Le parricide commis par Ernest Lapeyre sur Lindsay Lapeyre, en cette fin de semaine, est certainement choquant. Ce jeune homme aurait été sous l’influence d’une drogue synthétique au moment des faits, et serait, selon les dires de ses proches, accro à ce genre de produits depuis quelques années déjà. Encore un cas d’une victime de drogues synthétiques qui, lui, s’est mis dans un sacré pétrin. Un acte affreux, indicible. Une horreur sans nom. Le genre d’atrocités qu’une personne commet quand elle devient la malheureuse victime d’une substance telle qu’une drogue.
Pour les plus blasés, cette situation n’est, au final, pas aussi inattendue. Parce que cette horreur qui s’étale sous nos yeux, chaque jour, avait été annoncée. Et il n’y a effectivement pas que la drogue synthétique qui doit être au banc des accusés. Le manque de volonté politique et le retard à prendre des actions adéquates le sont tout autant, à notre sens ! Nos politiques, de tous bords confondus, sont tous aussi responsables, parce que s’ils avaient été diligents dès le départ, dès les premières alertes, l’on n’en serait probablement pas là… Oui, bien sûr, qui aurait pensé qu’on en arriverait là, à ce point de l’horreur ? Mais c’est justement le propre de diriger : anticiper.
Pour la mémoire, il convient de rappeler que plusieurs travailleurs sociaux sont montés au créneau depuis 2013 pour prévenir contre la montée des drogues de synthèse à Maurice. Les médias ont relayé les informations sur les Wasabi, Bat dan latet, C’est pas bien, Ben Laden, Blue Magic et autres 113 sans pouvoir, néanmoins, déclencher quelque réaction concrète de la part des différents régimes qui se sont succédé. Et ce n’est que l’an dernier, donc, en 2018, après cinq longues années, que le gouvernement du jour a entrepris un projet touchant à la fois les écoliers, les collégiens, et la communauté dans son ensemble, avec le concours d’agences internationales, ici le United Nations Office on Drugs & Crime (UNODC). Entre-temps, comme presque rien, voire très peu, avait été fait en amont du problème, les drogues de synthèse ont fait des victimes auprès des plus jeunes : en l’occurrence, des écoliers en cycle primaire !
Et ce qu’a fait Ernest Lapeyre, ce jeudi 2 mai, en tuant son propre père, n’est pas un cas isolé. Dans les centres de réhabilitation tels que Lakaz A ou le Centre Idrice Goumany, à Port-Louis, les encadreurs et animateurs reçoivent (trop) souvent ces mères et pères de famille à bout, ne sachant plus à quel saint se vouer, depuis que leurs fils ou filles, certains issus des milieux difficiles, d’autres de foyers bien lotis, se sont mis à consommer des drogues synthétiques. Et il n’y a pas que dans ces centres. Chaque habitant d’un quelconque quartier du pays, que ce soit des villes ou des villages, connaît un ou plusieurs ados, qu’il ou elle aura tenté de maîtriser, ou ramené à la raison, après l’avoir vu en fâcheuse position ou dans une posture délicate…
Certes, le gouvernement a pris les devants. Oui, des structures d’aide médicales ont été ouvertes. Et encore oui, des saisies de drogues, qu’elles soient dures, comme l’héroïne, ou synthétiques, défraient régulièrement la chronique. Mais ce n’est toujours pas assez, parce que le mal est déjà fait. Un grand nombre de nos compatriotes sont déjà des esclaves de produits illicites. La faute à plusieurs années d’inaction et de manque de décisions de la part de décideurs politiques trop mous ou trop tièdes qui auront mal jugé le problème et sous-estimé son ampleur. Et le résultat, aujourd’hui, n’est pas beau à voir !
Nous sommes entrés, ce mercredi 1er mai, en pleine campagne électorale. Elle sera probablement la plus longue que notre pays ait connue, puisqu’elle s’étirera sur plusieurs mois avant que le pays soit appelé aux urnes. Ces longues semaines ne devraient pas être gaspillées en verbiages usuels via des conférences de presse ou congrès, dénigrement des adversaires, règlements de comptes entre partisans et autres inutilités. Plutôt, à notre humble avis, ces prochains mois devraient être mis à contribution pour l’élaboration de programmes électoraux soutenus par des propositions de projets de société viables, comportant des réalisations sur le plan social, économique et éducatif. Qui assureraient un développement durable de nos ressources, limitées, pour rappel, et, dans le même temps, permettraient aux citoyens de s’extraire des ghettos dans lesquels les changements industriels de ces dernières années les ont cloîtrés. Ce serait une approche à la précarité qui représente un danger grandissant pour notre pays.
Husna RAMJANALLY