C’est avec grande tristesse que j’apprends cette fort mauvaise nouvelle… Une de ces nouvelles qu’on aurait souhaitée la plus tardive possible. Marclaine était un musicien dans l’âme, extrêmement talentueux, c’était aussi un véritable musicologue, collectionneur d’instruments et expérimentateur de la tradition, toujours à la recherche de l’authentique. Beaucoup de souvenirs ensemble, surtout pour l’expo Ki faire Ti frer? Une de ses œuvres… On s’était très bien entendus et, petit à petit, une amitié s’était tissée.
Tu avais appris à mon fils à jouer du bobre. Marclaine était assurément quelqu’un d’original, quelqu’un de vrai, qui disait avec franchise ce qu’il pensait et il générait souvent des idées étonnantes et neuves car son esprit était réellement jeune. Partisan d’un séga revenu à sa source, il n’en était pas moins sensible aux autres musiques nées de l’univers de l’esclavage… Blues et jazz, salsa, il avait une culture extrêmement vaste mais savait ne pas la garder pour lui, guidée par une générosité naturelle et bien réelle.
Je me rappellerai toujours la fois où le ministre des Arts et de la Culture de l’époque, l’ayant convié à une réunion pour un événement musical, il avait arrêté le Secrétaire permanent aussitôt en lui demandant de quel accordéon il parlait… Diatonique ou chromatique? Et le voilà en train de nous exposer les différences qu’à notre grande honte, nous ignorions de fait lamentablement… Il avait gagné notre admiration! Marclaine était quelqu’un de très simple, facile d’abord, et même extrêmement facétieux, ayant toujours le mot pour rire… Ses souvenirs étaient légion et semblaient assurément lui valoir tous les diplômes du monde! Il avait roulé sa bosse et avait droit au plus grand respect.
Il est donc fort dommage que certains, qui ne s’y entendent guère en matière culturelle, l’aient martyrisé il y a dix ans, au point de l’obliger à perdre son bien le plus cher, la liberté, cela juste parce qu’il n’avait pas les moyens de se défendre. Cet homme méritait amplement la considération la plus haute. Pour ma part, je n’ai jamais cessé de l’admirer et c’est avec les yeux rougis mais fiers de l’amitié blessée que je pense à lui aujourd’hui. Puisse l’Île Maurice honorer la mémoire d’un homme qui avait su de son côté, conserver avec autant de passion celle de son propre pays. Dors en paix Marclaine, the show must go on!