Plus d’un million d’espèces sur les 8 millions recensées à travers le monde sont menacées d’extinction dans les prochaines décennies. C’est le constat accablant qu’a fait cette semaine la Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), dont le rapport a dominé l’actualité en France et dans le monde cette semaine. Cette constatation n’est pas le fruit d’un catastrophiste ou d’un de ces illuminés qui anticipent régulièrement la proximité de la fin du monde, mais le résultat de recherches d’un organisme intergouvernemental respecté. Le rapport, qualifié de très alarmant, est le résultat de trois ans de travail entrepris par 140 experts venant de 50 pays. Devant l’ampleur de ces prévisions, le président de la République française, Emmanuel Macron, est monté au créneau cette semaine pour affirmer que « la biodiversité est un sujet aussi important que le changement climatique, et nous ne pouvons gagner cette bataille qu’en œuvrant sur tous les leviers ».
Le rapport de l’IPBES, de quelque 1 800 pages, est considéré comme « le document le plus exhaustif réalisé à ce jour » au sujet des menaces qui pèsent sur la diversité des espèces animales et végétales, et sur la survie des écosystèmes. Selon les chercheurs qui l’ont réalisé, le constat est sans appel : « La nature décline globalement à un rythme sans précédent dans l’histoire humaine. »
Le rapport constate que les humains sont responsables des principaux facteurs qui menacent la biodiversité, notamment « les changements d’usage des terres et de la mer », « l’exploitation directe de certains organismes », « le changement climatique », « la pollution » et « les espèces exotiques envahissantes ». Autre constat inquiétant : les trois quarts de l’environnement terrestre et les deux tiers du milieu marin ont été significativement modifiés par l’action humaine. Plus de 85% des zones humides ont été perdues. En 2015, 33% des stocks de poissons renfermés par nos mers et océans avaient été « exploités à des niveaux non durables ». Tout ceci est d’autant plus inquiétant que l’homme dépend de la nature.
Devant cette situation apocalyptique, le président français a annoncé une série de mesures qui comprennent, entre autres, le recyclage à 100% du plastique en 2025, la réduction du recours aux produits phytosanitaires et la lutte contre le gaspillage alimentaire. Tout cela peut difficilement nous laisser insensibles à Maurice, qui se classe déjà parmi les 16 pays les plus menacés par le changement climatique. Il ne faut pas oublier que dans notre île, connue pour l’extinction du Dodo, qui est devenu le symbole international de la préservation, 98% de la forêt originelle a disparu. Et certaines espèces continuent d’être sous la menace d’extinction. Selon les spécialistes de la Mauritian Wildlife Foundation, sur 680 plantes indigènes, 80 espèces ne comptent que 10 spécimens répertoriés, alors que 80% sont en voie de disparition.
À Maurice, beaucoup pensent que les autorités ont adopté une politique à plusieurs vitesses. Certaines mesures ont été prises, notamment en ce qui concerne le plastique. Cependant, il est malheureux que les normes de l’Environnement Impact Assessment ne soient pas appliquées pour certains projets majeurs. Les plantations de canne à sucre, considérées comme essentielles pour notre biodiversité, cèdent la place graduellement à l’urbanisation et aux Smart Cities. Les appels lancés par les écologistes concernant les zones humides, la protection des zones côtières contre la pollution, notamment à Albion, seront-ils entendus par les autorités ? Il est heureux cependant que l’environnement ait figuré cette semaine à l’agenda des discussions entre le secteur privé et le gouvernement dans le cadre des consultations prébudgétaires.
Alors que de plus en plus de pays prennent conscience de l’importance de la biodiversité, les consommateurs et les touristes de ces pays, notamment en Europe, prendront de plus en plus en considération ces questions lors de l’achat de produits importés et dans le choix de leur destination touristique. Les décideurs mauriciens auraient tort d’ignorer l’impact que peuvent avoir ces questions sur l’économie locale dans le cadre de l’élaboration de leur stratégie de développement.
Jean Marc Poché