C’est une balle tirée à bout portant par un policier qui a stoppé son élan. Abattu le 22 février 1999, Berger Agathe était une valeur sûre du seggae. Vingt ans après, justice n’a toujours pas été rendue, malgré les témoignages des témoins et des experts.
“Non laviolans !” Le refrain portera pendant longtemps encore la voix de Berger Agathe, qui chantait aussi : “Sante danse seggae sa lamizik ti zwe par Herve Kaya”, sur Lamizik seggae. C’est dire l’estime et l’amitié que le leader d’Ovajaho portait à son ami Joseph Réginald Topize. Initialement chanteur au sein de Perros Vert, Berger Agathe s’était laissé porter par le seggae et avait eu de belles réalisations avec Zotsa ou encore le regretté Clifford Carosin. Zom ki fin, Non la vyolans, Jah Verite figurent parmi les titres qui avaient permis à ce chanteur aux origines rodriguaises et qui habitait Roche Bois de se faire un nom dans le monde du seggae, qui connaissait alors son âge d’or.
Kaya parrain de son groupe.
Intransigeant vis-à-vis de ses collaborateurs parce que toujours en quête du meilleur, Berger Agathe ne cachait pas la grande admiration qu’il portait à Kaya. Dans une interview accordée à Scope, il racontait : “Apre 82, kan Kaya, ki enn artis ki mo respekte boukou, inn fini sof seggae, ti ena enn vid. Mwa, mo ti profite pou koumans fer seggae. Ena boukou dimounn ki ti sey lans zot ladan, me zot inn fer ninport kwa ! So nivo ti’nn bese ek bann mesaz pa ti pe pas bien.”
Les deux amis étaient complices. En témoigne cette photo faite par Scope en 1997 à Flic en Flac, montrant Kaya et Berger s’amuser sur la ravanne de Michel Legris, lors du lancement des albums Kaya Ersatz of Bob Marley, celui d’Ovajaho, entre autres. Le nom du groupe avait été trouvé par Kaya. Agathe racontait : “Se Kaya ki’nn donn nou sa nom-la. Ova enn tribi malgas. Ja se Dieu et O se enn inplorasion.”
Ce n’est pas uniquement la musique qui a lié leur histoire. Berger Agathe est mort le 22 février 1999, quelques heures après avoir été fauché par les pellets d’une balle de chevrotine tirée par un policier de la SSU sur le rond-point menant à Mer Rouge, à Roche Bois. Abattu “à bout portant”, selon le Dr Satish Boolell, médecin légiste, qui avait autopsié son corps après qu’il a été transporté à l’hôpital où son décès avait été constaté. Un tir allant à l’encontre des Standing Orders de la police, pour lequel personne n’a jamais payé. Comme pour Kaya, justice n’a jamais été rendue.
Exécution en direct.
L’identité du policier tueur reste un mystère. Ce dernier portait un masque comme ses collègues, et trois officiers étaient équipés de fusils anti-émeutes. Ils étaient censés faire feu sur le sol afin que les cent billes contenues dans une balle ricochent et se répandent, avec pour conséquences de blesser les émeutiers au niveau des jambes. En présence d’une foule, Berger Agathe a été touché de 63 billes dans la partie supérieure du torse. Le policier tireur a mis un genou à terre, a épaulé et a tiré sur cet homme qui, de l’autre côté de la barrière, à plusieurs mètres de là, s’avançait en criant aux policiers de s’en aller.
C’est ce qu’ont raconté les témoins en Cour. Les versions corroboraient avec les constats faits lors de la reconstitution des faits et les observations du légiste. Mais les choses ne sont pas allées au-delà. Il a fallu une mobilisation populaire, entre autres à la State House, le lancement d’une pétition et d’autres initiatives de pression pour que les autorités réagissent et accordent l’attention voulue à l’affaire Agathe. Jusqu’à aujourd’hui, sa compagne et son fils demeurent dans l’attente d’une réparation. Les frères de Berger Agathe, qui avaient lancé une action à l’époque, n’ont pas obtenu satisfaction.
Lamizik dan lam.
“Seggae pou touzour ena so plas dan Moris. Me pou li pa perdi so idantite, bizin gard mem groove apartir batri ek bas. Dayer, lamizik dan Moris bien inflianse par seggae (…) Seggae bizin gard kan mem enn baz sega. Fodre pa ezite pou inklir ravann ek lezot instriman tradisionel”, disait Berger Agathe. Ce dernier aimait particulièrement les chansons à textes. “Mo pena enn preferans pou enn tem spesifik. Me mo kontan tou seki tous lanfans” confiait-il. “Lamizik vinn dan lam. Ninport ki instriman ki pe zwe bizin reflet lamour ki mizisien-la ena pou seki li pe fer.”
À Roche Bois, à quelques mètres de l’endroit où il avait été touché par balles, deux guitares croisées installées sur le rond-point rappellent son souvenir et celui de Kaya.