L’on pensait avoir tout — ou presque tout — vu et entendu. Que l’on ne pouvait franchir d’autres frontières, dans les extrêmes de l’absurde, du ridicule, et des dérives… À peine se sont estompés les épisodes des étudiants épris d’une violence inouïe dans nos mémoires, qu’une flopée d’autres images, traduisant des accès de brutalités telles qu’on peine même à les imaginer, les remplace. C’est comme si certains de nos compatriotes sont subitement piqués par des nuées d’abeilles; ou des « mous zonn » pour rester dans le jargon typiquement local. Et nos politiques sont loin d’être en reste ! Avec les déclarations tantôt frisant le burlesque, tantôt carrément à côté de la plaque… Mais non. Chaque jour recèle son lot de décadences nouvelles !
En parlant de mouche, l’autre insecte qui nous rend amplement inquiet ces jours-ci c’est le moustique vecteur de la fièvre dengue, malaria, chikungunya et autres virus de la même famille. En cette fin d’été, alors que l’on recense encore des pics de chaleur torride tant dans la capitale que dans le reste du pays, la vigilance est maximale en ce qu’il s’agit des maladies contagieuses, telles que celles citées plus haut. D’autant que l’on sait que pour un pays tropical comme Maurice, été comme hiver, ces maladies saisonnières font des victimes à la pelle !
Selon des cas recensés officiellement, un foyer de la dengue existe donc dans une partie de la banlieue de la capitale. Ce qui a mené des services de la Santé à déployer leurs moyens usuels et à envoyer des officiers pratiquer du “fogging” il y a quelques jours. Rien de plus… normal. Hélas, ainsi que le rapportait Le Mauricien dans son édition du 13 mars, deux officiers qui faisaient leur devoir, la veille au soir, soit le mardi 12, ont été agressés par des habitants du quartier. Motif : ils avaient prévu une petite soirée festive et le travail des deux officiers les « incommodait »… Donc, pour leur faire comprendre qu’ils n’étaient pas les bienvenus, en d’autres mots que chasser les moustiques et leur épargner la dengue étaient le cadet de leurs soucis, ces habitants n’ont rien trouvé de mieux que de les… malmener. Verbalement et physiquement. Plutôt brutalement d’ailleurs, car il est question de coups de poing et de gifles ! Ni plus ni moins. Prenant la loi dans leurs mains, se faisant « justice ». Allez comprendre !
Ces débordements de certains Mauriciens, dont de très jeunes, sont de plus en plus légion. On ne peut que ramener sur le tapis les accès de violences de nos ados tant dans les cours d’écoles et de collèges que dans les endroits publics, entre autres actes violents enregistrés ces derniers temps. L’on condamne bien entendu irrémédiablement tout type de comportements de la part de qui que ce soit faisant preuve de violence, qu’elle soit verbale ou physique. Nul n’est habilité à prendre la loi entre ses mains et à en découdre. Doit-on rappeler le récent et tragique cas de Raffick Mamode Mauntah, ce père de famille de 62 ans, habitant Pailles, et qui a trouvé la mort sous les yeux de sa fille, qu’il était venu aider ?
Mais ces accès de violences traduisent aussi et surtout un profond mal-être qui gangrène de plus en plus notre société. D’aucuns des observateurs sociaux seront d’accord sur le fait que si la situation du “law and order” dégénère de plus en plus ces dernières années, c’est en grande partie la faute aux politiques, qui ne respectent plus les institutions, qui les utilisent à leurs avantages et intérêts personnels, qui bafouent eux-mêmes les règles régissant la société. Si tel est l’exemple qui est donné, d’en haut de la hiérarchie sociale, ajouté au mal-vivre qui perdure économiquement (fermetures d’usines, licenciements de travailleurs, chômage grandissant…) et le fait qu’il n’y ait aucun “feel good factor” dans le pays depuis plusieurs années maintenant, l’on obtient le cocktail explosif auquel on assiste, avec des compatriotes qui s’en prennent à tout le monde : citoyens anonymes, conducteurs dans des embouteillages, policiers, personnes âgées, enseignants… Tout le monde y passe !
Il n’y a pas un jour qui passe sans que les médias en fassent écho.
Aussi longtemps qu’il n’y aura pas un véritable projet de société, réfléchi et agencé de sorte à rééquilibrer les abus et manquements de part et d’autre, qui ont rongé notre société des années durant, la situation ne fera qu’empirer. Ce n’est pas ni coup de baguette magique ni des cadeaux à gogo qui ponctueront la prochaine campagne électorale qui en sera la solution !