Padma Moulin-Utchanah
« On voit la pollution des rivières, on voit la fonte des glaciers, on voit les coupes dans les forêts mais aussi la pollution de l’air au-dessus des grandes villes qu’on ne peut même pas photographier. Cela renvoie beaucoup de beauté mais on voit aussi les stigmates du changement climatique. » Voici le constat de Thomas Pesquet, astronaute français, qui a passé 196 jours dans l’espace en 2017. Les conséquences du changement climatique agissent comme la faucheuse qui hante notre quotidien. Une façon chaotique et mortifère sans doute pour rappeler à l’Homme son comportement excessif face à la surexploitation et à la maltraitance que nous faisons subir à la Pachamama (Terre-Mère).
Notre pays n’échappe pas non plus au changement climatique. Les inondations à Maurice sont devenues comme des rendez-vous annuels incontournables. Les pluies diluviennes, le bétonnage sauvage, et l’absence d’infrastructures adéquates redessinent le destin des Mauriciens. Le village de Cottage en a fait les frais dernièrement. Les scientifiques tirent la sonnette d’alarme. Les catastrophes naturelles risquent de gagner en intensité dans les années à venir. Loin de prendre cela comme une fatalité, nous devons conjuguer avec, réadapter notre mode de vie et redonner à la nature sa place initiale. Nous devons revoir notre manière de construire nos habitations. C’est à l’État d’établir un cahier des charges strictes pour les particuliers et le secteur privé.
1) Pour les nouveaux logements, il est désormais impératif de rehausser sa maison de 30 cm à 50 cm par rapport au niveau de la rue, et ce en se basant sur les dernières mesures d’eau enregistrées dans le district, ville ou village. Aucun permis de construire ne doit être délivré si le plan n’est pas conforme.
2) Des maisons sur pilotis doivent faire partie des constructions nouvelles dans notre paysage insulaire. C’est une bonne alternative pour faire face aux inondations.
3) Inviter les particuliers à créer des jardins de pluie. Concevoir des drains devant les garages et les entrées de maisons. Les eaux collectées devront ensuite être dirigées vers un puisard.
4) Construire des bassins de bio rétention ou des noues paysagères en bordure de parkings engazonnés pour récupérer les eaux de pluie.
5) Les résidences NHDC ou tout autre immeuble en zones inondables doivent être repensés. Adopter le principe des châteaux forts avec des douves. En l’occurrence, les douves ne seront pas là pour arrêter les envahisseurs en cas d’attaque, mais elles feront office de bassin de rétention. Un exemple: une résidence sur pilotis construite à Saint-Ouen-L’aumône en France pour faire face aux inondations. Voir lien plus loin.
6) Développer dans nos Smart-Eco Cities des panneaux photovoltaïques sur les toits des immeubles afin d’être en autosuffisance en électricité et en énergie renouvelable. Mettre en place des techniques sophistiquées de récupération d’eau de pluie dans ces bâtiments intelligents à des usages domestiques. Vivre en « Eautarcie », c’est être soucieux de l’environnement. Introduire dans ces Eco-Smart Cities une urbanisation verdoyante. Végétaliser les façades et les toits des bâtiments. Des bio potagers sur les toits doivent faire partie intégrante du projet d’urbanisme. Des parcs dans nos smart cities sont un atout majeur, pour ne pas dire vital, à la survie de la population. La végétation en milieu urbain lutte contre la pollution de l’air et réduit les maladies respiratoires. Ces espaces verts rafraîchissent l’air dans ces îlots de chaleur urbains. Ils contribuent à un meilleur cadre de vie des citoyens. Les arbres doivent supplanter le béton.
7) Il faut un ruissellement efficace de l’eau de pluie. Souvenons-nous de Mahé de La Bourdonnais et son système de drain ingénieux.
Ces solutions peuvent être transposées dans le contexte mauricien en prenant en compte le climat tropical, le relief, la géologie et la géographie et bien d’autres paramètres. Il va de soi que les plantes utilisées en Europe dans les noues paysagères ou bio-rétention ne seront pas les mêmes que sous les tropiques. Il faut prendre en compte le biotope de nos plantes et respecter notre écosystème.
Je lance un appel au génie mauricien pour qu’il se penche sur ces alternatives, aux ingénieurs en urbanisme de modeler notre pays en ayant une vision nouvelle, aux architectes de travailler sur l’habitation de demain et aux étudiants de rivaliser d’inventivité pour donner à notre île un avenir écologiquement futuriste. Notre pays doit désormais travailler en étroite collaboration avec des écologues et des éco-paysagistes. Il est grand temps que l’État fasse appel à la diaspora mauricienne. Les Mauriciens d’ailleurs peuvent apporter une plus-value dans l’élaboration des solutions innovantes de par leur technicité, leur savoir-faire, leur expérience acquise à l’étranger. Le tout béton est à proscrire. Il ne sert strictement à rien de faire sortir de terre des smart cities rutilants si nous sommes incapables de protéger les citoyens. Il nous faut construire différemment tout en protégeant notre planète et en pensant aux conforts des habitants et des générations futures.
« Errare humanum est, perseverare diabolicum » cette locution latine sonne le tocsin: « l’erreur est humaine, persévérer est diabolique. »
L’image de cette vieille dame en pleurs à Cottage m’a profondément marquée et émue. Elle a perdu son époux il y a quelque temps. Elle a atteint un désespoir sans fond: « Monn aste rasion monn garde, tou inn ale, mo pena narien. Enn 5 sou mo pena, kouma mo pou fer, kouma mo pou reste ? »
Mesdames, Messieurs les politiciens, un peu d’humilité et de retenue face à la douleur des victimes. Cessez donc ces clivages stériles pour savoir qui est l’auteur des drains. Il est impudique de déballer ses trophées en matière de maîtrise d’œuvre des travaux finis lorsque des familles entières ont tout perdu. Nous n’avons pas à prendre en otage la souffrance de la population endolorie. Face aux forces de la nature, il est évident que nous sommes impuissants, néanmoins nous devons faire en sorte de réduire au maximum les dégâts potentiels. Il en va de notre responsabilité pour assurer le bien-être des citoyens et trouver des solutions pérennes et écologiques. Nous devons mener une réflexion collective afin d’imaginer l’habitat de demain et de construire un pays dans un souci de respect de l’environnement. Que vous soyez ministre ou laboureur, face au courroux foudroyant de Dame nature, nous serons tous amenés à être sur un pied d’égalité. Notre ego surdimensionné ne sera que poussière, le jour où la Pachamama tremblera de colère.
Références
1. https://webtv.coop/group/video/La-gestion-des-eaux-pluviales-un-defi-inspirant-Bioretention-et-stationnement-vert/b468505ae4444daa7287f18c38ebd2c1/f05f91347a7e3bdc3c4b75148c25aa52
2. http://www.environnement-urbanisme.certu.developpement-durable.gouv.fr/jardins-de-pluie-une-dimension-ecologique-et-a153.html
3. https://meteo.orange.fr/videos/inondations-dans-le-val-d-oise-des-constructions-efficaces-contre-les-crues-VID0000002xepw.html