Bravo à Ramapatee Gujadhur, qui a réussi l’exploit historique en 2017 de compléter le Grand Chelem en remportant les quatre épreuves classiques dans la même année. 83 ans après celui de l’un de ses aïeuls, Amurdeeal Gujadhur, qui avait déjà inscrit le patronyme au panthéon des courses mauriciennes en s’adjugeant les quatre titres… avec le même cheval, Winking, il a conduit à la victoire ses champions qui ont pour noms Ready To Attack qui a remporté la Duchesse et la Coupe d’Or, Tandragee qui s’est adjugé le Barbé et Enaad qui s’est baladé dans le Maiden.
Nous étendons ces félicitations à ses deux fils Gopal et Mukund, et à tous ceux qui à l’entraînement Gujadhur ont contribué d’une façon ou d’une autre à cette performance que leur champion de père avait déjà frôlée à deux reprises en 2004 et 2012 lorsqu’il remporta trois des quatre épreuves les plus convoitées du calendrier hippique mauricien. Ce record absolu est d’autant plus exceptionnel que seuls deux autres entraîneurs mythiques du Champ de Mars, Philippe Henry en 2003 et Gilbert Rousset en 2010, avaient réalisé le triplé classique. Désormais, alors qu’il annonce sa retraite pour bientôt, Ramapatee Gujadhur renforce sa réputation de classic trainer puisqu’il cumule à ce jour 19 réalisations comprenant 6 Duchesse, 5 Barbé, 4 Maiden et 4 Coupe d’Or. Il faut ajouter à ce brillant palmarès deux titres d’écurie championne sous son entraînement.
Que dire de la course sinon qu’elle fut lancée sur des bases élevées. Les deux entraînements les plus représentés, Gujadhur et Rousset, ont visiblement sacrifié les chances de Tandragee et Karraar pour favoriser les desseins de leurs compagnons d’écurie. Comme attendu, ce furent les chevaux de ces deux établissements qui ont émergé dans les derniers 150 mètres et si on attendait Scotsnog, c’est par contre Ready To Attack qui a suppléé la défaillance du favori Enaad, pris de vitesse à 600 mètres de l’arrivée, alors qu’Oomph fonçait sur la tête de la course mais connaissait quelques malheurs avant de finir troisième. Le duel final et haletant a tourné à l’avantage de Ready To Attack, qui a dominé Scotsnog de peu mais sûrement.
Ce résultat a soulagé tous les supporters de la casaque bleu électrique. Mais aussi et surtout Ramapatee Gujadhur, qui n’a pas caché son soulagement avant de rendre un hommage appuyé et empreint d’une émotion sincère à ses prédécesseurs et aïeux, son père, Ton et Tantine Mica, entre autres, avant d’associer la famille Gujadhur dans son ensemble à cette victoire historique et d’annoncer sa retraite pour bientôt.
Ce grand moment hippique qui a rejailli positivement sur toute l’industrie frappée depuis le début de l’année par les affaires n’a en rien influé sur les querelles intestines qui existent au sein du board des administrateurs. La remise des prix en est la preuve visible, car réservée parfois uniquement à certains, surtout lorsqu’il faut aller se faire photographier auprès des Gujadhur. Mais dans les coulisses, c’est loin d’être tendre non plus, comme illustré par les dérapages verbaux échangés en public par deux administrateurs, samedi dernier en pleine journée, et qui, il est vrai, ont fait amende honorable après.
Plus que jamais, l’hippisme mauricien requiert une unité de vision et d’action à la tête de l’organisation des courses. L’individualisme semble avoir pris le pas sur la collectivité et cela ne peut qu’arranger ceux qui veulent faire dérailler le train. Pas étonnant de voir dans cette atmosphère surgir de nulle part une campagne savamment orchestrée et relayée par les réseaux sociaux pour tenter de discréditer l’organisation et ses principaux animateurs. Mais ce que tous les acteurs hippiques semblent ignorer, c’est que toutes ces manigances, où tous les intérêts ne sont pas toujours dévoilés dans leur contexte, ne peuvent que favoriser les maldonnes et un affaiblissement de l’institution courses qui a pourtant un urgent besoin d’être respectable et respectée
Les dirigeants hippiques doivent mieux savoir que quiconque que les sponsors ne se bousculent pas au portillon avec tous les stigmates dont on a bien voulu affubler les courses hippiques ces derniers temps, surtout en y collant une étiquette drogue/blanchiment d’argent dont elles sont loin d’être la courroie de transmission principale. Certes, cette semaine l’ICAC a entamé le démantèlement d’un réseau de bookmakers qui s’adonnaient à la vente de reçus de sommes importantes pour faciliter le blanchiment des revenus non déclarés d’individus loin d’être nets.
Certes, la Police des Jeux et d’autres institutions, à la demande de la GRA, enquêtent sur le résultat de la cinquième épreuve de samedi dernier sur la base d‘informations précises à l’effet que Charles Lytton allait perdre au profit d’Ernie. L’évolution des cotes a montré, en effet, que celle de Charles Lytton prenait le chemin d’un cerf-volant (c.-à-d. que sa cote montait), alors que celle d’Ernie se raffermissait sous le poids de paris massifs de dernière minute. Les Racing Stewards ont entre-temps trouvé le jockey Rye Joorawon, qui montait Charles Lytton, coupable de manque de vigueur dans la ligne droite, alors qu’Ernie trouvait miraculeusement la corde pour l’emporter de justesse. Tous les ingrédients pour confirmer l’information initiale, excepté qu’à tout moment la cote du favori Victory Team, la base de nombreux Double et Treble, est restée très ferme. Le jockey a fait appel de cette décision qui risque de faire couler beaucoup d’encre. Enfin, le fait que deux jockeys étrangers veulent regagner leur pays jette également le trouble, ce qui contraint leur entourage respectif à faire appel aux jockeys mauriciens.
La commission Lam Shang Leen sur la drogue a permis d’enregistrer que la plupart des intervenants déclareraient le plus souvent que leurs revenus inexpliqués provenaient de leurs gains aux casinos plutôt que des courses hippiques. Et pourtant, il n’y a eu jusqu’ici aucune enquête et aucun fracas spectaculaire autour des casinos et de leurs animateurs à ce sujet. Cela doit sans doute être bien gênant pour certains politiciens.
Quand en plus le président de la GRA, Raouf Gulbul, celui qui doit assurer l’équité et la régularité dans le monde du pari, se retrouve au centre de toutes les attentions et d’allégations troublantes qui lui valent d’être interrogé par la commission de la drogue, il y a de quoi être désorienté qu’il n’ait pas eu l’élégance de démissionner de son poste, au moins jusqu’à ce qu’il soit lavé de tout blâme, ne serait-ce que pour sauvegarder la crédibilité de son institution, comme le font régulièrement les hauts cadres ou ministres britanniques, le dernier en date étant Michael Fallon.
Oui, les courses hippiques engendrent des légendes et de la grandeur, mais tout ce qui l’entoure semble pour l’heure voué à la décadence.