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Budget 2018/2019 : ÉLITE ET TRAVAILLEURS AU SERVICE DES PUISSANTS ?

117 milliards de recettes comprenant des revenus de 100 milliards de nature fiscale, des dépenses de 133 milliards dont 116 pour les charges courantes, un déficit de 16 milliards, représentant 3,2% du PIB, une dette publique de 323 milliards à 63% du PIB, montant légitimement contesté du fait des prêts à travers les Special Purpose Vehicles, des chiffres savamment ventilés: taxe à valeur ajoutée, droits de douane, Corporate Tax, impôt sur le revenu. Résultat: le profane décroche.

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Qui donc vulgarisera les enjeux ? Des membres du MSM ? Leur flagornerie légendaire les disqualifie d’office ! Ceux de l’opposition alors ? Leur agenda politique les prive d’une analyse impartiale. Un petit tour d’horizon pour nous en convaincre: « budget panadol » (MMM), « lakwizinn finn rat so reset bidze » (PMSD), « vers une catastrophe économique » (PTr). Le citoyen à équidistance des formations politiques se tourne donc tout naturellement vers les économistes pour un examen clinique.

Emmanuel BLACKBURN

L’Economic Development Board (EDB) est ainsi tout indiqué. Mais déception ici aussi car flatter les mesures budgétaires sans prendre en compte les dysfonctionnements qui empoisonnent notre société ne peut que desservir les efforts de redressement d’une économie mal en point. Balayer la poussière sous la moquette est avant tout une erreur. Un rapide coup d’œil à la Newsletter du EDB se révèle éclairant: “Indeed, the measures in the budget put the welfare and the quality of life of the population at the forefront of the development agenda and ensure that each and everyone benefits from output growth”. Le ton est donné! Évoquant les programmes qui «…will contribute in improving the skills of the youth to help them secure quality jobs…», l’impasse est faite sur le copinage révoltant qui caractérise l’emploi ainsi que le coût de la corruption qui, à lui seul, mérite tout un chapitre; le « work permit application…streamlined to facilitate the recruitment process of foreign workers » ignore cette honte nationale que constitue le traitement inhumain réservé aux milliers de travailleurs étrangers qui ont cru que l’herbe était plus verte ici; le «…set of incentives …introduced under the Smart City Scheme Regulations for urban regeneration…» oublie commodément la nature Big Brother de l’État, somme toute suite naturelle de la carte biométrique; tandis que son «…intent to position the Mauritius International Financial Centre as a trusted and substance-based jurisdiction » mésestime la propension du pouvoir à faire plier les échines souples (la saga Alvaro Sobrino déjà aux oubliettes!). L’EDB se voit aussi octroyer d’autres responsabilités, notamment le développement des  ‘outer islands’, avec la création d’un port de pêche et la connectivité internet à Agaléga, mais silence sur les craintes exprimées ici et là quant à la conversion de cette partie intégrante de notre république en base militaire; et, cerise sur le gâteau, ces deux autres tâches confiées à l’EDB et liées à l’octroi de la citoyenneté et le passeport mauricien aux High Net Worth Individuals  et qui auront soulevé une réprobation quasi générale. Comme quoi, le dicton s’avère: l’économie est trop sérieuse pour être confiée aux économistes.

Se fier donc aux travailleurs ? Ah non ! L’ensemble de leurs représentants s’est vite réjoui des miettes du banquet lancées à la classe moyenne : un petit fardeau fiscal allégé avec le taux d’imposition passant de 15 à 10 %, Rs 2,35 enlevées sur le litre d’essence et Rs 1,90 sur le diesel ainsi qu’une roupie par jour déduite du prix du gaz!! La belle affaire! Une dignité vendue au rabais! Les mauvaises langues y verraient la collusion de l’élite et des travailleurs au service des puissants.

Un espoir toutefois face à cette reddition générale: Pierre Dinan, celui qui a récemment claqué la porte du Monetary Policy Committee (MPC) pour préserver son indépendance. Rappelons que le MPC est responsable de la détermination du Repo Rate, dispositif central de la politique monétaire, indissociable de la fiscalité qui, elle, relève des décisions budgétaires. L’économiste respecté a cependant choisi de jeter pudiquement un voile sur les véritables raisons de son départ, ‘respectful of the duty of confidentiality’ confie-t-il à un hebdomadaire. Regrettable car cette éthique personnelle, absolument louable, fait paradoxalement le lit où prospèrent les dérives non dénoncées. Pierre Dinan aura peut-être raté une occasion de provoquer un sursaut chez ceux ayant maîtrisé l’art de la soumission…

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