycle-Moi”.
Anousha a fait la découverte de la serviette hygiénique biodégradable lors d’un voyage en Inde. « Mon aventure remonte à décembre 2017. J’étais en mission en Inde. J’étais partie acheter des serviettes hygiéniques car j’en avais besoin. C’est là que j’ai découvert qu’il y avait des serviettes hygiéniques biodégradables sur le marché. J’étais émerveillée par le concept. Les produits n’étaient pas de haute qualité mais curieuse que je suis, j’ai eu envie de les acheter », relate Anousha.
La jeune femme décide de partir à la recherche du fabricant. Elle découvre que c’est une petite association féminine qui fabrique ces serviettes hygiéniques. Intriguée, elle a voulu savoir comment les femmes de cette association les fabriquent, mais elles n’ont pas voulu partager leur secret. Anousha leur propose alors d’importer leurs produits pour les vendre sur le marché de Maurice. Mais son offre est rejetée. « Cette association avait une capacité de production de 4 000 pièces, une quantité qui suffit uniquement pour le marché local. Toutefois, j’ai appris que ces serviettes hygiéniques sont faites à partir de pulpe de bois », souligne Anousha.
Étant membre de la Young African Leaders Initiative (Yali), Anousha a un important réseau de contacts. Elle se rend alors en Afrique du Sud pour rencontre une fille qui travaillait sur un projet similaire au Nigeria. « J’ai rencontré la fille qui m’a fait découvrir son produit mais la qualité laissait à désirer. Je me suis alors rendue au Pays-Bas pour rencontrer d’autres fabricants de serviettes hygiéniques biodégradables. Je suis tombée sur un fabricant dont les produits étaient de qualité irréprochable. En revanche, le prix était trop cher. À travers l’US Alumni Network, j’ai rencontré une fille qui m’a expliqué comment je pourrais confectionner le produit avec du bambou afin de le réadapter au climat local », raconte Anousha.
De retour à Maurice, Anousha se lance dans sa nouvelle aventure. Elle importe tout ce dont elle a besoin, comme la pulpe de bambou, pour concevoir sa première serviette hygiénique biodégradable. Elle fait aussi venir plusieurs marques de serviettes hygiéniques biodégradables de différents pays pour analyser la qualité. « Mon époux Nazeem trouvait que je prenais des risques.
Pour lui, c’était un projet fou et je gaspillais de l’argent. Mais j’ai pris le risque d’essayer et j’ai investi tout mon argent personnel dans ce projet. J’ai demandé à une employée, Cathy, de m’aider. Elle s’occupait principalement de la couture. À partir de là, nous avons fait plusieurs “trial and error” jusqu’à ce que nous trouvions la formule parfaite. Nous avons dû utiliser des fibres de maïs également. Ce processus nous a pris un an. Ainsi, en janvier de cette année, j’ai enregistré une nouvelle compagnie sous le nom d’Eco Hustle Co Ltd et le produit sera commercialisé sous le nom de “Recycle-moi” », dit Anousha.
Cette dernière a offert quelques serviettes hygiéniques à des proches et amies pour voir leur réaction. Puis, elle entame les démarches en vue d’obtenir la certification. Son produit respecte toutes les normes et obtient enfin sa certification de biodégradable. « Grâce à mes proches et amies, j’ai su ce qu’il fallait améliorer dans le produit. Après un an, j’étais prête à offrir une serviette hygiénique biodégradable, confortable et de haute qualité aux Mauriciennes. Toutefois, je n’avais pas d’argent pour le produire à Maurice. Je ne voulais pas prendre les revenus de mes autres entreprises pour investir dans ce projet. Donc, il ne me restait plus un sou pour faire venir les machines pour la production. Alors j’ai envoyé une commande en Chine pour la production », fait-elle ressortir.
Par la même occasion, Anousha apprend l’existence du concours de Total, “Challenge Startupper”, et décide d’y participer. « A ma grande surprise, je suis sélectionnée. Les organisateurs me demandent de partager mon projet sur la page de Facebook de ce concours pour obtenir des votes. Mais j’ai refusé. Je sais que ma serviette hygiénique n’est pas une première dans le monde, mais j’ai beaucoup investi dans ce projet, que ce soit en termes d’argent ou de temps. Donc, je ne voulais pas que d’autres gens trouvent mon projet en ligne et le volent. Dans ma tête, si je ne remporte pas le concours parce que je n’ai pas partagé le projet en ligne, tant pis. Mais j’apprends que j’étais parmi les finalistes. Avec étonnement, je remporte non seulement le premier prix que je n’attendais pas, mais aussi le prix de Coup de Cœur féminin », relate Anousha.
Elle remporte ainsi une somme de Rs 750 000 pour le premier prix et un « mystérieux » cash prize pour le Coup de Cœur féminin, qu’elle touchera à Paris. Anousha devra à nouveau présenter son projet à Paris le mois prochain. Grâce à ces prix, elle pourra désormais réaliser son rêve. « J’ai déjà envoyé une première commande en Chine pour la fabrication, en pensant que je ferai l’acquisition des machines de production dans les prochaines années. Maintenant, je me vois avec suffisamment d’argent pour faire venir ces machines à Maurice », dit-elle.
Interrogée sur ses projets d’avenir, Anousha affirme qu’il est temps qu’elle mette un frein à ses aventures. « J’en ai vu de toutes les couleurs avec la production de cette serviette hygiénique. Une année de joie mais aussi d’angoisse. Outre Recycle-Moi, je gère deux autres entreprises et je pense que les trois compagnies suffisent. Prochainement, j’entamerai les démarches pour faire venir les machines, puis je m’arrête. Je ne ferai que goûter aux fruits de mes efforts », précise-t-elle.
À noter qu’Anousha est aussi cofondatrice de la compagnie 1950 spécialisée dans la “screen printing” sur divers objets, dont T-shirts, tasses, plumes, entre autres. 1950 est aussi spécialisée dans la conception de “billboards”, “banners”, entre autres. À partir de cette première agence, Anousha et son époux lancent une deuxième entreprise, Eco Hustle Co. Ltd qui est spécialisée dans le recyclage des “billboards” et “banners”. « Nous reprenons tous les “billboards” usés pour les transformer en sacs à dos ou à main. Nazeem avait présenté ce projet à l’USADF et il avait obtenu une subvention de USD 25 000, soit presque Rs 900 000, qui était largement suffisante pour acheter des machines. Nous avons alors baptisé la compagnie Sakili. Nous avons des clients réguliers qui sont de grandes organisations, comme Air Mauritius, IBL, Emtel, Panagora, entre autres », ajoute Anousha.