C’est un spectacle affligeant et révoltant que celui auquel nous avons assisté toute cette semaine. D’une part dans des localités telles que Bain-des-Dames, Sainte-Croix, Roche-Bois, Baie-du-Tombeau et Cassis et, de l’autre, en plein centre de la capitale, autour de l’Astor Court. Nous évoquons bien évidemment là le calvaire de ces centaines de compatriotes issus de la banlieue de Port-Louis qui, toute la semaine durant, se sont mobilisés dans certaines rues de la ville.
Ce qui fend le cœur, surtout, c’est de voir ces femmes, accompagnées de leurs enfants pour la plupart, puisque nous sommes dans la deuxième semaine des vacances scolaires (remember ?), faire le pied de grue du petit matin jusqu’au soir, qu’il pleuve, qu’il vente ou que le soleil de plomb de Port-Louis les grille… Dans quel but ? Réclamer une malheureuse compensation pour les grosses pluies d’il y a quelques jours et qui ont, une nouvelle fois, emporté leurs maigres provisions et endommagé leurs meubles et appareils électroménagers, entre autres.
Loin de nous l’idée d’adopter la posture du « défenseur des pauvres victimes » ou de faire passer ces femmes, mères de famille, ouvrières et employées, pour de « potentielles assistées » ou des « roder bout ». Il s’agit là davantage, à notre humble avis, de Mauriciennes fatiguées de toujours avoir à « mendier » leur dû, à quémander un peu d’attention de la part des autorités concernées, en dépit souvent de mauvais traitements verbaux, et qui en ont certainement marre de voir à chaque pluie torrentielle leurs biens emportés par les flots.
Oui, le changement climatique est responsable d’une foule de désagréments. Mais pas que. L’état y a également sa contribution dans la mesure où les travaux de construction ne sont pas adéquatement contrôlés. Voire qu’il n’y a pas de sanctions dans des cas de constructions non réglementaires en termes de respect de drains, de canaux et autres aménités pour assurer que chaque maison dispose d’un espace sécurisé en prévision d’une montée inattendue des eaux, et d’autres types d’intempéries. Oui, chaque gouvernement qui se succède ferme les yeux sur ces mauvaises pratiques. Moyennant quelques billets glissés entre plusieurs mains et qui atterrissent dans les poches de pseudos-contracteurs, des quidams sans vergogne ni scrupules qui n’ont que leurs gains personnels en vue. Et tant pis si les cours de ces Mauriciens sont envahies d’eau, que leurs maisons soient inondées et rendues invivables par la boue. Et encore tant pis pour eux s’ils ont à faire la queue des jours et des heures durant, entourés de policiers et de « gard baton », comme s’ils étaient de vulgaires criminels !
Les scènes qui nous ont été données de voir cette semaine sont des plus affligeantes et révoltantes. Comment peut-on accepter, en 2019, dans une soi-disant “smart island”, que des femmes et leurs enfants soient traités comme des animaux ? Non, l’image n’est ni exagérée, ni calculée. Simplement parce que ces femmes en ont eu assez qu’il y ait une politique de deux poids, deux mesures, et qu’elles ont voulu se faire entendre, l’État a déployé ses moyens… Certes, il faut assurer la sécurité de tout le monde. Mais est-ce une raison pour certains de ces policiers dépêchés pour « contrôler » ces « meutes » de femmes en colère, de les traiter aussi cavalièrement, moyennant des jurons, des « to pa tande mo dir twa sorti la » et autres invectives verbales vulgaires que l’on préfère taire ? Non. Rien ne justifie l’usage de la grossièreté envers qui que ce soit et quel que soit le contexte, sinon que l’on ne respecte pas son prochain. Ou qu’on se croit supérieur ou meilleur…
Nous éviterons sciemment, pour des desseins purement patriotiques, d’évoquer l’épisode de « démons », que nombre de compatriotes gardent douloureusement en mémoire. Pour la raison évidente que l’on ne veut pas jouer aux pyromanes-pompiers. Laissons cela à certains politicards passés maîtres à ce jeu. Mais le danger d’un autre soulèvement populaire, dans la veine de février 99, couve. Quiconque prête un tant soit peu d’attention à ce qui se passe dans ce pays, où des sommes astronomiques sont dilapidées en faveur de « proches, parents, et autres petits copains », réalise l’ampleur de la chose. Financer le projet de Metro Express est-il plus important que d’injecter ces mêmes fonds dans un projet d’aménagement des drains et de réfection des systèmes de tout-à-l’égout dans ces régions les plus touchées du pays ? Surtout avec la certitude que, désormais, le changement climatique ne va pas nous épargner…
Nous sommes en période préélectorale. Aussitôt que certains, au sein de l’état-major du gouvernement, se ressaisiront et tenteront de rectifier le tir pour faire tourner le vent en leur faveur, il va sans dire que ces mêmes femmes, traitées avec si peu d’égards ces jours-ci, seront mises en avant à la première occasion. Une foule de tels pièges nous guettent. À nous de les déjouer !
Tout aussi affligeant et révoltant cette semaine : la revendication des sanglantes attaques de dimanche dernier au Sri Lanka par Daech. Qui serait « leur réponse » à la fusillade atroce de Christchurch, en Nouvelle-Zélande. Répondre à la haine par la haine : est-ce bien là une solution ? Certainement pas. Cela ne fait que nourrir ces violences interminables !
Husna Ramjanally