C’est un bonheur subtil, qui ne se dit pas, qui ne se raconte pas. On a peine parfois à trouver les mots pour le définir. C’est un bonheur qui ne figure pas dans les espaces du narcissisme, qui ne se revendique pas bonheur, qui ne s’affiche pas, qui n’a pas besoin du regard des autres pour exister. Il est simple, paisible, comme ces lumières de l’aube qui effleurent notre peau ou l’eau miraculeuse et limpide des sources. On s’arrête parfois pour le contempler, qu’il emplisse notre corps de ses fulgurances apaisées. Qu’il nous crucifie dans des cieux trop bleus. On sait que c’est une grâce, la plus belle des grâces. Il nous donne envie de pleurer. On se dit qu’on ne le mérite pas. Qu’il est trop féroce pour être vrai. Mais il nous fait peur en même temps. Il est précaire. Un rien suffit pour le détruire. Le souffle d’une nuit qui oublie son destin. Les errances de la haine. Et les aumônes du sang. Il suffit d’un rien. Vivre est, après tout, le procès de l’anéantissement. Mais tout ce qui est fragile est essentiel. Tout ce qui est lumière se nourrit des ombres. Et ce bonheur, au-delà de toutes les fictions du paraître, au-delà de nos vaines tentatives de posséder l’absence, est sans doute le sens de notre être. Ce bonheur d’être avec ceux qu’on aime, chair de notre chair et sang de notre sang, dans ce lieu hors du temps qui a pour nom l’amour.