AVINAASH I. MUNOHUR
Politologue
Au vu des annonces faites récemment par le gouvernement et au vu du magazine (faisant étalage des grands projets en cours) distribué gratuitement en accompagnement d’un journal samedi dernier, la stratégie de communication du Premier Ministre est absolument claire : noyer un jugement potentiellement défavorable de la part du Privy Council dans un océan d’annonces et d’images mettant en valeur son projet pour notre pays; et ainsi espérer se montrer indispensable aux yeux de l’électorat.
Ce projet peut se résumer ainsi : investir dans quelques projets d’infrastructures, passer quelques législations progressistes et s’inscrire dans une politique sociale qui reste entièrement ancrée dans la vision de SSR et qui peut se résumer par la formule « l’égalité dans la gratuité ». En réalité, rien de bien nouveau sous le soleil mauricien, Monsieur Jugnauth reproduisant à la lettre le contrat social de l’après-indépendance et dont l’objectif était d’asseoir la redistribution économique sur de la croissance par la médiation des institutions de l’État.
Sauf que le monde a changé depuis cinquante ans. Les défis de la mondialisation, les révolutions du capitalisme néolibéral, l’impératif écologique, le besoin de moderniser l’État et ses institutions, l’automatisation du travail, les nouvelles frontières que produisent le numérique et l’intelligence artificielle, l’impératif de la diversification de notre économie, le besoin pressant de relancer la production locale, ou encore l’urgence d’entamer la valorisation responsable et durable de nos espaces océaniques ont entièrement redessiné la carte des priorités politiques. Nous avons besoin d’un autre contrat social qui sache répondre à ces immenses défis.
Ceci veut dire tout simplement que nous ne pourrons plus continuer à faire de la politique de la même manière, dans les conditions actuelles de l’état de nos appareils productifs. Ceci signifie que nous filons droit dans un mur si nous ne commençons pas la transformation de notre pays maintenant, à commencer par une lutte sans merci contre la corruption et par la question de la modernisation des politiques sociales – dont l’efficacité doit être rapidement augmentée, sans que cela soit punitif pour le porte-monnaie du contribuable et la dette nationale. Ce n’est clairement pas en continuant à faire de « l’égalité dans la gratuité » à la SSR que le gouvernement pourra libérer les forces productives et créatives dont nous avons grandement besoin pour réussir le tournant technologico-socio-économique dans lequel nous sommes déjà engagés. Il nous faut une autre vision, il nous faut d’autres politiques capables de combattre efficacement les poches d’exclusion et orientés vers la production de « l’égalité dans l’empowerment ». Et il nous faut un leader capable d’incarner et de conduire cette vision.
Sous couvert de l’image lisse d’un jeune PM ayant entièrement assimilé une communication de type corporate, Monsieur Jugnauth croit pouvoir convaincre qu’il est le leader politique qu’il nous faut. Sauf que, sous l’image il y a la réalité, et c’est là que – si nous prenons le temps de l’analyse critique – nous verrons qu’il ne propose strictement rien qui aille dans le sens de la rénovation éthique, de la modernisation institutionnelle et de la transformation socio-économique de notre pays. Il ne fait que perpétuer un système politique à bout de souffle ; car le bon héritier politique qu’il est sait parfaitement bien qu’une réforme d’envergure, dont l’objectif est l’autonomisation de tous les Mauriciens, mettra également fin à la logique des dynasties en politique.
L’affaire MedPoint sera un test important pour lui car il y gagnera ou perdra en crédibilité. Mais cette affaire ne le fera ou ne le défera pas. Lorsqu’ils iront aux urnes, les Mauriciens ne se soucieront que d’une chose : est-ce que Monsieur Jugnauth personnifie, de manière sérieuse et légitime, le changement désiré par le peuple lors des législatives de 2014 ? Il lui reste, dans ce domaine, tout à prouver.