DIPLAL MAROAM
Après plus de 7 années de suspense, d’attente et de rebondissements, Pravind Jugnauth peut enfin pousser un grand ouf de soulagement : son avenir politique de même que sa carrière professionnelle ayant été sauvés de justesse par un jugement final de 42 paragraphes axé, dans une grande mesure, sur la problématique de « personal interest » dont, manifestement, l’interprétation précise, au niveau de la POCA, reste encore à définir. Même s’il avait tenté, ces derniers temps, de camoufler, tant bien que mal, son état d’esprit, l’affaire MedPoint constitue probablement la plus grande épreuve qu’il a eu à endurer jusqu’ici. Car, il ne faut aussi pas oblitérer le fait qu’un jugement du Privy Council en sa défaveur l’aurait conduit tout droit en taule vu qu’il avait déjà refusé l’option des travaux communautaires à moins que le président de la République n’aurait décidé alors de le gracier. Et ce n’est certainement pas un hasard que, lors de l’inauguration du marché de Plaine-Magnien le 19 février, il a sollicité, pour la première fois à quelques mois de la fin du quinquennat, un nouveau mandat électoral et qu’il avait convoqué, à l’issue du Bureau politique du MSM le 23 février, tout l’état-major de son parti à un rassemblement au Sun Trust le 25 février, jour de la publication officielle du jugement. Un scénario qui contraste singulièrement avec celui de mai 2016 lors de la proclamation du jugement de la Cour suprême, lorsque Pravind Jugnauth avait décidé de ne prendre aucun risque et avait préféré attendre la confirmation de son acquittement avant de se rendre au Sun Trust, où avait eu lieu le baisemain notoire qui restera, sans doute, le cliché le plus marquant de toute l’affaire MedPoint.
« Ena sertin mazistra ineksperimante ki rann zizman brik-brak ». Cet extrait de la déclaration du Premier ministre d’alors, sir Anerood Jugnauth, accordée à la presse le 25 mai 2016 après que la Cour d’appel a renversé le jugement de la Cour intermédiaire du 30 juin 2015, soulève un sentiment d’inquiétude voire même de scepticisme à l’égard de notre système de justice.
En effet, si Pravind Jugnauth a pu interjeter appel du jugement le condamnant à 12 mois de prison et dont le coût est estimé à plusieurs millions de roupies, qu’en est-il du citoyen lambda qui, dans la grande majorité des cas, faute de moyens nécessaires, n’a d’autres alternatives que de subir en silence le verdict de la première instance ? Certes, il existe toujours le recours au Legal Aid – système d’assistance légale rappelé souvent par les avocats, manifestement, pour tenter de noyer le poisson lorsque l’argument de « bail for the rich, jail for the poor » est évoqué –, mais qu’en est-il des procédures et conditions qui y sont attachées ? Or, dans une démocratie digne de ce nom, tous les citoyens, petits ou grands, riches ou pauvres, doivent pouvoir bénéficier des mêmes droits et privilèges pour se défendre devant la justice de manière adéquate et équitable.
Certes, nous sommes dans un état de droit et aucun citoyen ne peut prétendre être au-dessus de la loi. Mais il faudra tout de même s’alarmer dès que commencent à clignoter les indicateurs d’une justice à deux ou plusieurs vitesses. Ainsi, il est temps de mettre un terme à cette perception de considération différentielle qui perdure au niveau de la justice. L’on se demande pourquoi la liberté conditionnelle est parfois accordée à 17h ou 18h un samedi ou un jour de congé public à certains notables qui sont ensuite autorisés à rentrer chez eux et venir ensuite payer la caution ; ou encore pourquoi, dans certains cas particuliers, les caisses de la Cour restent ouvertes après les heures normales ? Et si le seggaeman Kaya, dont le 20e anniversaire de la mort à Alcatraz a été officiellement commémoré le 21 février, avait bénéficié du même privilège pour le paiement de sa caution, les malheureux événements qui avaient ébranlé le pays en février 1999, n’auraient probablement jamais eu lieu.
Mais quoi qu’il en soit, le dénouement de l’affaire MedPoint étant déjà derrière nous, saura-t-on un jour les circonstances dans lesquelles le prix de la clinique avait connu une majoration à 100%, ce au détriment de l’intérêt national et qui, dans les coulisses, tirait alors les ficelles en ordonnant une seconde évaluation ?