Niché dans le sud du pays, comme oublié des projets de développement, ce village côtier se complaît dans sa quiétude depuis des décennies. Un de ses atouts cristallins demeure sa plage belle, sauvage et préservée, à couper le souffle. Avec le naufrage du cargo MV Benita sur ses récifs en 2016, la région était sortie momentanément de son sommeil, mais elle a replongé de plus belle dans sa torpeur…
Une plage magnifique, des étendues de verdure, une belle chapelle. Mais Le Bouchon est également caractérisé par ses métiers et ses loisirs : vannerie, pêche et agriculture. Le nom de la région découle d’une pratique observée à une époque lointaine. “Durant l’ère coloniale, les colons français avaient pour habitude de s’y arrêter pour bouchonner (frotter avec un bouchon de paille pour enlever la saleté) leurs chevaux et se reposer. Le nom est resté”, raconte Benjamin Virginie, conseiller de village.
Marie-Noëlle Lebon raconte que dans le passé, la route n’était pas praticable et les autobus n’avaient pas accès au village. “De Plaine Magnien, nous prenions un taxi-train jusqu’à Mon Désert. Arrivés à cette destination, nous devions marcher pour arriver jusqu’au village.”
Manque d’infrastructures.
À proximité de la Chapelle Sacré-Cœur de Jésus (le plus ancien bâtiment du village), nous croisons Philippe Calou, qui s’épanche sur ce problème récurrent à Le Bouchon. “L’éternel problème est en effet le transport. Nous avons des autobus à des fréquences irrégulières. Nous sommes parfois obligés de prendre un taxi à des prix exorbitants”, confie le pensionnaire. En plus de Le Bouchon, le Village Council s’occupe de quatre autres régions : Carreau Acacia, Camp Carol, Carreau-Esnouf et Desplaces. “De toutes ces régions, nous sommes le plus pauvre au niveau du développement”, souligne Benjamin Virginie.
Comme il y a vingt-cinq ans, Le Bouchon ne dispose toujours pas de terrain de football ni d’un centre social où les jeunes pourraient se distraire, raconte Medgée Virginie. Le manque d’infrastructures sportives, sociales et culturelles est d’ailleurs décrié par tous ceux que nous avons rencontrés. “Les associations féminines doivent se réunir dans la salle d’œuvre de la chapelle, qui n’est pas toujours disponible”, précise Marie-Noëlle Lebon. Le “grand développement” se résume, selon Jenny Calou, présidente du Conseil de village, à quelques routes centrales qui ont été asphaltées après des années de protestations auprès des autorités.
En empruntant la route menant vers la plage, nous rencontrons Suzelle Triton, 80 ans. Avec son époux, ils sont l’une des premières familles à avoir fait l’acquisition d’un lopin de terre dans ce coin, il y a 25 ans. À l’époque, “il n’y avait pas âme qui vive à l’horizon et c’était complètement boisé”. Suzelle ne regrette pas son choix, car le plus bel atout de la région est sa “beauté et sa tranquillité. Il fait bon vivre à Le Bouchon, malgré le manque de développement”.
Précarité et vannerie.
Des bungalows de luxe et de belles maisons peuvent être aperçus sur la route menant à la plage publique, mais le village abrite aussi une poche de pauvreté où des habitants peinent à sortir la tête hors de l’eau.
Depuis des années, au centre de la rue de la Chapelle, beaucoup de familles vivent dans une grande précarité. Le temps semble s’être arrêté. Un spectacle désolant s’offre à la vue. Autour des maisons en tôle semble se dresser une décharge publique. Un amas d’ordures qui génère des odeurs nauséabondes et des insectes en tous genres, rendant la vie infernale. “Nous avons un système de voirie, mais cela n’empêche pas les gens de venir jeter leurs ordures ici. Malgré nos supplications, ils nous font comprendre que nous ne sommes pas propriétaires de ces terres et qu’ils ont le droit de le faire”, confie une habitante du coin. “Le problème de ces familles ne date pas d’hier, avance Jenny Calou. Par manque de documents officiels, ils sont dans l’impossibilité de prouver que ces terres leur appartiennent et y envisager un quelconque développement. Ce qui fait qu’ils doivent vivre comme des squatters.”
Un riche patrimoine culturel s’ajoute au cachet du village. Le Bouchon, c’est aussi une belle tradition dans la vannerie, qui se transmet depuis des générations, de mère à fille. Cette activité représente une de leurs plus vieilles activités artisanales. Yvonette Grenade, 46 ans, fait partie de la dernière génération de vanniers de cette région côtière. “C’était l’un des principaux gagne-pain du village par le passé. Mais par manque de relève, le métier s’essouffle et se meurt à petit feu.” Par ailleurs, pêcheurs, mécaniciens, menuisiers, éleveurs, boutiquiers ainsi que d’autres entrepreneurs contribuent également à la vie économique du village.