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DEUXIÈME PARTIE – PRODUCTIVITÉ : l’impératif premier de la Croissance

INDERJEET
MUNOHUR

Un frein à la productivité est un frein à la croissance.

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Il y a croissance économique quand des ressources additionnelles sont mises à contribution pour accroître la production – plus d’hommes, plus d’équipements et plus de matières premières. Mais la croissance se fait aussi, et surtout, par le biais d’une amélioration de la productivité des ressources utilisées, quand on produit davantage à partir d’une quantité donnée de ressources, quand plus de produits proviennent de la même quantité d’intrants poussés par une plus grande efficience technique et institutionnelle. Pour l’île Maurice, la recherche de la productivité par la voie du progrès technique et de l’efficience des institutions doit forcément être l’une des priorités en matière de politique publique. Il s’agit là du seul vecteur qui puisse nous permettre de surmonter les contraintes fondamentales que nous avons (base de ressources nationales restreintes, main-d’œuvre en diminution, institutions de plus en plus vétustes ou mal adaptées, impacts climatiques de plus en plus importants, tension sociale accrue, etc.).

Productivité multifactorielle

Statistics Mauritius publie les chiffres sur la productivité du travail, du capital, ainsi que la productivité multifactorielle. Pour les besoins du présent exercice, nous proposons d’utiliser la productivité multifactorielle comme critère de base tout en se rappelant que les trois critères ne sont pas complètement indépendants les uns des autres. Aussi appelée Total Factor Productivity (TFP), la productivité multifactorielle incorpore une multiplicité d’éléments pour arriver à un indicateur de productivité plus représentatif au service de la comptabilité nationale. Il est conçu comme un résiduel séparé de la productivité du travail et du capital. La méthode de sa construction, comme établie par UNIDO, (UNIDO – World Productivity Data Base), permet une évaluation de l’efficacité de l’économie nationale en capturant l’apport des facteurs tels que l’éducation, l’assimilation des technologies, la création de la connaissance, l’innovation, l’efficacité des services financiers qui sont pris en compte dans cet indice. Tout en évitant la tentation d’une surinterprétation, la pertinence de cette approche vient du fait qu’elle dirige l’attention vers les facteurs tout autant techniques qu’institutionnels. Par exemple, la croissance de la Valeur ajoutée brute annuelle pour la période 2007 – 2017 est attribuée de 13% à la main-d’œuvre, 61% au Capital et 26% pour le reste – ce reste de 26% étant en large partie l’apport institutionnel. 

Indexée à 100 pour l’année 2007, la productivité multifactorielle atteint un plafond de 109.2 en 2017, démontrant une moyenne de croissance de 0,9% par an, chiffre déroutant au vu des importantes  possibilités de progrès technique dans plusieurs secteurs de production. La productivité de la main-d’œuvre pour la même période passe de 4,9% en 2007 à 2,4% en 2017, soit une réduction de plus de 50%, alors que la compensation salariale moyenne augmente par 68% tirant le coût de la main-d’œuvre et le coût de production vers le haut. Pour la même période, la productivité du capital reste presque stagnante.

Évidemment, ce ratio du salaire moyen est bien plus élevé pour certains secteurs d’activité, d’où la raison de l’emploi de la main-d’œuvre étrangère qui sert à contenir les coûts de production et ainsi rehausser l’index productivité/coût au niveau des entreprises – exercice qui devient d’ailleurs de plus en plus difficile. Il convient de rappeler que c’est la maîtrise du coût de production qui reste centrale à tout potentiel d’exportation et qui fait que l’économie avance, recule ou se met à stagner et s’arrête. De par le fait que la productivité peine à évoluer, l’indice des exportations diminue. De 100 en 2013, année de l’indice de base, il passe à 98,7 en 2017 et à 98,4 pour Jan – Sep 2018. Pour la même année, le ‘External Merchandise Trade’ montre une baisse de l’ordre de 5,8%. Les déficits commerciaux explosent.

Conséquences de la stagnation ou du déclin

La récession de 2008 fut une crise financière accompagnée de pertes importantes de productivité à travers le monde, les deux phénomènes se produisant en même temps. En cette même année de 2008, le ‘Doing Business Report ’ cite L’Île Maurice parmi les plus performants des pays subsahariens, faisant toujours preuve de résilience face à la récession. Mais les chocs provenant d’une baisse de croissance de productivité (Total Factor Productivity Shocks) peuvent être amortis seulement à court terme, comme démontré. Sur le moyen, voire le long terme, cette baisse amène inévitablement une perte de marché par voie de l’usure de la force compétitive, quand les prix des produits deviennent élevés en comparaison aux autres fournisseurs.

Quand un tel scénario se dessine, les frictions financières font évaporer les fonds de roulement des entreprises, les fournisseurs ne sont pas payés, et les banques ne suivent plus. Les ouvriers sont licenciés sans compensations ni indemnités. Toute amplification de ce phénomène fait grimper le taux d’intérêt sur le marché domestique. Les entreprises cherchent des prêts de l’étranger et deviennent ainsi la courroie qui relie les finances aux problèmes de production de l’économie réelle. En même temps la pression monte pour que le gouvernement intervienne. Faute d’une gestion réfléchie et d’une politique intelligemment adaptée, le problème s’amplifie. La production régresse, le compte commercial national subit encore plus de pression, la monnaie nationale se déprécie, les investissements tarissent, la récession s’amplifie, et la crise sociale s’intensifie.

Dans son rapport de la mi-avril 2019, la Banque de Maurice fait l’inventaire de ses interventions sur le marché des changes : 4 interventions depuis novembre 2018 pour un total de USD 70 millions. Ceci a pour objectif de maintenir le prix d’achat du dollar autour du taux de Rs 34,80. L’aggravation du déficit dans la balance courante (visible trade) passant de 90.5 milliards à 102.5 milliards en une année est une conséquence directe de la chute de productivité, renforcée par l’insouciance et l’incompétence politiques qui gangrènent le pays. Les prévisions pour 2019 indiquent un déficit de Rs 212 milliards, incluant les dépenses pour l’achat d’un avion, des éoliennes et les trains du Metro Express. 

Le présent climat de méfiance à travers le monde, où les puissants utilisent les différentes instances internationales pour faire avancer leurs intérêts propres, les barrières tarifaires, et l’incertitude commerciale qui les accompagnent, exposent les petits pays à des périls encore plus sévères. Le ton est déjà donné par la Banque centrale européenne. Une réduction du taux de croissance est à prévoir en Europe. Les risques pour l’île Maurice se dessinent clairement.

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